Lors du 36e Salon de Saint Just le Martel, les dessinateurs Jacquette et Liniger (fondateurs de l’agence Studio-irrésistible), ont organisé une réunion sur le thème des États généraux du dessin de presse. Fort du succès rencontré par l’exposition « La presse en liberté » organisée avec leur concours à l’Unesco en 2017, les deux dessinateurs proposent de doter la profession d’un outil permettant de défendre à l’échelle mondiale les dessinateurs de presse, durement visés en 2015 en France, mais dans bien d’autres pays du monde également.

Des États généraux du dessin de presse se tiendraient dès le mois de mai 2018, avec des rendez-vous semestriels pour, d’ici trois ans, faire un bilan d'étape et envisager la poursuite ou non du questionnement. Ces États généraux s'intéresseraient notamment au statut du dessinateur, à l'éducation au dessin de presse des jeunes comme des adultes dans les différentes régions et cultures, aux modèles économiques, à la protection des dessinateurs en danger, etc.
La réunion s’est tenue sous le patronage de Gérard Vandenbroucke, fondateur et président du Salon de Saint Just Le Martel, en présence d’une vingtaine de dessinateurs et de personnalités dont Plantu (France), Kichka (Israël), Gueddar (Maroc), Caggle (USA), Traxx (France), etc.
Jacquette et Liniger ont indiqué à l’assistance que cette initiative était soutenue par les diplomates de France et de Suisse et visait à réunir les différents acteurs de la profession et même au delà (patrons de presse, associations, politiques, journalistes, ...). L'opportunité d'inviter les politiques ou des figures de la vie culturelle (artistes, rappeurs...) dans ces États généraux a été discutée.
L’assemblée s’est montrée enthousiaste à l’idée d’œuvrer à la tenue de ces États généraux du dessin de presse.

Notre point de vue :
Sans préjuger de la capacité de ces États généraux à pouvoir aider les dessinateurs de presse eux-mêmes, l'initiative nous semble intéressante car elle peut-être l'occasion de faire le point sur la situation du dessin de presse à l'échelle mondiale. Mais il faudrait sans doute pour cela ne pas se focaliser sur les acteurs de premier plan que sont les dessinateurs eux-mêmes, ou leurs supports, mais chercher à se donner des clefs de compréhension et d’analyse de ce que sont les usages et les mésusages du dessin de presse dans la société. Car c’est bien cette question des usages et des mésusages qui s’est brutalement posée au monde depuis l’affaire dite des caricatures de Mahomet en 2005-2006 et qui a trouvé son tragique prolongement en 2015. Il apparait d’abord nécessaire d’établir un diagnostic de cette présence du dessin de presse dans nos sociétés contemporaines (et pas seulement en occident), en nous intéressant aux questions des circulations, de la réception, des chocs culturels, des tabous collectifs, des manipulations de ces images à l’heure de la diversité médiatique (médias traditionnels, réseaux sociaux) et de la mondialisation instantanée des flux d’informations. Les États généraux pourraient tenter d’articuler réflexion sur la profession et réflexion sur ces usages (usages des éditeurs, dessinateurs, usages des usagers et donc perception des images…), penser le dessin de presse dans sa dimension globale et sociale, comme un élément du flux médiatique, avec en permanence le souci de s’interroger sur la diversité des lecteurs, leur capacité à recevoir et décrypter le dessin de presse, leurs attentes, l'usage des codes visuels et des stéréotypes et le problème posé par leur polysémie, etc.
Offrir les moyens de penser le dessin de presse paraît aussi important que doter la profession des moyens de faire progresser son statut et défendre ses membres des pressions dont ils sont parfois et trop souvent l’objet. Car les États généraux du dessin de presse doivent servir à la profession mais aussi et surtout à la société dans son ensemble, société qui s'interroge aujourd'hui sur la place à donner à ces dessins de presse, dont le langage si spécifique est potentiellement explosif. La faiblesse numérique de cette profession (quelques milliers de dessinateurs de presse à l'échelle planétaire), pourrait à elle seule, rendre injustifiable la tenue d’États généraux. A contrario, l'immense problématique sociale posée par les dessins eux mêmes et leur réception difficile depuis un peu plus d'une décennie nous semble justifier pleinement une telle initiative.

Guillaume Doizy

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