Gustave Doré Ogre et génie

Gustave Doré Ogre et génie, Musées de la ville de Strasbourg, 19 €

On lira avec intérêt ce recueil de 6 études autour de l’œuvre dessinée de Gustave Doré, édité à l’occasion d’une exposition* conçue par Guillaume Dégé et présentée par le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. La ville possède en effet une très riche collection d’œuvres du dessinateur, né dans la capitale alsacienne en 1832, mais rapidement parti à Bourg en Bresse puis à Paris. L’opus ne prétend pas explorer Doré dans son ensemble, mais propose de s’émerveiller de ce génie précoce à l’imagination satirique prodigieuse. Deux approches sont privilégiées : l’une, classique, s’intéresse à l’artiste et à l’éclosion de son talent de caricaturiste et d’illustrateur – à seize ans à peine le voilà déjà signant un contrat avec Philipon pour la fourniture hebdomadaire de dessins au Journal pour rire ! L’originalité du recueil tient à une autre démarche, qui vise à redécouvrir l’incroyable créativité du jeune auteur de bandes dessinées, à l’aune d’artistes postérieurs, pour certains très proches de nous (cinéastes, dessinateurs de presse ou de bd), et dont le travail s’apparente du point de vue de la démarche à certains aspects de celui de Doré mais sans rien lui devoir. Voilà bien l’étonnant point de vue adopté par trois des cinq auteurs, qui confrontent l’artiste du XIXe siècle à Willem, Méliès ou Gotlib, Trondheim et Marc-Antoine Mathieu (occasion de découvrir un Martial Guédron passionné de BD) ou d’autres encore, alors que depuis la mort de Doré, nul ou presque ne s’est réclamé de l’extraordinaire richesse des histoires en images qu’il a réalisées dans ses jeunes années (les plus extraordinaires sont sans doute Trois artistes incompris ; Des-agréments d’un voyage d’agrément (1851) et Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie - 1854).

Il ne s’agit donc pas de traquer d’éventuels héritages (qui existent néanmoins), mais de pister des points communs dans les processus créatifs. Une manière inhabituelle et quelque peu décalée d’explorer un auteur ancien à la lumière de talents d’aujourd’hui, dans une logique moins académique mais certainement très jouissive !

Un cahier des illustrations les plus « modernes » et les plus créatives (selon nos critères contemporains) de Doré mises en pages de façon à accentuer le génie graphique du dessinateur, amplifie sans conteste l’intérêt de l’ouvrage.

GD, mars 2014

Table des matières : « Doré et l’emprise de l’illustration (M-J. Geyer) ; « Jusqu’au bout de la plume » (G. Dégé) ; « Par le glaive, la lance et l’estoc » (O. Deloignon) ; « Sans maître et sans études classiques, mais d’un rang distingué des arts (M. Guédron) ; « Héritiers par la bande » (A. Sausverd) ; « Le cinéma de Gustave Doré ou le désir du mouvement » (Th. Laps)

*Titre de l’exposition : « Doré & Friends. Dessin, illustration, bande dessinée, cinéma », jusqu'au 25 mai 2014 au Musées d’Art Moderne et Contemporain de la Ville de Strasbourg.

Visualiser sur Gallica Histoire de la Sainte Russie et Dés-agréments d’un voyage

Extrait de Dés-agréments d'un voyage d'agrément (1854)

Extrait de Dés-agréments d'un voyage d'agrément (1854)

Tag(s) : #Comptes-rendus ouvrages
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