Illustration 1 : Caricature pleine première page d’André Gill intitulée Loisirs naturalistes et légendée « A quoi M. Zola perd son temps », publiée dans La Petite lune en avril 1879. Fonds Céard, carton n°5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
Par Agnès Sandras-Fraysse
Article publié dans Humoresques n°22, Rires scatologiques, juin 2005, p. 119-141.
« - Mais Zola n'est pas un réaliste, madame! c'est un poète! dit Mme de Guermantes. (...] - Zola, un poète! - Mais oui, répondit en riant la duchesse (...J Que votre altesse remarque comme il grandit tout ce qu'il touche. Vous me direz qu'il ne touche justement qu'à ce qui... porte bonheur! Mais il en fait quelque chose d'immense; il a le fumier épique ! C'est l'Homère de la vidange! Il n'a pas assez de majuscules pour écrire le mot de Cambronne. » Proust, À la recherche du temps perdu, tome II, p. 499.
La fréquence de l'association de Zola au pot de chambre dans les caricatures a conduit les commentateurs à insister sur une scatologie agressive et infamante. Équation d'autant plus tentante qu'au moment de l'Affaire Dreyfus, le vase de nuit et son contenu inspirent une série de dessins et parodies destinés à salir l'écrivain de la manière la plus primaire qui soit :
OÙ SUIS-JE?
Peuple de France, où suis-je, te demandes-tu?
Tout le monde se le demande avec angoisse.
Chacun voudrait savoir dans quels lieux je me suis retiré.
Dans ma position, on sent bien que je devrais être discret sûr ce point.
La jeunesse française ignore où j'ai établi le siège de ma colique antipatriotique. Le Président de la République est inquiet et braque sa lunette vers la frontière afin de connaître le pays où je vivrai désormais dans une douce aisance. La police me cherche, car elle sait que je ne suis pas parti sans avoir mes poches bourrées de papiers.
Eh bien, après avoir médité dans le silence du cabinet, je me décide à tirer le peuple français de son anxiété.
Qu'on le sache donc !
Je suis à la recherche de la Vérité! On a cru jusqu'à présent qu'elle habitait dans un puits : moi je suis persuadé que c'est dans une fosse qu'elle demeure. Aussi, désespérant de jamais la trouver ailleurs, j'ai résolu de mettre fin à mes jours en me jetant dans la
MERDE... !
Cette pesante scatologie anti-dreyfusarde ne doit pas occulter le jeu plus ancien, plus fin et élaboré de la plupart des caricaturistes. Dessinateurs et hommes littéraires se fréquentent, s'estiment, et entretiennent des relations complexes. Pour ne prendre que deux exemples,
comment imaginer qu'André Gill qui connaît bien les amis de Zola, apprécie la littérature et illustre certains romans comme L'Assommoir, ou Robida qui orne d'autres ceuvres du maître naturaliste, ne sont animés que par une féroce envie de ridiculiser l'écrivain lorsqu'ils en font un dessin humoristique? De fait, les caricatures ne sont pas uniquement inspirées par la réputation excrémentielle de Zola mais par un déchiffrage vigilant
des critiques, une lecture non moins attentive des nouvelles oeuvres, et se moquent souvent davantage d'un lectorat frileux que de l'artiste lui-même. Il ne faut pas non plus oublier qu'en cette fin de XIXe siècle, le rapport à l'ordure est différent de celui que nous connaissons et que la scatologie divertit plus qu'elle ne choque.
La thématique du pot de chambre
Les premières erreurs à éviter sont de croire que Zola est le seul auteur victime de plaisanteries scatologiques et d'attribuer la paternité du pot de chambre à la publication de Pot-Bouille. Il est en effet intéressant de constater que ce n'est pas Zola qui a la primeur de l'objet sous le crayon de Gill mais Champfleury, onze ans plus tôt :
Nous voyons le champion du Réalisme dans l'intimité, prenant un bain de pieds. Dans le dessin de la table de nuit on voit une tache blanche, informe, et pour cause : ce meuble utile était occupé par un vase intime que la censure fit supprimer par la légende dont il était agrémenté : Être à son aise ou mourir. Une autre légende fut aussi sacrifiée sur l'une des faïences accrochées au mur : Je te vois, petit polisson, disait l’œil malicieux (1).
Le caricaturiste Hope a réutilisé cette anecdote en figurant Champfleury qui, assis par terre, examine à la loupe des assiettes, un pot de chambre renversé à ses côtés. Au fond du vase, ce fameux oeil que jamais on ne discernera dans un des pots de chambre de Zola, ces derniers ayant un contenu ou invisible ou par trop visible ! (2) L'objet est donc à l'origine associé aux mouvements réaliste et naturaliste (3).
