"Comme ça se joue", Dessin de André Gill, L'Eclipse n° 79, 24/7/1869.
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Article paru dans la revue Autour de Vallès n°36 (Vallès et la caricature), décembre 2006, p. 154-179.
Dans A la charge ! , Bertrand Tillier ouvre le second chapitre de son livre sur une controverse qui oppose Jules Vallès aux partisans d’André Gill à propos de l’engagement du dessinateur de presse et de son implication dans les luttes sociales (1). Révolutionnaire, Vallès dans différents articles ou courriers, évoque les bouleversements sociaux du siècle en cours et notamment la Commune de Paris dont la répression sanglante reste vive dans les mémoires. A cette histoire héroïque et dramatique, il oppose la quête de « talent » du dessinateur coiffant avant tout le bonnet de l’artiste, condamné à la folie pour s’être isolé « dans la fantaisie et dans le rêve » au lieu de se consacrer à la « solidarité sociale (2)».
L’Esprit français publie en 1932 un article sur ce thème et rappelle que Vallès fut un des derniers à s’occuper du dessinateur malade (3). Les reproches formulés par l’écrivain engagé visent avant tout à trouver une explication rationnelle aux dérèglements mentaux du caricaturiste. Vallès conserve une profonde amitié pour son ami Gill, jusqu’à son dernier souffle.
La place et le rôle des artistes dans les crises politiques et sociales interroge. Si David fut révolutionnaire, Daumier républicain au point de goûter au cachot, la grande majorité des artistes ou des hommes de lettre contemporains de Vallès s’intéressent avec modération aux idées sociales avancées, voir affichent ouvertement et violemment leur hostilité à leur égard (4).
De ce point de vue, on pourrait opposer à la figure d’un Gill sur la réserve, tel que le décrit Vallès, le caricaturiste Pilotell (ou le peintre Courbet et d’autres encore). Délégué autoproclamé pour les Beaux-Arts au musée du Luxembourg sous la Commune de Paris, Pilotell est nommé commissaire de police des délégations judiciaires et attaché au cabinet du délégué à l’Intérieur, ce qui ne l’empêche nullement de diriger La Caricature qu’il abonde de ses virulents dessins. Fuyant la répression (comme Vallès), il se réfugie à Londres après avoir traversé différents pays d’Europe. Il est condamné à mort par contumace le 9 janvier 1874 (5) pour sa participation à la Commune, accusé de vol, d’exactions, de commandement de bandes armées et d’arrestations illégales (6). Pillotel ne reviendra jamais en France.
Pour éclairer cette discussion, il nous a semblé intéressant d’analyser le parcours d’un autre caricaturiste, assez proche de Gill du point de vue politique et contemporain de Vallès, à savoir Alfred Le Petit. Une lettre de Vallès au « citoyen » Alfred Le Petit, accordant au dessinateur le droit de faire sa charge (7), traduit la proximité des trois hommes. Vallès félicite son interlocuteur pour deux de ses dessins loués également par Gill. L’écrivain compare le talent des deux caricaturistes. Il conclut : « nous sommes donc un peu tous de la même bande ». La lettre date d’avril 1870 et Vallès signale être « de ceux qui croient que la caricature est l’arme des désarmés (8)». La Commune de Paris n’a pas encore obligé les uns et les autres à choisir leur camp.
Caricaturiste à défaut d’être peintre
Comme l’indique Alfred Le Petit dans une note autobiographique datée de 1884, après avoir été accueilli à L’Eclipse puis au Charivari, le dessinateur, alors pas encore trentenaire, s’est vu « consacré caricaturiste ». Une aubaine. Mais il rajoute, « c'est-à-dire condamné à perpétuité à défigurer les traits de mes contemporains. Quel supplice pour un artiste amoureux de l’exquise beauté des formes ». Car le rêve d’Alfred Le Petit, en arrivant à Paris, était de se faire « une place dans les arts ». Mais, explique-t-il, « il fallait vivre, je fis quelques dessins dans les feuilles du moment… (9)», c'est-à-dire par défaut.
Alfred Le Petit étudie le dessin à Amiens, puis la peinture à Rouen, à l’Académie de peinture et de dessin sous la direction du peintre Morin. Pour son apprentissage, et également par souci de se procurer quelques revenus, il copie des tableaux de maître (10). Gill de son côté a également suivi une formation académique et même présenté les concours des prix de Rome, sur lesquels il porte vingt ans après un regard sévère, mais qui représentaient, pour le jeune étudiant qu’il avait été, un véritable idéal (11). Mais la carrière de peintre reste très difficile. Par contre, le dessin de presse, en cette période qui voit les journaux et le livre devenir de plus en plus gourmands en matière d’images dessinées, semble offrir de bien meilleures perspectives (12).
