La dessinatrice Coco a vertement réagi sur Tweeter suite à la publication par François Forcadell sur son blog d’extraits d’un billet de Lindingre, évoquant Charlie Hebdo. Des propos dénoncés par Coco comme relevant de la « rumeur ».
J’ai déjà eu l’occasion de dire de mon côté à Forcadell combien je trouvais déplacé son attrait de plus en plus prononcé pour les ragots visant Charlie Hebdo. Encore s’il relatait avec la même constance les dessous de la bande à Siné ou encore du Canard. Mais là-dessus, pas un mot bien sûr…
Le dessinateur Foolz, qui soutien le point de vue de Coco dans l’affaire, ajoute dans un tweet : « et @GuillaumeDoizy qui nous dit que Les Guignols et Quanteloup vont tuer le dessin de presse… ». Si le lien entre les ragots sur Charlie et mon appréciation de la situation du dessin de presse actuel n’est pas évident, je crois utile de répondre à Foolz.
Foolz, a la chance de dessiner dans un journal satirique. Son tweet reprend en fait des propos que j’ai tenus dans le documentaire « Les enfants de Charlie Hebdo ». J’y expliquais que « le dessin de presse est derrière nous », qu’aujourd’hui ce sont les Guignols et les humoristes comme Canteloup qui ont le vent en poupe et qu’il faudrait une remontée des tensions politiques et sociales pour voir le dessin de presse éventuellement retrouver des couleurs.
Aujourd’hui, ce sont les dvd des humoristes qui se vendent, pas les recueils de dessins de d'actu, ce sont les Guignols que l’on regarde ou les amuseurs que l’on écoute à la radio, pas les journaux satiriques que l’on achète... L’historien de service n’est pas là pour faire plaisir aux dessinateurs, mais pour évoquer le passé, analyser le présent avec le recul du passé. Je propose à Foolz, de regarder ci-dessous. J'y dresse la liste non exhaustive des journaux satiriques pour la plupart hebdomadaires que l'on pouvait acheter dans un kiosque parisien en 1905. Cette liste ne comprend pas les noms des très nombreux journaux satiriques de province, ni non plus les suppléments illustrés de dessins satiriques que publiaient à l’époque nombre de journaux quotidiens dans les départements. Je n'évoque pas non plus ci-dessous les journaux quotidiens qui publiaient du dessin de presse, ni les magazines non spécialisés.
Dans le désordre : Journal pour tous, Le Cri de Paris, Paris s’amuse, Le Rire, Les Quat’z’arts, Le Sans Gène, L’Assiette au Beurre, Le Vieux Marcheur, Le Pèle Mêle, La Caricature, Le Courrier Français, Les Corbeaux, L’Indiscret, Cocorico, Le Journal amusant, Le Journal Pour tous, La Chronique amusante, La Vie pour rire, Le Petit Panache, Le Frou Frou, Jean qui rit, La Bastille, La Vie Heureuse, Le Grelot, L’Illustré national, Le Charivari, La Vie en culotte rouge, Le Sans souci…
Dans une même semaine, un lecteur parisien pouvait acheter tous ces titres ! Sans oublier les affiches commerciales et politiques, les recueils, les innombrables cartes postales satiriques, etc., etc. Jouit-on d'un tel foisonnement aujourd'hui ?
L’âge d’or du dessin de presse est hélas bien « derrière » nous.
Guillaume Doizy
Ci-dessous, quelques "unes des journaux évoqués...