Lorsque l'on regarde attentivement un dessin de Gill, paru en 1879, qui montre Zola déboulonnant la statue de V. Hugo, on constate, sur la droite, que la plume ne trempe pas dans un encrier, mais dans un pot de chambre (ill. 1). Il n'est pas douteux que ce vase ait visuellement marqué ses successeurs avec une thématique double : Zola est celui qui trouve ses idées dans les excréments mais aussi celui qui est capable, par ce type d'inspiration, de détrôner Hugo. Retenons aussi de ce premier dessin associant Zola à un vase de nuit ce fait essentiel : c'est bien le pot de chambre qui précède la «pot-bouille» dans les charges de Zola et non l'inverse. On pourrait objecter que les caricaturistes connaissent la publication à venir du roman mais « on ne trouve mention de cette oeuvre ni sur la première liste des dix romans projetés en 1869, ni sur celle plus complète de 1872, ni même dans l'article qu'Alexis écrivait sur les projets de son ami le 12 mars 1881.» (4)
L'année suivante, plus d'un an encore avant la parution de Pot-Bouille, Zola est caricaturé par Moloch d'une façon très particulière sous la forme d'une silhouette entièrement noire, à l'exception d'un orbe blanc levé vers le ciel. La silhouette, nettement affublée de cuissardes et de plumes de paon fichées dans son derrière, trempe une immense plume dans un pot de chambre (ill. 2). Précisons que s'échappent dudit récipient des volutes et des mouches qui ne laissent aucun doute sur sa fonction... Cet mil qui regarde vers le haut rappelle celui qu'on associe traditionnellement au vase de nuit, et les cuissardes évoquent les égouts. La caricature illustre un article féroce d'Alfred Barbou qui dénonce la causticité de Zola envers ses confrères et sa mégalomanie :
L'homme de lettres digne de ce nom se doit le respect et le doit aux autres. Le rut n'est pas l'état normal d'une société. L'homme de lettres, en outre, doit avoir pour principe de ne pas vouloir... respirer plus haut que le nez.
Illustration 2 - Caricature de Moloch intitulée Silhouettes littéraires. M. Émile Zola, illustrant un texte d'Alfred Barbou, publiée dans La Silhouette politique, satirique et financière du 9 septembre 1880. Fonds Céard, carton 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
Désormais le pot de chambre peut être associé à Zola sans le jouxter dans l'image, les amateurs de caricatures comprendront l'allusion. On retrouve ainsi le vase de nuit décliné dans les objets brandis par le cortège saluant Zola dans L'Apothéose de Pasquin en mars 1881 (ill. 3).
Illustration 3 – Détail d'une caricature de Pasquin intitulée L'apothéose d'un grand homme, publiée dans L'Assommoir républicain du 6 mars 1881. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché (focalisé sur la partie droite du dessin) : Agnès Sandras-Fraysse.
De son balcon, le romancier, l'air béat, contemple une foule. Son ombre projette sur le mur un premier pot de chambre. Sous la corniche, la petite silhouette d'un académicien s'incline. À la tête du cortège une femme dépoitraillée et échevelée, qu'on peut sans doute identifier à Nana, brandit une coupe vers Zola. Elle est suivie de Victor Hugo, à l'air renfrogné. Le reste de la foule brandit un pot de chambre et une oriflamme où l'inscription « Vive Zola» surmonte un étron. L'ambivalence du dessin est frappante et reprend celle du dessin de Gill précédemment évoqué : la glorification de Zola provient des immondices mais, toute excrémentielle qu'elle soit, elle lui permet de surpasser Hugo. En juillet, Moloch gravit un degré supplémentaire avec un Zola qui, debout dans un récipient d'où débordent les excréments, tient une vaste plume dont l'extrémité dégoulinante attire les mouches... (ill. 4) Désormais, ce n'est plus uniquement la plume qui trempe dans l'ordure mais bel et bien l'écrivain. Ces dessins semblent s'être inspirés d'une lecture attentive des critiques littéraires :
Son Ventre de Paris est l'œuvre à présent la plus avancée (et vous pouvez l'entendre comme il vous plaira!) dans le sens de vulgarité et de matière qui nous emporte de plus en plus... Mais ce ne sera pas la dernière ! Il y a plus bas que le ventre. Il y a ce qu'on y met et ce qui en sort. Aujourd'hui on nous donne de la charcuterie. Demain, ce sera de la vidange. (5)
Illustration 4 – Caricature de Moloch intitulée Zola Emile, illustrant une notice biographique du romancier par Touchatout, publiée dans Le Trombinoscope en juillet 1881. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché (focalisé sur la partie droite du dessin) : Agnès Sandras-Fraysse.