Portrait d'Alfred Le Petit, Les Contemporains n°32, 7 juillet 1881.
Cette ambivalence de la carrière taraudera Alfred Le Petit jusqu’à sa mort. Une lettre d’un ami amiénois, en 1872, à qui il avait adressé un courrier évoquant sa situation de caricaturiste et ses réflexions sur le métier de dessinateur, reflète cette double aspiration. On y apprend qu’Alfred Le Petit place en tête des dessinateurs Gavarni, dont le style s’oppose à la tradition du portrait-charge et donc à la caricature. Son ami lui rappelle la nécessité d’aborder « le genre sérieux, genre dans lequel la renommée est durable », car « c’est là seulement que la gloire s’attache solidement (13)». Un numéro du journal Les Contemporains (14) le présente en train d’écrire et de dessiner à la fois, avec à ses côtés un tableau « refusé », ainsi qu’une palette d’artiste environnée d’une grosse toile d’araignée. Toute sa vie, Alfred Le Petit espérera une carrière académique, mais l’actualité et son talent le porteront inlassablement vers le dessin de presse.
A la fin des années 1860, l’Empire s’essouffle. L’opinion républicaine reprend une certaine vigueur et s’engouffre dans les quelques brèches entrouvertes par le timide esprit libéral que Napoléon III favorise alors. Le mouvement des banquets républicains s’amplifie. Une presse radicale jouit d’un égal dynamisme, comme La Lanterne de Rochefort par exemple, mais également L’Eclipse de Gill et de son directeur Polo, qui obtiennent alors un franc succès [fig. 3]. Alfred Le Petit, qui parvient à placer en 1869 et 1870 quelques dessins comiques à L’Eclipse, rêve d’une renommée équivalente à celle de Gill, alors au faîte de sa gloire.
La Charge… contre l’Empire
Sans notoriété encore, Alfred Le Petit crée en 1870 le journal La Charge, qui va véritablement fonder son image de dessinateur et de pamphlétaire républicain radical [fig. 4]. Diriger cet hebdomadaire, pour lequel il réalise les principaux dessins, présente de nombreuses difficultés pour le dessinateur engagé à l’époque. Républicain anti impérial, il affronte la censure dont le ciseau et les amendes s’avèrent souvent ravageurs, mais il s’adresse à un public dynamique et nombreux, avide d’un discours flétrissant l’Empire et stimulant le sursaut face à la Prusse. Par contre les réseaux républicains ne sont pas encore suffisamment structurés, les « partis » modernes ne naîtront que trente ans plus tard. La diffusion du journal dépend donc des services de distribution commerciaux, ce qui nécessite des capitaux non négligeables. Pour le jeune et inexpérimenté patron de presse qu’est Alfred Le Petit, l’aspect économique de l’opération devient souvent dramatique et insoluble. Dans une lettre à sa famille, il explique les difficultés innombrables qui l’accablent :
« … la Censure pour moi devient intolérable. Presque toutes les semaines mon dessin est refusé et il faut que j’en fasse un second, quelques fois un troisième ce qui me demande un temps et un mal inouïs. Cela ne serait encore que demi mal, mais il faut avec cela que je m’occupe de l’administration de la rédaction du journal, etc. Le journal commence à prendre de l’importance et à être goûté de Paris et je commence à faire ma petite réputation. Mais malheureusement, le journal prend plus d’importance ce qui nécessite de plus grands frais. (…) Un grand nombre de demandes me sont faites par la province à laquelle il faut faire un mois ou 6 semaines de crédit. Pour cela, il faudrait des avances de fonds qui me manquent absolument. La vente de la province est des plus productive, aussi faudrait-il faire imprimer un plus grand nombre de journaux pour en envoyer des exemplaires d’essai à titre de prospectus afin de le faire connaître hors Paris. D’un autre côté, il me faudrait avancer quelque argent pour avoir des annonces, pour la 4e page, qui seules paient presque tous les frais du journal.
Dessin d'Alfred Le Petit, La Charge n°24, 24/9/1870.
