Dessin de Tomi Ungerer, "Join the free and fat society", Tomi Ungerer poster, 1994, Copyright © Diogenes Verlag AG
Zürich.
Par Thérèse Willer
1. L'homme
Quel paradoxe vivant que Tomi Ungerer... En effet, non seulement il est un homme de son temps, par la vigueur de son jugement sur la société, la force de ses engagements, mais aussi un homme de
la Renaissance, par la diversité de ses talents de dessinateur, de sculpteur, d'écrivain, et de ses goûts de collectionneur. D’autre part, même s’il se réclame de son identité alsacienne, ce «
Weltbürger » (citoyen du monde) s'adapte, tel un caméléon, aux pays qu'il habite : « Partout où je vais, je me sens tout de suite presque comme à la maison. J’entre immédiatement en contact avec
les gens. Que ce soit en Irlande, au Canada ou comme autrefois à New York (1). » et n'a réellement qu'une patrie : « Je suis ma propre patrie. Mon drapeau, c’est mon mouchoir (2). »
Enfance et jeunesse. 1931-1956.
Jean-Thomas, dit Tomi, est issu d'un milieu alsacien, bourgeois et protestant, aux valeurs très conservatrices, presque puritaines : les Ungerer, la branche paternelle, appartenaient à une
dynastie d'horlogers installés à Strasbourg depuis plusieurs générations, et les Essler, du côté maternel, à une famille d'industriels haut-rhinois. Le père, Théodore, était une forte
personnalité : il avait étudié l'astronomie et la gnomonique, l'art de construire les cadrans solaires - il réalisa notamment l'horloge astronomique de la cathédrale de Messine et s'occupa de
l'entretien de celle de la cathédrale de Strasbourg -, et ses dons naturels le poussaient à l'écriture et au dessin. Ce sens artistique était partagé par la mère, Alice, qui aimait à composer ses
lettres en alexandrins. Rien d'étonnant donc, à ce que cette sensibilité à la culture se retrouve chez leurs enfants, Bernard, Edith, Geneviève, et surtout chez leur plus jeune fils, Tomi. A
l'âge de quatre ans, celui-ci vécut un événement cruel, puisque son père mourut des suites d'une septicémie. Ce fut un traumatisme dont il ne s'est jamais remis réellement et qu'il a exprimé en
ces termes : "Je suis né avec la mort (3) ". Ce décès entraîna pour Alice Ungerer et ses enfants un déménagement de Strasbourg au Logelbach, une banlieue industrielle de Colmar, dans la maison
des grand-parents maternels, où le jeune Tomi va habiter jusqu'en 1953.
Théodore Ungerer s’était constitué une bibliothèque très éclectique, qui fut à l'origine de l'attirance de son fils pour la littérature. Il y puisa bien sûr ses lectures d'enfant : son premier
livre d'images, de Benjamin Rabier, Max und Moritz de Wilhelm Busch, Der Struwwelpeter de Heinrich Hoffmann, les Pieds Nickelés, la Comtesse de Ségur, L'histoire d'Alsace contée aux petits
enfants de Hansi ont fait partie de son univers quotidien. La lecture constituait d'ailleurs, avec la musique, un véritable rite familial : pendant les longues soirées d'hiver, Alice
Ungerer racontait à ses enfants des légendes du monde alémanique et rhénan, et leur chantait en s'accompagnant au piano, les vieilles mélodies populaires allemandes tirées du Hausbuch de Ludwig
Richter.
Le contexte culturel rhénan lui fournit par ailleurs ses premières émotions artistique : en effet, c'est au Musée Unterlinden de Colmar qu'il découvrit le Retable d'Issenheim de Mathias
Grünewald, dont la scène de la Tentation de Saint Antoine exerça sur lui une réelle fascination et marquera par la suite son oeuvre. Il admirait aussi les gravures de Baldung Grien, de
Cranach et de Holbein, qui l’inspireront en particulier pour ses danses macabres. Dès sa prime enfance, Tomi Ungerer a donc été plongé dans l'amour de la littérature, de la musique et de l'art.
L'héritage d'une passion familiale certaine pour les mécanismes aura également des incidences puisqu'il se constituera une collection de quelques milliers de jouets mécaniques.