Enfin, en novembre, Gill dans les Lundis du Figaro ou le naturaliste empaillé par lui-même présente Zola tenant de la main droite une grande plume et, en bandoulière, un pot de chambre. Le romancier semble affligé, face à un âne portant lorgnons, d'un strabisme convergent :« Ce qui le fait loucher c'est l'âne qui rit» (6) Allusion à L'homme qui rit et surtout à un article provocant que Zola a écrit à propos de L'Âne de Victor Hugo, long poème mettant en scène un équidé lecteur et philosophe. La chronique zolienne a en effet déchaîné les passions :
J'oserai donc relever ici, en public, le braiment téméraire d'un écrivain qui, depuis moins de dix ans, a donné le signal de la corruption littéraire, dont la vanité jalouse ne se satisfait pas du succès obtenu par L'Assommoir, cette calomnie du peuple, par Nana, ce blasphème contre la femme, et qui, seul dans toute la presse, à propos de l'âne, a grossièrement insulté le poète que son grand âge au moins défendrait devant des sots ordinaires. (7)
L'Assommoir et Nana... nous voici au coeur de la genèse du pot de chambre. Nous venons de remarquer que l'objet accompagne l'écrivain depuis 1879, année de la publication de Nana et de l'adaptation théâtrale de L'Assommoir. La presse déborde de commentaires sur ces deux événements littéraires et sur deux coups d'éclat de Zola : son attaque contre Victor Hugo mais aussi ses déclarations sur une République naturaliste. La chanson intitulée « Une Vénus de cabaret ou le M... naturaliste de M. Zola », inévitablement illustrée par un vase de nuit, se termine ainsi :
Va pitancher l'eau d'aff’ au coin de la barrière,
Tout est ignoble en toi, le devant, le derrière :
- Tu t'escampes, chéri ? M C'est épalant !
René ASSE
N.B.- Et voilà comment M. Zola prétend que la République sera naturaliste, ou ne sera pas. Il est probable que notre chère Phrygienne n'a nullement envie de prendre les traits que nous venons de dépeindre, et qu'elle se complaît encore mieux sous le cotillon du romantisme. R. A. (8)
Zola est donc celui qui ose dire que la littérature n'est pas figée, qu'on peut évoquer hardiment certains thèmes comme la prostitution ou l'alcoolisme, ou bien encore se mêler de politique. Il est alors permis de se demander si ce n'est pas le pot de chambre qui a engendré la pot-bouille, quand on sait combien Zola a mal vécu l'agitation autour de ses eeuvres en 1880-1881 et combien il lisait attentivement la presse :
C'est parce que la bourgeoisie râle enfin de tous les coups qu'elle a reçus des nôtres, qu'a jailli de votre plume la satire verveuse de Pot-Bouille. (9)
Tout semble en effet avoir été fait pour que le «Michel-Ange de la crotte » (10) plonge de lui-même dans le fameux récipient, des critiques insistant sur sa «littérature putride» au dessin le montrant de dos, posant la main gauche sur un énorme pot de chambre et brandissant de la main droite une balayette, pour illustrer un compte-rendu parodique :
La chose est intitulée Nana, que c'est un nom propre dont la personne ne l'est guère; elle a pour auteur un particulier dont le nom finit aussi en a, et qu'il paraît qu'il fait des écrits scientifiques ous qu'il ne se gêne pas pour appeler les choses par leur nom, ce qui est bien plus commode que de tourner autour du pot [...] (11)
La thématique du Pot-Bouille
Zola avait indéniablement le sens du titre accrocheur. Quoi de plus suggestif que l'image de la «pot-bouille» après le Ventre de Paris ? Cela fait penser à cette caricature de Dumas père, en 1858, où l'écrivain, son vaste ventre ceint d'un tablier, se penche d'un air gourmand vers un chaudron de «bouillabaisse» où mitonnent ses personnages : «Ma cuisine commence à prendre tournure... encore un peu d'ail et ça sera parfait! » (12). Gill dans le Pot-Bouille à Zola reprend cette thématique avec un Zola qui soulève le couvercle d'une marmite où cuisent des choses bizarres et tient dans sa main gauche une gigantesque plume dont l'encre goutte encore. Zola a l'air très sérieux alors que tout autour du pot volètent des mouches : «Ce que ça sent bon!!! » (ill. 5).
