Christian Schweyer, Histoire des Monnaies Satiriques, éditions Carmanos-Commios, 2016, 732 p., 65 euros.
Le présent ouvrage n’est pas une « histoire » au sens traditionnel du terme, mais plutôt une encyclopédie des monnaies regravées satiriques. Objet peu connu des historiens, ces monnaies ne manquent pourtant pas d’intérêt. Elles fonctionnent sur le principe du détournement à caractère polémique d’un support officiel extrêmement commun et facile à diffuser, puisque c’est sa fonction première. Le « satiriste » intervient directement sur la matière, pour contredire le message à la gloire de l’État, au travers notamment d’une modification de la devise ou du portrait présents sur la pièce, et parfois même la figuration d’un nouveau personnage. L’artisan ajoute en général un attribut infamant à sa cible, attribut symbolique, simple et facile à décoder, généralement emprunté à la palette des motifs du caricaturiste.
Au fil des entrées de ce gros volume de plus de 700 pages, le lecteur peut tout aussi bien s’intéresser aux techniques de l’artisan, aux contrefaçons, à la cote actuelle de ces objets de collection, mais également à l’iconographie présente sur ces médailles ou monnaies, l’auteur s’intéressant avec précision aux sources d’inspiration des graveurs et bien sûr au contexte politique et social qui a vu émerger ces images. Christian Schweyer ne manque jamais de regarder du côté des images imprimées pour repérer les procédés familiers à toute une époque, qui imprègnent également cette activité artisanale de détournement des monnaies.
L’ouvrage s’intéresse tout particulièrement à la période qui va de la Révolution française au régime de Vichy, mais ne se limite pas à la seule production française. Les monnaies satiriques anglaises, allemandes, portugaises, suisses, italiennes, d’Afrique du Sud ne sont pas oubliées, montrant par là l’universalité du genre, qui voit son apogée au XIXe siècle.
Concernant la production française, ces satires sur monnaies reflètent les grandes émotions politiques depuis 1789. Elles ont surtout servi de moyen de contestation des pouvoirs, la modification du message et de l’image portés par la monnaie constituant un geste fort de désacralisation des autorités. En cela, elles font partie intégrantes de l’histoire de la caricature, et rappellent la pratique du graffiti politique, chère au XIXe siècle également. L’originalité de cette production si mal connue tient avant tout dans cette capacité à s’approprier un support existant, symbole du pouvoir en place, support extrêmement commun jouissant d’une très large diffusion, pour le détourner dans une perspective polémique. Une production vraiment fascinante que Christian Schweyer nous fait connaître avec passion et talent.
Guillaume Doizy