Autoportrait de Tomi Ungerer, sd.
Le fait historique marquant de la jeunesse de Tomi Ungerer fut la guerre, dont il vécut les différents épisodes avec plus de curiosité que de réelle conscience du danger. Il consigna ainsi
successivement la drôle de guerre, l'occupation de l'Alsace par les Allemands, l'épisode de la poche de Colmar et la Libération dans des notes et des dessins, véritable reportage reconstitué
récemment dans un livre autobiographique, A la Guerre comme à la guerre (4). Dans des premiers croquis pleins de fraîcheur, il témoigne dejà, d'un réel sens de l'observation, en particulier dans
ses caricatures de l'armée allemande. Ces événements ont suscité chez lui un dégoût profond pour la guerre que reflèteront les futurs thèmes de sa critique politique. Pendant ces années, il
découvrit également la difficulté d'être alsacien : si pendant la guerre, il vécut l'endoctrinement nazi, à la Libération, ce fut le système scolaire français qui le brima.
L'après-guerre fut pour Tomi Ungerer une période pleine de doutes et de révoltes. Alors que ses proches le vouaient à diriger plus tard l'entreprise d'horlogerie familiale, lui ne s'intéressait
qu'aux sciences naturelles, notamment à la géologie et à la minéralogie. Ce manque de motivation provoqua en 1951 son échec à la deuxième partie du Baccalauréat Math'Elem; en réaction, il partit
en auto-stop pour le Cap Nord, une véritable expédition dont il se montra si fier qu'il voulut à son retour en vendre le reportage à des journaux. Le goût de l'aventure le poussera aussi à faire
son service militaire chez les Méharistes en Algérie, dans un camp nommé Zeralda. De cette époque sont conservés des dessins aux sujets macabres, inspirés du courant philosophique principal de
l'après-guerre, l'existentialisme. Entre 1953-1954, Tomi Ungerer fit un court passage à l'Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg dans la section d'arts graphiques. Son attirance pour l'art
publicitaire, qui lui fera connaître le succès en Amérique, se confirmait déjà avec la réalisation de projets pour différentes entreprises locales comme les foies gras Feyel et les vins d'Alsace
Dopff. Une première affiche parut en 1954 pour vanter les mérites des cahiers Corona pour les papeteries Schwindenhammer à Turckheim. C’est après une année de pérégrinations en Europe que
s'imposa à lui l'idée du départ pourl'Amérique.
La « terre promise ». 1957-1971.
Tomi Ungerer s’était familiarisé déjà à Strasbourg, au centre culturel américain et grâce aux étudiants Fullbright, avec la culture de ce pays. Il lisait Faulkner, Steinbeck, Fitzgerald,
découvrait le jazz, le blues et les dessins satiriques de la fameuse revue The New Yorker. Fasciné en particulier par la manière de dessiner de Saul Steinberg, il décida de le rencontrer
à New York.
New York représentait à ses yeux une ville libre, dont la société était sans préjugés, et où tout était possible. C'est ainsi que comme tant d'autres auparavant, il débarqua pour la première fois
en 1956 avec quelques manuscrits et dessins, et soixante dollars en poche. Le rêve se réalisa effectivement avec la parution en 1957 d'un livre pour enfants, The Mellops go flying (Les
Mellops font de l'avion) aux éditions Harper and Row, qui obtint un succès immédiat. Grâce à l'appui de la communauté juive new-yorkaise, il se fit rapidement connaître dans des domaines très
différents comme la littérature enfantine et la publicité. Suivant la trace des cartoonists, dès 1958, il collabora aux revues Esquire, Life, Show, Fortune, Harpers et Holiday. Des
livres comme The Undergroud Sketchbook, Der Herzinfarkt ou Weltschmerz, réunissent une grande partie de l'oeuvre graphique de ces années new-yorkaises.