Illustration 5 – Caricature pleine page d’André Gill, légendée « Ce que ça sent bon !!! », publiée dans La Nouvelle lune du 23 avril 1882. Elle introduisait une réflexion sur « les noms plus ou moins propres ». Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché (focalisé sur la partie droite du dessin) : Agnès Sandras-Fraysse.
Les dessinateurs se consacrent tout d'abord aux événements autour de la publication et de la réception de Pot-Bouille. Dès le 26 janvier 1882, Coll-Toc propose une caricature où la tête de Zola sort tristement d'un «pot-bouille» dégoulinant d'excréments. La tête de Zola est ceinte de lauriers. Il tient de la main gauche un balai à tinettes. Tout autour de lui des volutes. Une sorte de têtard ailé (grand nez, crâne moitié chauve) lui apporte Le Gaulois. Sous le pot, un feu est allumé (ill. 6).
Illustration 6 – Caricature pleine page de Coll-Toc insitulée Pot-Bouille illustrant une chronique de la page suiante, publiée par l’Esprit gaulois, le 26 janvier 1882. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché (focalisé sur la partie droite du dessin) : Agnès Sandras-Fraysse.
Notons encore l'ambivalence d'un tel dessin qui, à la Une, appuie une chronique où est dénoncé le prix auquel Zola a vendu son roman au Gaulois :
[...] Le naturalisme, ce grossier défi jeté à la pureté de la langue et à la noblesse du style, est décidément une très fructueuse invention.
Le modeste Zola (Émile) s'est dit un jour qu'il était vraiment trop bête de continuer d'être un écrivain vigoureux, original, coloriste et poète exquis à ses heures. Il a trouvé... autre chose et il a marché en plein dedans. […] (13)
On trouve également des allusions à un incident : Zola a utilisé un patronyme préexistant et le propriétaire du nom le menace d'un procès. (14) Le jeu de mots est donc tout indiqué dans une caricature où, à un gros Zola qui rédige un énorme livre avec de gigantesques instruments, un bourgeois déclare :«Je tiens à conserver mon nom propre, M. Zola, dépêchez-vous de le retirer de votre pot.» (15)
D'autres caricatures n'utilisent pas le pot de chambre mais insistent sur le choc moral causé par la lecture de Pot-Bouille. Le roman marque à son tour les esprits par sa crudité de langage et sa thématique, car Zola ne dépeint plus un milieu mis à l'index mais les moeurs des bourgeois et de leur domesticité. Ce choc linguistique doublé de la violation d'un tabou va inévitablement se traduire par des caricatures ambivalentes où la scatologie est à la fois vecteur de violence et de sacralisation. B. Tillier a souligné le parallèle intéressant que l'on peut établir entre cette exploration sociale et le contenu final du pot de chambre. À ce titre, la caricature de Robida (Pot-Bouille ou tous détraqués mais tous vertueux) parue le 13 mai 1882 est très éclairante. Il s'agit d'une coupe d'un immeuble sur laquelle on peut repérer, grâce à d'abondants commentaires, les différentes tentatives de séduction d'O. Mouret. Visualisée par cette coupe, l'intrusion du romancier dans la vie des différentes couches sociales est également signalée par un dédoublement de l'écrivain que l'on retrouve dans la loge et tout en haut de l'immeuble. La loge, surmontée de l'inscription «Parlez au concierge - Émile Zola - naturaliste», contient l'écrivain qui tire le cordon tout en rédigeant de la main gauche. Il ne s'agit évidemment pas d'une erreur du caricaturiste mais d'une manière de stigmatiser l'écriture zolienne. (16) On retrouve l'écrivain qui regarde avec un grand sourire par la fenêtre d'une lucarne de chambre de bonne. Ce dédoublement méphistotélique suggère l'omnipotence d'un écrivain qui se joue de tous. Un des commentaires au bas du dessin rappelle la passion qu'a pu susciter le roman et son interdiction par les moralistes :
STATISTIQUE. Malgré les bruits qui ont couru, le bel ouvrage de M. Émile Zola peut être lu par les familles aux veillées du soir. Il suffira de passer quelques mots de temps en temps. Nous avons soigneusement relevé les interdictions dégoutantistes et nous avons vu que le mot ... ne se trouve répété que 12426 fois, le mot ... 6792 fois, le mot ... 2816 fois, etc., etc. Enfin une jeune personne qui voudrait ne rien passer pourrait lire Pot-Bouille d'un bout à l'autre en rougissant 1599997 fois seulement. En terminant nous nous permettrons de signaler aux pensionnats de demoiselles la vertueuse p. 47, où Bossuet lui-même ne trouverait pas à rougir. Il est vrai qu'elle n'a que 7 lignes, mais ces 7 lignes sont pures ! (17)
Les effets supposément pervers du roman sont évidemment une autre source humoristique. Jeunes gens et jeunes filles sont mis en danger par de telles lectures. Si ce n'est pas trop grave pour le lycéen, car cela fait partie de la nécessaire initiation des jeunes hommes comme le suggère ce dialogue entre un père et son rejeton en uniforme :
- On m'a donné comme prix un livre doré, mais pas corsé... je l'ai changé contre Pot-Bouille. (18)
Le risque est plus grand pour les demoiselles ainsi que le suggère Sahib dans une vignette. Zola, en costume professoral, portant un pot de chambre («bouille») et un gigantesque balai à tinettes, est suivi de lycéennes portant un uniforme masculin mais aussi des bottes à talons
aiguilles et de longs cheveux dénoués...