(…) il est des jours où je reçois de 50 à 60 lettres. C’est un abonné qui n’a pas reçu le journal, un marchand dans Paris qui n’a pu s’en procurer parce que le service n’est pas bien fait, ce sont des envois, des comptes à tenir de toute sorte et il faut répondre à tout cela…. Ouf !!! Notre feuille a du succès, une seule chose qui lui manque c’est de ne pouvoir faire d’un coup les frais que nécessiteraient une bonne organisation. N’ayant pas d’argent, il nous est impossible d’en gagner, voici pourquoi : nous avons commencé à tirer mille journaux. Aujourd’hui notre tirage varie de 5 à 6 mille numéros. Nous payons les frais du numéro qui paraît avec ce que produisent les numéros précédents. Or il nous est arrivé de perdre de grands bénéfices à faire, voici pourquoi : le numéro paraît toute la semaine. Il nous est arrivé que certains numéros ont été vendus le premier jour et que faute d’avance, nous n’avons pu en faire retirer d’autres, ce qui nous a donc fait perdre de l’argent à gagner. (…) Malgré toutes les difficultés de fonder un journal, le mien en est arrivé à son 27e numéro (…) et nous avons toujours mis les deux bouts. A l’heure qu’il est voici que le marchand en gros du journal me doit 5 numéros et qu’il ne peut plus me les payer... (…) il me doit environ mille francs et j’en dois environ 900 au fournisseur du journal. Je ne puis donc [assumer] seul pour le moment ce coup imprévu et le journal est mort du coup si je ne puis compter sur quelque secours. Mon imprimeur qui a une pleine confiance dans mon entreprise a bien voulu m’ouvrir un crédit, mais je n’en puis abuser plus longtemps.
Si mon journal meurt, je perds ma position et suis obligé de recourir de journaux en journaux pour quelques dessins à faire… (15)».
Voilà le quotidien du « petit » patron de presse étranglé par la censure et les difficultés commerciales, et qui risque à tout instant de devoir renouer avec le marais des caricaturistes !
Pour le dessinateur, le succès de cette publication et de sa série Fleurs, fruits et légumes de saison publiée tout au long de l’année 1871 (16), s’avère indéniable. En effet, à l’issue de ces deux années chaotiques qui voient la chute de Napoléon III, la proclamation de la République, l’occupation prussienne, la Commune de Paris et sa répression, mais également la formation d’un régime aux tendances fortement antirépublicaines, La Charge fusionne avec la célèbre Eclipse de Gill, ce qui est en soi une consécration. En outre, Alfred Le Petit signe dans la foulée un contrat d’exclusivité avec le journal Le Grelot pour quatre ans, qui sera renouvelé une fois (17) Le Grelot, fondé en 1871, d’abord hostile à la Commune, devient l’emblème même de la presse satirique républicaine de la période.
Dessinateur salarié et… soumis ?
Ce contrat implique de nouvelles difficultés pour le dessinateur « engagé », et pose le problème de son indépendance et celui de son implication politique. Il stipule qu’Alfred Le Petit fournira « chaque semaine un dessin dont le sujet sera indiqué ou agréé par moi » (c'est-à-dire J. Madre, directeur du Grelot). Un autre contrat plus tardif cette fois avec le journal La Revanche indique, lui, dans la marge, que les dessins « ne peuvent être contraires à l’idée républicaine (18)».
Le dessinateur obtient un revenu régulier, soit cinq cent francs mensuels, et échappe dorénavant aux contraintes administratives et financières qu’il subissait en tant que patron de presse. Mais il perd alors de son autonomie, car Alfred Le Petit s’engage également « à ne pas signer de [son] nom ni à faire connaître d’aucune façon la provenance du dessin [qu’il pourrait] donner aux journaux en concurrence avec Le Grelot ». Le caricaturiste gagne en stabilité, mais voit sa créativité réduite, voire même un certain frein à sa carrière.
Alfred Le Petit et J. Madre communiquent couramment par lettre. Le directeur du Grelot donne son avis sur tel ou tel dessin et oriente le travail de son collaborateur. Il critique par exemple une charge sur le suffrage universel « qui a le tort d’être toujours d’actualité et par conséquent de ne l’être jamais », pour lui demander de retravailler un autre sujet accepté par la censure (19). Quelques années plus tard, Madre écrit que « des quatre dessins (…) envoy[és], trois viennent trop tard et le seul qui aurait pu passer (…) est impossible » du fait d’un rebondissement dans l’actualité. Madre rajoute : « j’ai lu toute la journée les journaux pour pouvoir réussir à trouver une idée à moitié bonne… (20)». Une fois de plus, le dessinateur semble largement inféodé aux orientations de son commanditaire qui, parfois, devient même plus exigeant.