Dans le même temps, sa carrière de dessinateur publicitaire démarrait en flèche, profitant du contexte très favorable des années soixante qui vivaient l'âge d'or de la publicité et l'explosion de
la société de consommation. Les agences de Madison Avenue se disputèrent très rapidement ce jeune artiste, dont le talent les enchantait par sa causticité et sa créativité. Des commandes très
diverses lui furent confiées, dont l'une des plus importantes fut la campagne du New York Times, qui couvrit d'immenses affiches les murs du métro new-yorkais. Parallèlement à cette activité
commerciale, il se livrait dans ses cartoons à une critique de la politique américaine, en particulier de la guerre au Vietnam et du ségrégationnisme racial. Mais arrivé au faîte de sa réussite,
Tomi Ungerer, devant l'hypocrisie et la superficialité qui caractérisaient les rapports humains de la société new-yorkaise, décida en 1970 de rompre avec ce milieu. Dans trois livres majeurs
qu'il a considérés comme des testaments d'une époque révolue à ses yeux, The Party, Fornicon et America, il a réuni, en un témoignage féroce, sa critique sociale de l'Amérique
et de New York.
Tomi Ungerer, Zeraldas Riese, Copyright © Diogenes Verlag AG Zürich.
Les refuges : le Canada et l'Irlande. De 1971 à nos jours.
Le départ vers d'autres horizons, d'abord la Nouvelle-Ecosse, puis l'Irlande, va lui permettre de prendre du recul et d'opérer un retour sur lui-même. Il s'est défendu à cet égard de suivre la
mode du retour écologiste à la nature qui caractérisait les années soixante-dix (5). A l'argent et au succès que New York lui avait apporté, il a en prenant cette décision privilégié d'autres
valeurs, notamment celle de fonder une famille. D'autre part, il se redécouvrait une passion pour le travail manuel et la nature, dont la vie citadine l'avait privé depuis son départ de l'Alsace.
Son oeuvre a pris par conséquent une dimension toute différente, que reflètent essentiellement deux livres, Slow Agony et Heute hier, morgen fort (Nos années de boucherie). Ils
rassemblent des dessins d'observation et d'après nature, de facture très classique, en totale rupture avec les créations antérieures, et qui doivent beaucoup à l'étude par Tomi Ungerer des grands
maîtres du passé, Grünewald, Dürer et Friedrich.
Après son installation en Irlande en 1976, sa créativité semble encore s'être épanouie davantage : les relations tissées sur le continent avec l'Allemagne ont en effet ouvert à Tomi Ungerer un
nouveau champ de productivité, notamment dans le domaine de la publicité (6). Bien qu'il ait cessé à cette époque et momentanément de dessiner des livres d'enfants, il a continué à s'exprimer de
façon très diversifiée, tant dans le dessin érotique avec Totempole, Femme Fatale, Schutzengel der Hölle (Les Anges gardiens de l’enfer) que satirique avec Babylon, Symptomatics
et Tomi Ungerer’s Schwarzbuch. Dans Rigor Mortis et Warteraum, il a développé une réflexion orientée vers le thème de la mort et du temps.
Le retour vers l’Alsace.
« En Alsace, j'ai trébuché sur mes racines (7) »: c'est en ces termes que Tomi Ungerer a décrit son « retour » dans sa région natale que marque dès 1975 la réalisation des dessins du
Grosse Liederbuch. En effet, des centaines de croquis, pris de mémoire ou lors de séjours en Alsace, et conservés dans des carnets, ont inspiré l'illustration de ce recueil de chansons
populaires allemandes. Ce livre lui a permis de sentir le poids des ses origines : il y dresse le portrait d'une Alsace idéale, se souvenant des promenades familiales de sa jeunesse, et des
dessins de Hansi et de Schnug dans ses lectures de jeunesse. A cette Alsace mythique s'oppose cependant une Alsace bien réelle, dont les problèmes d'identité le concernent directement : depuis
les années quatre-vingts, il s'est engagé avec passion pour préserver son particularisme, et en particulier son bilinguisme.
2. L'oeuvre graphique
Surpris par l'abondance et la diversité de l'oeuvre, on ne peut que tenter de se frayer un chemin dans la « nébuleuse Ungerer ». La production est en effet énorme : l'artiste lui-même l'évalue à
un ensemble de trente mille à quarante mille dessins, couvrant près de cinquante ans de création artistique. Il reste difficile cependant d'en avoir une vue d'ensemble, une partie importante
restant aujourd’hui encore inédite. La diversité des moyens d'expressions - affiches, dessins d'enfants, illustrations, cartoons -, ainsi que celle, par conséquent, des styles utilisés, trouble
aussi l'analyse : Tomi Ungerer en effet s'est toujours refusé à se laisser enfermer dans une technique ou un genre précis, pour mieux préserver la différence, donc l'originalité, de ses
idées.