La Vie Parisienne à M. Émile Zola. Est-ce vrai que vous avez accepté la direction d'un lycée de jeunes filles? ... Hélas ! où trouverez-vous alors le temps de produire ces surprenantes compositions qui... que... ces compositions, dis-je, dont s'honore notre siècle? M. Émile Zola à La Vie Parisienne. Oui! c'est vrai, je veux mettre mes théories en pratique et modeler de jeunes esprits souples selon mes idées. Vous verrez le résultat. (19)
Allusion au fait que Zola a abordé en 1880 les questions de l'éducation des filles et de la moralité dans la littérature et que ses théories n'ont pas convaincu tout le monde !
L'image du simple pot à soupe a donc peu séduit les caricaturistes déjà trop accoutumés à employer un autre genre de récipient. Aussi assiste-t-on à une superposition : le vase de nuit devient un pot-bouille portant l'étiquette « pot-bouille » voire même « bouille ». Cet objet a une signification précise qu'on ne peut réduire à celle du simple pot de chambre. Il est synonyme d'une mutation sémantique attribuée à Zola mais aussi de l'intense bouillonnement créatif qui accompagne son activité littéraire, véritable digestion de la société et de ses tares. Quoi de plus commode que cet objet, facile à caser dans un coin de caricature, et qui symbolise ce que d'autres dessins avaient déjà souligné sans pour autant créer un code (ill. 7).
Illustration 7 - Vignette illustrant un texte parodique de Sahib intitulé En manière de revue, publié dans La Vie parisienne du 1" juillet 1882. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
Ainsi, dès 1878, Hégo avait évoqué l'utilisation de nouvelles « matières » dans un très beau dessin intitulé Une page d'amour peint par Étude Zola (20). Zola, en rapin très inspiré (cheveux bouclés, barbe, pipe, pantalon à carreaux), a l'ceil exorbité. Au rouge de son pinceau, de sa palette, de son mouchoir, répond celui d'un bouton de rose. 21 Il peint avec une gigantesque plume et des « mots salés », du « piment », du « vernisbrillant» , des «paillettes d'or». Le tableau consiste en l'inscription Une page d'amour peint par Émile Zola. De la jambe gauche de son pantalon sort une patte d'animal et de sa redingote une queue de rat. On comprend que le pot de chambre est un accessoire récurent plus commode à utiliser !
Un sacré « emmerdeur » ou un « emmerdeur » sacralisé ?
Le pot de chambre devient un des accessoires obligés des caricatures de Zola lorsque l'on veut baigner celles-ci d'une atmosphère de création littéraire sulfureuse, malodorante." Mais le plus important est que ce pot soit généralement «bouille» puisqu'il peut alors bouillir, étaler son contenu à la face du monde. Il perdure donc en tant que rappel d'un langage fort, de l'audace de celui qui ose disséquer la société française, d'idées toujours nouvelles. Aussi lorsque Pépin cherche trois personnages remuants pour illustrer les expériences de Pasteur contre la rage choisit-il Émile Zola, Rochefort et Granier de Cassagnac. Tous ont des tatouages sur le bras, celui de Zola consistant évidemment en un pot de chambre. Zola se contorsionne, «devenu hydrophobe à la suite du refus de Germinal», et son ardeur est telle qu'il a déjà défait ses liens à moitié, contrairement à ses compagnons d'infortune (23) Bouille ou non, ce pot de chambre accompagne les apothéoses de Zola. Plus haut, nous avons évoqué celle imaginée par Pasquin, mettant en scène Hugo et Zola. En 1880, H. Demare, propose une Apothéose naturaliste dans La Nouvelle Lune. Zola, habillé en égoutier est assis sur une truie nommée « Nana ». Audessus de sa tête, un pot de chambre renversé («naturalisme») est nimbé de rayons. Certes, tout est destiné a priori à ridiculiser l'écrivain dans cette image mais il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une apothéose. Et le pot de chambre, élément d'une image, peut très bien faire songer à celui qui, par exemple, accompagne l'enfant Jésus dans le retable d'Issenheim. Zola n'est-il pas celui qui propose un nouveau message? Et quand Émile Cohl le représente maculant un cahier de merdeuses virgules (ill. 8), ne peut-on y voir une fois encore de l'ambivalence et de la sacralisation ? Ces caricatures sont tellement éloignées de celles du début du siècle, ou même plus récentes comme celles de Victor Hugo, qui affublent sempiternellement les auteurs de gigantesques plumes ou de lyres...
