Gilbert Millat, Le Déclin de la Grande-Bretagne au XXe siècle dans le dessin de presse, L’Harmattan, 2008, 18 euros.
Les historiens ont longtemps boudé le dessin de presse et la caricature, tandis que les articles publiés dans les journaux leur servaient de source de premier choix. L’image, par nature plus triviale que le texte et moins informative, ne semblait pas pouvoir aider à préciser des faits, des tendances ou même des idéologies. Depuis quelques années, le regard porté sur le dessin de presse évolue. L’image satirique peut devenir le matériau principal de l’historien. L’ouvrage de Gilbert Millat, maître de conférences à l’université Lille 3, s’inscrit dans cette optique. L’auteur se donne en effet comme objectif d’analyser un siècle de l’histoire britannique au travers de la production graphique éditoriale politique de quelques grands quotidiens anglais. Le corpus étudié se restreint à trois dessinateurs de premier plan, David Low, Leslie Illingworth et Michael Cummings, peu connus en France, mais que l’on peut considérer comme des Plantu britanniques. Outre-Manche, comme dans le reste de l’Europe, les quotidiens recourent depuis longtemps au « cartoon » politique pour frapper les esprits et même accroître leur lectorat. Gilbert Millat nous intéresse d’abord au rôle social de ces commentateurs amusés ou acides de l’actualité, à leurs relations parfois difficiles avec le rédacteur en chef et bien sûr au poids de la censure. Mais surtout, embrassant de vastes corpus et s’intéressant aux récurrences thématiques, il montre les préoccupations des caricaturistes et au travers eux, probablement celles de l’opinion. Conservateurs ou travaillistes, ces maîtres du crayon commentent les évolutions politiques, les relations internationales, mais également les choix d’ordre économique. Ainsi seront débattues, souvent de manière anxiogène pour le lecteur anglais, les questions du libre échange ou du protectionnisme, la montée du fascisme, la seconde guerre mondiale (qui représente une parenthèse dans le constat réalisé par les cartoonists du déclin britannique), les relations de dépendance vis-à-vis des Etats-Unis, la fin de l’Empire britannique avec la décolonisation et enfin, les rapports de l’Angleterre avec l’Europe, tous sujets qui mettent en scène une certaine image de la nation, écornée au fil des décennies. Le lecteur regrettera sans doute l’absence d’illustrations dans ce livre. Des centaines d’images sont (habilement) décrites et analysées, sans que l’on puisse juger des effets visuels et des styles graphiques. Mais comme l’explique l’auteur, les droits de reproduction élevés rendent très difficile la publication des cartoons, que l’on peut néanmoins consulter sur la base de données en ligne de l’Université du Kent (Canterbury). Quant à la sélection des dessinateurs étudiés par Gilbert Millat, le fait de s’intéresser à quelques « monuments » du dessin de presse impose un filtre idéologique quelque peu réducteur. On aurait aimé connaître le point de vue (et la rhétorique graphique) d’artistes certes moins célèbres, mais aux idées plus radicales, aux positions plus tranchées. L’Angleterre aurait eu sous leur crayon une physionomie sans doute sensiblement différente, traduisant des préoccupations politiques et sociales plus larges, qui auraient certainement intéressé les familiers de Gavroche !
GD
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