Cependant, cet oeuvre, multiforme dans son expression, se révèle finalement très cohérent. Le champ d'observation privilégié du dessinateur est la société humaine; la scène en est sa propre
époque et ses différents lieux de vie. Il manie, sous toutes ses formes, l'art de la critique, sans haine, mais avec cette cruauté et ce besoin de vérité qui est l'apanage des enfants.
Le processus de création.
Qui d'autre mieux que Tomi Ungerer lui-même, pourrait décrire comment se passe le proccessus de la création? Pourtant, le mécanisme qui se déclenche quand il se met à dessiner, demeure pour lui
un mystère car il ignore ce qui jaillera du bout de sa plume ou de son pinceau. Les idées fusent, rapidement, automatiquement, car elles sont préexistantes mais à un stade uniquement visuel. Pour
régulariser, mais aussi pour provoquer ce flux, il s'oblige à un véritable travail d'artisan : comme un horloger à son établi, il se met à l'ouvrage, à des moments très précis de la journée. Se
plier à cette discipline ne bride cependant pas sa spontanéité : ainsi, pour conserver la vivacité de son geste, il travaille directement, sans esquisses préalables, et ne fait presque jamais de
repentir. Comme jadis Villard de Honnecourt dans ses Carnets, il a pris l'habitude de conserver ses innombrables esquisses, souvent accompagnées de notes, en un répertoire iconographique qu'il
réutilise continuellement. La photographie joue également pour lui un rôle important de mémorisation : «Tout d'abord, je photographie ce que j'aimerais dessiner, je prends une photo parce que je
n'ai pas le temps de dessiner (8). ». Le moyen de reproduction que représente la photocopie lui permet également de retoucher ou de colorier aisément ses dessins; cette techique peu
conventionnelle lui a fait découvrir des effets étonnants et lui a ouvert un nouveau champ d'investigations, et prouve que Tomi Ungerer ne connaît pas de tabous en matière de création
graphique.
Techniques, styles et genres.
Sa technique de base reste le dessin qu'il adapte avec
une grande mobilité à ses moyens d'expression, dont le cartoon, l'affiche et le dessin d'observation sont quelques exemples.
Comme chez la grande majorité des cartoonists, sa technique de prédilection est le dessin à l'encre de Chine, appliquée à la plume, ou en lavis au pinceau, très fréquemment sur le support d'un
papier calque. En contraste avec le fond clair, le trait noir est parfois sobrement relevé d'une touche de couleur. L'usage de la plume donne au trait son acuité, parfois renforcé par un coup de
pinceau plus ou moins épais, qui cerne d'une ombre les silhouettes pour leur donner un volume. Correspondant parfaitement à la rapidité de son geste, cette technique est restée constante dans son
oeuvre, depuis la période américaine avec Inside Marriage, Der Herzinfarkt, The Underground Sketchbook et The Party, jusqu'à Rigor Mortis. Il faut également noter que
le style de Tomi Ungerer a évolué dans le genre du cartoon : son trait très aigu, incisif des années soixante est devenu, dans les années soixante-dix, plus souple et plus rond. Il utilise aussi
d’autres techniques comme le crayon gras, qui accentue le côté sculptural de certains dessins, comme ceux de Babylon. Une autre encore, héritée des surréalistes, et qui stimule particulièrement
son imagination, est celle du collage. Il inclut dans ses dessins à l'encre de Chine des éléments de photos, photocopies, tissus, broderies, et matériaux les plus divers, comme dans
Weltschmerz, ou du papier journal, comme dans les projets publicitaires du New York Times. Plus récemment, il a continué d'exploiter le côté poétique et anecdotique que donnent ces
collages dans Schnipp-Schnapp (Clic-Clac).