Illustration 8 - Caricature pleine première page d'Émile Cohl intitulée Emile Zola ou l'art de mettre les virgules, publiée dans La Presse parisienne du 19 février 1882. Fonds Céard, carton n° 2, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
Avec l'Affaire Dreyfus, le pot-bouille envahit les caricatures, les étrons vont se déverser et Zola conchier la France. La prise de position de l'écrivain est assimilée par les caricaturistes antidreyfusards à de la couardise. Trick le montre portant une oriflamme (« Mes victoires. Nana. La Débâcle. J'accuse !») surmontée d'un pot de chambre et ajoute la légende suivante :« Émile. - La plume et l'épée. Choisissez la plume c'est moins dangereux. » (24) On notera d'ailleurs que si la parution de la Débâcle n'avait pas entraîné de caricatures, en revanche la débâcle (défaite) et le pot de chambre sont souvent associés, de manière explicite ou implicite, au moment de l'Affaire (ill. 9), comme les symptômes d'une diarrhée zolienne qui souillerait la France.
Illustration 9 - Caricature de Trick légendée « J'avais pourtant des preuves, où sont-elles donc passées? », publiée dans La Patrie du 26 janvier 1898. Fonds Céard, carton n° 5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
Ces caricatures montrent Zola maculant le drapeau ou la carte de la France de merde, Zola dans d'étranges marmites ou bien encore dans les latrines, les égouts... L'écrivain est même accusé d'avoir trouvé un moyen original d'accéder à la gloire : traînant un pot de chambre, il déclare en se dirigeant vers les Assises :« je ne puis pas trouver la gloire à l'Académie, j'irai aux Assises». (25)
Mais dans le même temps, le pot de chambre va clairement devenir symbolique d'un Zola qui se défend et se bat de toutes ses forces. Dans une caricature de janvier 1898, une caricature italienne souligne :«Pour que le Pot-Bouille, il n'y a vraiment que Zola. » Zola, très concentré, allure bonhomme, actionne un soufflet (Lettere in difesa di Dreyfus) sous une marmite. Le feu est fort, le pot bout. Dans les bouillonnements s'agitent de petits personnages :« boulangisme »,« orléanisme »,« impérialisme», «antisémitisme» (ill. 10).
Illustration 10 - Caricature publiée par le journal italien Pasquino, Rome, sans précision d'auteur. Reprise par la Revue encyclopédique en janvier 1898 et légendée « Pour que le pot bouille, il n'y a vraiment que Zola». Fonds Céard, carton n° 5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet, Paris. Cliché : Agnès Sandras-Fraysse.
En simplifiant à l'extrême, on pourrait alors distinguer deux catégories de caricaturistes :
- Ceux qui sont pleinement conscients de vouloir plaire à un public aux goûts grossiers, plus friand de scatologie que d'esthétique, et sûr de son jugement. C'est le cas d'André Gill qui en 1880 « regrettera d'avoir succombé, dans ses caricatures de Zola, à "un genre de plaisanterie aisée et grosse" [...] qui l'a mis un instant de complicité avec les imbéciles. "Je le sentais, j'en étais un peu honteux et cherchais le moyen de vous le dire. C'est fait." » (26) Ces dessinateurs se moquent avant tout d'une bourgeoisie frileuse, encline à voir le mal partout, mais jouent un double jeu que les lecteurs ne percent pas aisément. Leurs vignettes peuvent être interprétées de manière diamétralement opposée comme celle donnée par Pif dans le Charivari. Dans une cuisine, un bourgeois se trouve face à sa cuisinière qui tient une casserole d'un air menaçant :
- N'approchez pas... Je sais que les bourgeois cherchent à séduire les bonnes!...
- Ah ! la malheureuse ! elle a lu Pot-Bouille!...
