De l'icône à la caricature - La représentation des personnalités pendant le premier conflit mondial, Marie-Estelle Tillard , Claire Aslangul-Rallo, Le Fantascope Editions, 111 pages, 20 euros.
Loin des commémorations à venir pour le centenaire de la première guerre mondiale, l’ouvrage de Marie-Estelle Tillard et de Claire Aslangul-Rallo adopte une posture séduisante : il ne s’agit pas d’analyser le flot de caricatures produites entre 1914 et 1918 en France et dans d’autres pays engagés dans la guerre, mais de s’intéresser tout particulièrement à la manière dont les hommes de pouvoir - civils ou militaires eux-mêmes - ont été mis en scène dans l’imagerie satirique.
Les auteures constatent – et le titre de l’ouvrage le dit bien – que deux modes antithétiques ont été privilégiés : l’icône et la caricature. Deux faces d’une même pièce, car les mêmes journaux ont souvent recouru à ces deux manières pour mettre en scène amis et adversaires, s’inscrivant dans une tradition ancienne. Depuis longtemps le portrait-charge par exemple permet cette double approche, impertinente ou laudative.
En temps de guerre, il ne s’agit bien sûr pas d’attaquer les autorités de son pays. Sauf exception, les dessinateurs ont largement versé dans le patriotisme guerrier de l’Union sacrée. Même les artistes pacifistes ou révolutionnaires d’avant-guerre se sont trouvé de bonnes raisons pour flétrir le « barbare » du camp adverse et encenser « ses propres généraux ».
La production graphique de guerre, que l’on qualifie souvent de propagande même si, comme en France, elle reste bien souvent le fruit d’initiatives privées, a donc valorisé ses chefs transformé en héros, et flétris ceux du camp adverse. Jusqu’au ridicule parfois !
Et ceci dans les mêmes journaux, dans les mêmes séries de cartes postales, sous le pinceau des mêmes dessinateurs, constituant un double panthéon en forme de miroir. Probité, vérité et force juste d’un côté, barbarie, couardise et mensonge de l’autre. Avec évidemment le risque majeur de se montrer parfois contre productif : effrayer jusqu’à rendre impuissant ses lecteurs à force de souligner trop fortement la sauvagerie de l’adversaire ; réduire la vigilance de ses propres troupes en présentant l’ennemi comme incapable et faible ; perdre toute crédibilité par un discours trop éloigné de la réalité. Sous cet angle, on peine évidemment à mesurer l’efficacité du discours graphique icôno-caricatural pendant la guerre.
D’un camp à l’autre, le discours graphique n’est nullement symétrique. Il dépend en partie de la physionomie politique et sociale de chaque pays qui induit un culte de la personnalité plus ou moins prononcé chez certains et, en conséquence, une focalisation plus ou moins forte contre quelques cibles privilégiées et durables. La caricature n’attaque pas (ou n’encense pas) de la même manière un Empire et une République.
L’ouvrage s’intéresse aux principales personnalités de la guerre, rappelant leur rôle dans la guerre et produit une très conséquente illustration bien que principalement française. On rêve bien sûr d’une étude plus globale qui s’intéresserait à la production graphique des principaux belligérants, mais également de leurs alliés lointains.
Peut-être dans les années à venir ?
GD, le 25 septembre 2011