De même que pour le cartoon, la technique doit fidèlement servir le moyen d'expression qu'est l'affiche. Le but à atteindre est simple : une publicité digne de ce nom doit, selon Tomi Ungerer,
percuter l'oeil comme un coup de poing. Les conditions sont clairement énoncées pour la réalisation de ce medium : l'idée doit primer, mise en valeur par un graphisme simple et direct(9). En
premier lieu, l'emploi de la couleur l'aide à obtenir l'effet escompté : elle est vive et souvent mise en contraste avec du noir. Les maquettes ou projets préparatoires sont réalisés en règle
générale sur du papier calque ou sur un carton, avec des aplats d'encres de couleur, que cerne un trait à l'encre de Chine. L'usage du calque lui permet de jouer avec la transparence des coloris
: il applique parfois un lavis d'encres de couleurs sur le verso même de la feuille, ce qui atténue ou au contraire, renforce un ton. Une mise en page soigneusement étudiée renforce l’effet de
choc visuel : la composition, souvent structurée d’après une diagonale, est influencée par le style japonisant du début du siècle qui caractérisait Toulouse-Lautrec et les Nabis. L’absurde et
l’étrange contribuent à obtenir une bonne affiche. « Expect the Unexpected », (Attendez-vous à l’inattendu), un slogan qu'il a inventé et qui est passé dans l’argot new-yorkais, résume
parfaitement son but. Même dans son oeuvre publicitaire, Tomi Ungerer, peut-être en réaction à la société de consommation à laquelle elle renvoie, ne s'est jamais déparé de son esprit
caustique!
Parallèlement aux techniques du cartoon et de l'affiche, Tomi Ungerer n'a jamais cessé de s'adonner au dessin d'observation qui était déjà une passion de jeunesse, puisqu’il croquait dans des
carnets les scènes de la vie quotidienne dont il était le témoin au cours de ses différents voyages à vélo ou en auto-stop en Europe (10). En Amérique, le journal Sports Illustrated
l'envoya, en 1962, au Kentucky Derby, une célèbre course de chevaux, pour réaliser un reportage en dessins (11). Mais c'est au Canada, en Nouvelle-Ecosse, qu'il va réaliser ses dessins
d’observation les plus aboutis, qui furent publiés dans Slow Agony et Heute hier, morgen fort (Nos années de boucherie). Pour arriver à représenter avec précision plantes et
animaux, comme dans les recueils anciens de sciences naturelles, ce sont l'encre de Chine et les lavis d'encres de couleurs qui sont restées ses techniques préférées.
Dans les grands formats de Slow Agony, il a rajouté aux aplats de couleurs des crayons gras et les a rehaussés de gouaches, donnant ainsi une véritable dimension picturale à cette série. Le
dessin, mis en valeur par de grandes plages blanches, se structure en une composition qui rappelle parfois celle de ses affiches. Les dessins de deux livres érotiques, Totempole et
Schutzengel der Hölle, peuvent également être rattachés au genre du dessin d'observation, car ils constituent de véritables reportages sur les pratiques sado-masochistes. Il faut noter
que pour l'ensemble de ces dessins, Tomi Ungerer revient, peut-être en réaction à l'aspect satirique de son oeuvre, à une tradition classique du dessin et de la peinture, dont les références sont
Caspar David Friedrich et Albrecht Dürer.
L'arme de la critique
L’arme de la critique
s'exerce dans les relations tant amoureuses, érotiques, sociales, que professionnelles et politiques du monde contemporain. Tout ce qui touche l'homme est passé au crible, rien n'échappe à l'oeil
inquisiteur de Tomi Ungerer le moraliste. Si ses congénères constituent pour lui un champ d'observation idéal, un bestiaire anthropomorphe les remplace parfois : comme les fabulistes d'antan, il
dégage des animaux une signification morale, la personnification d'un vice et d'un sentiment. Déjà dans ses livres pour enfants, comme dans la série des Mellops, il a exploité ce type de procédé
satirique. En se souvenant des gravures de J.J. Grandville dans La Vie privée et publique des animaux, il a habillé les animaux de divers accessoires
humains - canne, lunettes, chapeau ou sac à main.
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Suite de l'article de Thérère Willer
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