Ainsi en 1875 Madre explique à Alfred Le Petit que « depuis trois mois, notre vente a encore baissé de près de mille numéros et (…) l’existence du journal est compromise ». Il lui fait part des « plaintes du public », car le dessinateur fait « moins bien qu’il y a cinq ans tant au point de vue de l’idée qu’à celui de l’exécution », cette dernière étant de plus en plus « négligée ». Il le menace clairement de ne plus faire appel à ses services. Le directeur du Grelot s’explique l’affadissement du travail d’Alfred Le Petit par le fait qu’il vivrait « en dehors des journalistes et des artistes ». En signant son contrat, Alfred Le Petit ne pensait sans doute pas hériter d’un directeur de conscience paternaliste !
Le caricaturiste doit souvent répondre à des demandes précises, comme pour le Charivari qui lui impose la liste des célébrités à portraiturer (21). Parfois, le commanditaire réclame même d’être présent lors de l’exécution du dessin, pour en surveiller la réalisation (22) !
Tout cela relativise nettement l’analyse de la sensibilité politique d’un dessinateur au travers de sa production caricaturale quand il n’est pas son propre patron. Ses prises de position, comme on le voit, dépendent largement d’autres que lui-même, et sont déjà fortement influencées par le chiffre des ventes.
Alfred et la Commune
Lorsque Vallès tente d’expliquer la folie de Gill, il reproche à son ami son manque d’implication dans la Commune de Paris. Il s’indigne aussi de ses prises de distances vis à vis de cette révolution sociale massivement réprimée. En effet, dans un article au Figaro daté du 7 juin 1871, Gill déclarait avoir été contraint de rester à Paris « faute de laisser-passer, faute de ressources pour aller vivre ailleurs » et se défendait de toute « participation aux agissements de la Commune ». Il s’enorgueillissait d’avoir, avec les autres délégués à la Commission des artistes, pu « sauvegarder les collections d’art si heureusement échappées au désastre (23)». Bref, Gill fut communard malgré lui et les Versaillais pourraient le remercier pour sa vigilance et sa modération. Il ne sera d’ailleurs pas inquiété, contrairement à des milliers d’autres.
Quid d’Alfred Le Petit ? Jusqu’ici, les historiens considèrent le dessinateur comme hostile à la Commune de Paris. En effet, il illustre une série intitulée Les Hommes de la Commune, publiée après la semaine sanglante. Delescluze, Raoul Rigault, Vermorel, Vallès, Assi, Rochefort, Grousset, Ferré, Courbet notamment se voient portraiturés sous la forme d’un buste non caricatural en couleur. Mais les portraits n’exhalent aucune hostilité. Ils se veulent au contraire même flatteurs. Le texte de L. Ducrocq condamne globalement les agissements de la Commune, mais reconnaît la valeur et le courage de ces hommes, leur dévouement et donc leur grandeur.
Dessin d'Alfred Le Petit, Les Hommes de la Commune, 1871.
Aucun acharnement, aucune haine sous le stylet d’Alfred Le Petit, contrairement à Bertall ou Cham par exemple qui font preuve d’un profond mépris social à l’égard des insurgés. En fait, le directeur de La Charge a été particulièrement silencieux sur les événements qui ont entouré cette crise. Dans une série d’articles fort intéressants, Raymond Bachollet considère que seules trois planches publiées entre mars et mai sont des « concessions que fit Le Petit à la révolution qui bouleversait la capitale depuis le 18 mars (24)». Le dessinateur y attaque Napoléon III ainsi que les membres du gouvernement provisoire.
Il faut également mettre à l’actif du caricaturiste sa collaboration au journal communard La Montagne sous-titré « journal de la révolution sociale », pour lequel il a fourni de petits dessins dès le second numéro et ce, pendant tout le mois d’avril (25). Le Nain Jaune publie d’ailleurs en septembre 1872 un violent article où il se demande « comment il se fait que ce dessinateur, après avoir fait les beaux jours de la Montagne, après avoir dessiné des fédérés sonnant la charge, des clubistes à la tribune, coiffés du bonnet phrygien, les bras croisés dans l’attitude du défi, -soit devenu tout à coup le ténor du Grelot (26) ». L’auteur conclut ainsi sa diatribe venimeuse « Allez serrer la main de Pilotell, monsieur Alfred Le Petit ! Il s’ennuie loin de vous, car il vous aime bien ». Rappelons que Pilotell, réfugié à Londres, sera lui, condamné à mort par contumace deux ans plus tard.
Les lettres d’Alfred Le Petit ne vont pas de l’autre côté de la Manche. Elles s’arrêtent en Belgique où se cachent alors quelques-uns de ses amis en exil.
Assiette dessinée par Alfred Le Petit, série "Les Contemporains dans leur assiette", 1878.
