On ne saurait trop conseiller aux passionnés de dessin de presse de se procurer Brainxit, le premier recueil de dessins de l’octogénaire Rousso, un recueil pour lequel nous avions relayé la campagne de financement Ulule avant de publier une longue interview du maestro.
Rousso, cet illustre inconnu, que l’humanité peut enfin découvrir en parcourant ces pages ! Rousso, ce dessinateur sous employé, trop peu exploité, resté trop loin des grands médias, à moins que cet éloignement n’ait finalement été une bonne chose ? Qui sait…
Rousso, c’est un style qui renvoie aux illustres devanciers du 19e siècle, c’est une facture picturale, un travail en profondeur qui allie puissance des carnations et délicatesse des expressions. Une forme de poésie de l’explosion, un art qui chercherait à combiner douceur et brutalité. Loin de la « ligne claire » si chère à notre XXe siècle, Rousso manie le crayon comme d’autres la kalachnikov. Sous ses airs de poète, le dessinateur cogne vertement, lance ses roquettes et mitraille le monde politique de missiles à double tête : une pour faire rire, une autre pour secouer nos consciences ramollies.
Ce recueil fait la part belle à nos pantins politiques : le décoiffant Trump, scalpé pour l’occasion (référence aux indiens de notre chère Amérique génocidaire ?), et le non moins savoureux Macron, prestidigitateur en chef d’une France marquée depuis presque un an et demi par les gilets jaunes et les grèves. Mais que l’on cesse de critiquer ce génie président que a su, lui au moins, réveiller les mouvements sociaux…
Un recueil de toute une vie, c’est aussi une machine à remonter le temps. C’est que, à 80 ballets, Rousso a rempli déjà trois appartements de ses dessins depuis ceux de sa plus tendre enfance jusqu’à celui qu’il fera demain.
De Gaulle, Adenauer, Chirac, Sarkozy, Lepen père, Obama, Kim Jun, la guerre ne Syrie, Israël, l’Iran, la Corée du nord, la Chine, la Russie, la Turquie, ce recueil de Rousso explore le temps aussi bien que l’espace. La paix, la guerre, les conflits sociaux, les tensions internationales, les religions… Rousso et sa facture disions-nous ? Rousso peintre, même, qui pastiche à l’envie les œuvres classiques du musée idéal : Rembrandt, Géricault, David, G. Wood… Dessin de presse racé, cultivé, pétri d’une culture visuelle et littéraire nourricière et pénétrante.
Rousso nous pardonnera de souligner néanmoins que quelques lignes de contextualisation auraient permis au lecteur de mieux comprendre l’enjeu de nombre de dessins. Il faut parfois donner quelques pages au texte pour donner plus de place encore aux illustrations…
Nul doute que ce petit défaut sera corrigé dans le nouveau recueil en préparation, un recueil intitulé « No future ? », comprenant 80 dessins sur l’environnement.
Longue vie à Rousso !


Guillaume Doizy

Tag(s) : #Comptes-rendus recueils
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