Pif peut ainsi à la fois réjouir ceux qui dénoncent les ravages supposés des écrits zoliens chez les lectrices et ceux qu'amusent la réputation outrée du maître naturaliste. (27)
- Ceux qui dans les caricatures les plus violentes, à l'instant même où ils croient dénoncer les turpitudes de l'écrivain (littérature obscène, engagement dans l'Affaire Dreyfus), le sacralisent inconsciemment, faisant du pot de chambre l'accessoire emblématique de l'analité : Zola est celui qui ose, celui qui crée, celui qui exonère, donc celui qui enrichit la littérature et oblige la société à s'interroger devant tant d'agitation, de fureur et d'odeur.
On l'aura compris, cette scatologie ne saurait être séparée du contexte culturel et politique de l'époque. Les caricatures de Zola sont rarement isolées dans la presse car elles illustrent souvent un article ou un compte rendu. Les commenter hors situation constitue donc un non-sens. Il faut au contraire en cerner les inspirations, en particulier celles des critiques littéraires, pour comprendre que ces dessins répondent à des sentiments très ambivalents devant la vitalité débordante de Zola dont le pot «bouille» encore et toujours... Les fumerolles qui sortent des pots, en plus d'une allusion odorante, attestent bien de son activité volcanique et novatrice. La scatologie n'est pas au XIXe siècle source d'indignation mais au contraire une manifestation de connivence, un sujet d'amusement pragmatique, dans un monde non encore aseptisé. Le «pot-bouille» ne me paraît donc pas constituer une agression dont l'unique but serait de souiller Zola mais une contribution à la fabrique d'un romancier qui a su révolutionner l'écriture. Mais pour s'en convaincre, il nous faut accepter de regarder ces caricatures avec un humour fin-de-siècle et non pas en y projetant les tabous véhiculés par un siècle d'hygiénisme. Il en a tiré la force de rédiger le révolutionnaire Pot-Bouille puis celle de tenir tête à ses adversaires. L'utilisation par les antidreyfusards de manière stéréotypée et peu convaincante de cette scatologie a sans doute davantage servi l'écrivain qu'elle ne l'aura réellement sali. Au demeurant jamais Zola n'a interdit la publication de quelque caricature que ce soit ... (28)
Centre Émile Zola
Notes
1. C. Fontane, Un Maître de la Caricature. André Gill, Éditions de l'Ibis, 1927, p. 245. Le dessin de Gill décrit est paru dans La Lune du 29 mars 1868.
2. Alfred Carel, Biographies contemporaines, Paris, Capiomont aîné, Calvet et Cie, 1881. Dessins de Hope. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
3. On notera de la même façon que si Zola est traditionnellement associé au porc, ce sont Flaubert et Charles Monselet qui ont été «porcinisés» les premiers.
4. Émile Zola, Pot-Bouille, chronologie et préface par Colette Becker, GarnierFlaminarion, 1969.
5. J.Barbey d'Aurevilly, Le Constitutionnel, 14 juillet 1873, XVIII, p. 197. Cité par Marie Scarpa, Le Carnaval des Halles. Une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola. Paris, CNRS Éditions, 2000, p. 75.
6. André Gill, Les lundis du Figaro ou le naturaliste empaillé par lui-même, dans La Mascarade du 25 novembre 1880. Fonds Céard, carton n° 5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
7. Louis Ulbach, «L'âne par Victor Hugo, conférence faite à Courbevoie, le 7 novembre 1880 au profit de la bibliothèque populaire». Paris, Calmann-21. Allusion à l'échec que Zola vient de connaître au théâtre avec Le Bouton de rose. Lévy, 1881. Texte saisi par la Bibliothèque municipale de Lisieux : http://wwwbmlisieux.com/
8. René Asse, Une Vénus de cabaret ou le M... naturaliste de M. Zola, dans Le Monde plaisant du 3 mai 1879. Fonds Céard, carton n° 5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
9. Séverine, « Notes d'une Parisienne. Lettre à Zola », dans Le Cri du Peuple du 111 novembre 1885. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
10. Barbey d'Aurevilly, dans Le Constitutionnel du 29 janvier 1877.
11. Stop, Nana!, dans le Journal amusant du 26 février 1881. Fonds Céard, carton n° 6, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
12. Cham, Nouvelle bouillabaisse dramatique pour M. Dumas père, dans Le Charivari du 31 mars 1858. Reproduit par L'iconographie d'Alexandre Dumas père éditée par C. et D. Neave pour la Société des amis d'Alexandre Dumas, Marly-le-Roi, 1991, p. 55.
13. L'Esprit Gaulois, 26 janvier 1882.
14. Au sujet des noms propres, on consultera l'intéressant article de Catherine Dousteyssier-Khoze, « Pot-Bouille in caricatures and parodies », Bulletin of the Emile Zola Society, n° 22, octobre 2000.
