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Un festival de caricature et dessin de presse à Ouagadougou, c’est une première !
C'est vrai, même s'il y a déjà eu des ateliers et des expositions individuelles, notamment sous l'impulsion de l'Institut Goethe. Mais rien de l'envergure de cet événement d'octobre 2011. Ouagadougou est à la fois une ville "modeste" -contrairement à des villes africaines plus médiatisées comme Dakar ou Abidjan- et, en même temps, une capitale des arts, notamment audiovisuels. Le cartoonist étant un peu un artiste, il était temps qu'il ait son festival au Burkina Faso.

L’Afrique consacre une place encore plus faible aux dessinateurs de presse que sur les autres continents, percevez-vous une évolution favorable ?
Le dessin de presse est confronté à un fait qui est à la fois un atout et un frein : l'analphabétisme qui touche encore la majorité de certaines populations. C'est un frein objectif au développement de la presse écrite. C'est en même temps un atout extraordinaire pour le dessin de presse qui ne nécessite pas d'alphabétisation, ni en langue officielle importée, ni en l'une des dizaines de langues nationales que l'on rencontre dans chaque pays. Les journaux satiriques ont parfois des "lecteurs" qui ne savent pas lire ! L'évolution favorable de monde du dessin de presse viendra du développement de l'accès à l'éducation. Et n'oublions que le "printemps de la presse" qui a suivi la libéralisation de certains régimes n'a qu'une vingtaine d'années d'existence. Le cartoon africain est encore adolescent et c'est un gage de fraîcheur...

A quelles difficultés récurrentes sont confrontés les dessinateurs en Afrique ?
Selon les pays, il se heurtent à l'une ou plusieurs de ces difficultés : contraintes politiques sur la liberté d'expression, parfois censure, menaces et violence, étroitesse du marché de la presse écrite et de l'édition, manque d'intérêt de la presse généraliste pour le dessin de presse, faiblesse des rémunérations, concurrence de la photographie numérique, piratage sur Internet, incompréhension d'une partie du public qui juge la caricature "non africaine", contraire au respect dû aux “chefs” ou aux préceptes religieux, etc. Tout cela conduit parfois à un exil géographique ou simplement professionnel : le dessinateur vire vers l'infographie publicitaire ou le journalisme rédactionnel.

Vous avez réservé le débat « Peut-on rire de tout ? » aux seuls professionnels. Question trop sensible pour être totalement publique ?
Pas vraiment. Il y a simplement une grande variété d'événements publics pendant ce festival, qui va de conférences à des soirées “festives", en passant par des ateliers et une résidence de création dans la rue. Il a donc fallu “segmenter" le tout. Dans cet esprit, le souhait est que le débat « Peut-on rire de tout ?» soit d'un niveau technique qui satisfasse les professionnels. C'est pourquoi le programme cible, sur ce point, les journalistes, les étudiants, les politiciens, les diplomates. Mais la salle sera ouverte à tous. Et on y abordera des questions sensibles, en présence de ministres et sous l'œil d'une caméra. Ceci dit, il est vrai que certains organisateurs jugeaient inexposables certains dessins, notamment sur la religion et l'homosexualité. Ceux-ci seront projetés pendant le débat.

Quel rôle joue Cartooning for peace dans ce festival ?
"Cartooning for peace" est un partenaire prestigieux pour ce festival financé par les Instituts français et allemand. L'association créée par Plantu a une dimension internationale depuis sa création, en 2006, autour de Kofi Annan. Elle fournit au festival de Ouaga une superbe exposition alimentée par ses 89 dessinateurs. Elle permettra de faire venir, à Ouagadougou, des cartoonists comme le Français Tignous ou l'Algérien Dilem.

 

Propos de Damien Glez (dessinateur de presse, correspondant de Cartooning for peace à Ouagadougou et directeur de publication de l'hebdomadaire satirique burkinabè Le Journal du Jeudi) recueillis par Guillaume Doizy le 1er octobre 2011

 

Tag(s) : #Interviews
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