Il n’est jamais facile de comprendre la sensibilité politique d’un dessinateur, pour lequel les témoignages clairs font défaut, d’autant plus dans une période
troublée où les bouleversements sociaux brouillent les camps. De toute évidence, Alfred Le Petit, comme Gill et Vallès, vomit l’Empire. Napoléon III représente sa cible favorite dans ses dessins
de La Charge, puis après elle au Grelot. Le caricaturiste qui ne s’enthousiasme pas pour la guerre vit très mal la défaite causée par l’incurie de l’Empereur. Il en appelle au
sursaut des français, qui ne doivent pas capituler face à l’ennemi prussien, et en cela, semble assez proche alors de Gambetta [fig. 7]. Mais notre homme, point idéologue, ne voit pas la
révolution venir. Une république radicale qui refuserait de capituler lui conviendrait parfaitement alors que la Commune met en cause plus profondément l’ordre social. Alfred Le Petit n’est ni
communard, ni Versaillais. Il ne s’enthousiasme pas pour la répression sanglante, et combat au travers de ses dessins pour une République qui sache se faire sociale, sans prendre le visage du
collectivisme, du cléricalisme, ou de l’opportunisme [fig. 8]. Sous Thiers et Mac-Mahon il flétrit abondamment la réaction dans ses charges au Grelot notamment. Cette
sensibilité radicale et nationaliste (27) (Alfred Le Petit n’oublie pas la « revanche » à prendre sur la Prusse), le mènera dans les années 1880 à se battre en duel contre un Italien
qu’il tue, à soutenir Boulanger et à flétrir la République des « affaires ». Celle des décorations, qui met en cause le Président de la République Grévy, puis celle de Panama. Jules
Ferry, véritable héros républicains à l’époque des lois laïques fait dorénavant figure, sous la plume d’Alfred Le Petit, de renégat républicain. Finalement, lors de l’affaire Dreyfus, notre
caricaturiste, sans épouser les idées du camp clérical, s’en prend, par nationalisme, au « traître » Dreyfus, dans des caricatures nettement
antisémites.
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Notes
(1) Bertrand TILLIER, A la Charge ! La Caricature dans tous ses états - 1789-2000 , Paris, L’Amateur, 2005, p.
65 et suiv.
(2) Le Réveil, 4 novembre 1881.
(3) Colonel GODCHOT (Simon), « Jules Vallès et André Gill », in L’Esprit français n°77, déc. 1932, p. 409-416.
(4) Voir Paul LIDSKY, Les écrivains contre la Commune, Ed. La Découverte, Paris, 1999 et Bertrand TILLIER, La
Commune de Paris : une révolution sans images ? Politique et représentation dans la France républicaine 1871-1914 , Seyssel, Champ Vallon, 2004.
(5) Jean MAITRON, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Paris, Ed. ouvrières,
1971, TVIII, 1864-1871 , p. 188.
(6) Archives de la Préfecture de Police de Paris, Ea 103 (15), feuillet daté « Paris, le 13 août 1879 », Cabinet, 1er
Bureau.
(7) La loi impose alors au caricaturiste de pouvoir exhiber l’autorisation écrite de celui qu’il charge sous peine d’amende.
(8) Lettre manuscrite de Jules Vallès à Alfred Le Petit datée du 4 avril 1870, collection J.-F. Le Petit.
(9) Feuillet manuscrit daté du 25 février 1884, Levallois-Perret. Collection J-F Le Petit.
(10) Il demande à ses parents de lui envoyer des jumelles, afin de pouvoir observer les détails des tableaux à reproduire situés en hauteur dans les
musées. Lettre manuscrite datée du 10 septembre 1861, Paris, collection J-F. Le Petit.
(11) André GILL, Vingt années de Paris, Paris, Marpon et Flammarion, 1883, p. 125.
(12) Voir Jacques LETHEVE, La vie quotidienne des artistes français au 19ième siècle, Hachette, 1968.
(13) Lettre manuscrite signée Gabriel Rembault, Amiens, le 5 février 1872. Collection J. F. Le Petit.
(14) Dessin signé Félicien Champsaur, mais probablement d’ALP. Les Contemporains n°32, 7 juillet 1881.
(15) Lettre manuscrite datée du 19 juillet 1870. Collection J-F. Le Petit.
(16) Voir l’étude de Bertrand TILLIER, Le potager républicain, Caricatures d’Alfred Le Petit, Musée de l’Histoire Vivante, Montreuil, sd.
(17) Contrat signé entre J. Madre et ALP, le 9 novembre 1871 et prolongé pour trois ans à partir du 1er novembre 1874. Collection J.-F. Le Petit.