15. Dessin paru dans La Chronique parisienne du 5 mars 1882. Fonds Céard, carton n° 2, Cabinet des estampes du musée Carnavalet. Auteur non précisé. Ce dessin fait allusion à l'affaire Duverdy : Zola, suite au procès que lui intenta l'avocat Duverdy, dut modifier le patronyme employé dans PotBouille et le remplacer par Duveyrier.
16. Ce procédé a également été utilisé à l'encontre de George Sand. Voir Bertrand Tillier, George Sand chargée ou la rançon de la gloire !, Tusson, Du Lérot, 1993.
17. Robida, Pot-Bouille ou tous détraqués mais tous vertueux, dans La Caricature du 13 mai 1882. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
18. In L'Almanach comique, 1883. Fonds Céard, carton n° 2, Cabinet des estampes du musée Carnavalet. Auteur non précisé.
19. Sahib, En manière de revue, dans La Vie Parisienne du ler juillet 1882. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
20. Hégo, Une page d'amour peint par Émile Zola. Caricature pleine première page de La Question, 19 mai 1878. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
22. Le porc étant l'autre référence obligée à la littérature «cochonne» de Zola.
23. Pépin, M. Pasteur et la rage, dans Le Grelot du 8 novembre 1885. Fonds Céard, carton n° 2, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
24. Caricature de Trick dans La Patrie du 23 février 1898. Fonds Céard, carton n° 5, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
25. Caricature parue dans Le Pèlerin du 13 mars 1898. Auteur non précisé. Fonds Céard, carton n° 1, Cabinet des estampes du musée Carnavalet.
26. Henri Mitterand, Zola, tome II, p. 244.
27. «II faut se reporter à l'époque, se rappeler les sentiments qu'excitaient dans la bourgeoisie française aux environs de 1880 la personnalité de Zola, le caractère de ses productions, le bruit un peu scandaleux qui se faisait autour d'elles. Chaque manifestation du chef de l'école naturaliste soulevait des discussions passionnées; la plupart des innombrables lecteurs de ses livres ne les admiraient pas sans réserve; ils en subissaient la force, ils en blâmaient les tendances; ils goûtaient à les lire un plaisir qu'ils n'avouaient point; ils les dévoraient en prenant des airs offensés. » dans Le Temps du 4 octobre 1910 :« Chronique théâtrale - À propos de l'Assommoir - Le réalisme et le romantisme d'Émile Zola.»
28. On consultera avec profit deux riches études complémentaires : celle de Bertrand Tillier, Cochon de Zola! ou les infortunes d'un écrivain engagé, Séguier, 1998, et celle de Catherine Dousteyssier-Khoze, « Pot-Bouille in caricatures and parodies», Bulletin of the Emile Zola Societv, n° 22, octobre 2000.
Indications biographiques concernant les caricaturistes dont les dessins sont reproduits
Ces indications ont été élaborées en grande partie grâce au Dico Solo, Éditions Aedis, 2004.
Émile COhl, de son vrai nom Émile Courtet (1857-1938), a été l'élève d'André Gill. Il est connu pour son activité de caricaturiste (La Caricature, Le Charivari, etc.) et son rôle important parmi les pionniers du dessin d'animation.
Colignon Barentin (1854-?) a pris le pseudonyme de COIl-TOC. Il a publié dans de nombreux journaux et a dessiné des couvertures de partitions. Sa caricature des Goncourt a eu un grand succès.
André Gill (né Louis-Alexandre Gosset de Guines, 1840-1885) a fortement marqué les générations suivantes. Dessinateur des premières pages de La Lune, il a lancé les silhouettes caricaturales de bon nombre de personnalités et a connu de nombreux démêlés avec la censure. Il a également illustré les oeuvres de plusieurs écrivains comme Daudet ou Zola. Il meurt interné à Charenton.
Moloch, de son vrai nom Hector Colomb (1849-1909), a publié dans de nombreuses revues comme Le Trombinoscope ou Le Rire. Les plus connues de ses charges sont celles dirigées contre Thiers et Napoléon III.
Pasquin (F. né en 1853) a participé à plusieurs revues comme L'Esprit gaulois ou l'Assomoir républicain.
Sahib (Louis-Ferdinand Lesage, 1847-1919) a illustré plusieurs romanciers comme Dumas ou Daudet et s'est fait le spécialiste de chroniques acérées sur les moeurs contemporaines (Vie parisienne, Monde illustré, etc.)
Trick (Yves Barre) est l'auteur de caricatures et d'histoires dessinées. Il a publié dans L'Éclipse, La Patrie, etc.