Est-ce que « je suis Charlie » ?
Né au début des années 70, je n’ai pas eu la chance de vivre en direct la publication de la première série de Charlie Hebdo. C’est la volonté de découvrir ce qui me paraissait être un arrière-plan familier (et l’achat d’un lot d’anciens numéros dans un vide-grenier) qui m’a fait me plonger dans la lecture de cette première série, et d’y découvrir que mes impressions étaient fondées :
Sans être lecteurs de Charlie Hebdo, ne se revendiquant pas de la mouvance soixante-huitarde, mes parents m’ont quand même offert la chance de quitter la région parisienne pour la campagne dès ma troisième année.
Charlie Hebdo trainait régulièrement chez les copains et vers mes 11-12 ans, je quittais Tintin, Ric Hochet et Michel Vaillant pour le Grand Duduche, Catherine, Les Copines, Mon Papa, Gros dégueulasse, Dick Talon, le Sale Phallocrate,… ; l’An 01 de ma culture BD !
Vers 13-14 ans, une première grosse émotion : Les Ritals et Les Russkoffs. Je ne connaissais pas encore le Cavanna de Hara-kiri/Charlie Hebdo, ce qui fait qu’il m’a fallu un effort et du temps pour voir Cavanna comme un éditorialiste devenu écrivain et non l’inverse. Mon premier contact direct avec la presse satirique sera l’achat de La Grosse Bertha n°13 à la sortie d’un concert de Font & Val à Nogent-le-Rotrou au printemps 1991. Je me suis très vite abonné.
Spectateur assidu de Font & Val, lecteur de Cabu, Wolinski, Gébé, Willem,… je découvrais dans La Grosse Bertha, Charb, Tignous, Riss, Lefred-Thouron, Luz, Jiho, Kafka, Bernar… et Siné (!?).
La Grosse Bertha reste pour moi un des meilleurs journal satirique avec un mélange d’humour "bête et méchant" (pour reprendre une expression connue) avec Jean-Jacques Peroni, Patrick Font, le Charb d'alors, Fredo Manon-Troppo (Frédéric Pagès), Kleude,… et de l'humour plus intellectuel (dans le sens "pas que con") avec Philippe Val, Cabu, Wolinski, Arthur,… Lors de la scission de 1992, je suivis naturellement Cavanna, Philippe Val et Renaud au sein de Charlie Hebdo. A tel point que je suis vraiment passé à côté de revues comme Canicule, Zoo, Grodada, Pour Lire Pas Lu,.. que je n'ai découvertes que plus tard quand Val m'est devenu insupportable.
J'ai acheté le n°3 en juillet 1992 ; j'ai très vite commandé les deux premiers numéros et ai depuis, sauf à une courte période (on y reviendra) été toujours abonné.
1992 – 2000 : le compagnon de manifs
Bien qu'étant depuis ma plus tendre enfance naturellement écolo donc de gauche (on en discute ?), je n'ai rejoint le milieu des militants actifs qu'en devenant objecteur de conscience dans l'association départementale de protection de l'environnement en Touraine.
Après une candidature pour les municipales de 1995 sur une liste menée par les Verts, mais ouvertes aux citoyens militants et non encartés, nous avons continué à quelques-uns à nous intéresser à la politique municipale en créant l'association "Démocratie Ecologie Solidarité en Touraine" qui aboutira aux élections suivantes à initier une liste "Alternative Citoyenne" en dehors de tout parti politique. Pour l'histoire, ces élections municipales sur Tours en 1995 ont vu la défaite de Jean Royer, vieille connaissance de Charlie Hebdo. C'est avec cette association, ou à titre individuel, que j'ai eu l'occasion de participer à différents collectifs constitués sur des préoccupations particulières ou temporaires : Droit au Logement, aide aux sans-papiers, OGM, visite du Pape, meeting du Front National,…
Les éditos de Philippe Val, les chroniques économiques d'Oncle Bernard, le papier à lettre de Gébé, les diatribes de Siné et les idées simplement et fortement exprimées par le talent des dessinateurs m'ont permis pendant cette dizaine d'années de mettre des mots et des analyses sur des idées qui me semblaient naturelles et ont largement contribué à me forger mes argumentaires. Un sommet est atteint avec le supplément au n°53 (juin 1993) "Pour aller à gauche, c'est par où ?", avec un superbe dessin de Willem en 4e de couverture, parfaite allégorie de mon engagement à gauche. Charlie Hebdo représente pour moi pendant cette période le compagnon de manif idéal car toujours présent à mes côtés, toujours pertinent et pourvoyeur d'idée et surtout DRÔLE !
Janvier 1994
Première manif à Paris, 1 million de personnes et les dessins de Charlie omniprésents dans le cortège.Avec ma compagne, nous sommes restés une bonne partie de l'après-midi à côté de la camionnette de Charlie Hebdo à l'entrée du boulevard Voltaire, comme des gamins, heureux de croiser en vrai (si mes souvenirs sont bons) Cavanna, Siné, Val, Luz, Charb, Riss, Tignous, Langaney,… C'est, je crois, ma seule rencontre avec eux, mais j'avais déjà l'impression d'être avec des vieux potes (sans même oser aller discuter).Un grand souvenir, uniquement dans ma mémoire ; les portables n'existaient pas. Il y a un compte-rendu dans le n°82.Quelques années plus tard, lors d'une manifestation (d'étudiants, je crois), la vitrine de Charlie Hebdo, rue de Turbigo, sera victime de jets de projectiles (je n'ai pas retrouvé la date et les circonstances exactes).
Début 1995
Je revois encore la tête, avec un sourire impassible pour les caméras, de Balladur en visite à Tours, en pleine manif étudiante et qui avait pourtant cette une devant le nez, brandie par un copain.
Juin 1995
Début de la campagne de pétition pour l'interdiction du Front National.Pas une soirée à la maison ou chez les copains où le débat (et la pétition) ne viennent sur le tapis.J'avais même, été chargé, lors d'une soirée qui attendait une grosse centaine d'invités, d'organiser la collecte sélective de déchets et la signature de la pétition de Charlie-Hebdo !
Septembre 1996
Visite du Pape Jean-Paul II en France, et à Tours en particulier.
Là, j'en avais un peu voulu à mon journal favori et à Xavier Pasquini, qui relayait les infos militantes.
Le Pape visitait Reims et Tours. Le CCVPT (Collectif Contre la Venue du Pape à Tours) a organisé plusieurs actions tout au long de l'année et préparait une grande manif pour le week-end de sa visite. Or Charlie et Pasquini n'ont presque pas parlé des actions tourangelles, et, pire, se sont associés à une manif organisée à Paris le même jour. Je n'ai jamais compris pourquoi…
Février 1997
Ma compagne et ma fille avec les enfants d'un couple de réfugiés kosovars qui étouffaient un peu à quatre dans leur chambre d'hôtel…
A mon avis une des meilleures couvertures de Charlie Hebdo tous sujets et toutes périodes confondus.Sur ce sujet encore, le parallèle entre les priorités de Charlie Hebdo et nos engagements quotidiens est flagrant et encourageant.
Avril 1997
Un de mes plus grands regret ! Alors que nous habitions Strasbourg depuis 6 mois, nous avons été obligé de programmer notre déménagement quelques jours seulement avant ce rassemblement. Nous faisions nos cartons, alors que l'on voyait arriver nos copains militants de toute la France.
Je passe quelques années…
Juillet 2000
Un de mes meilleurs souvenir de militant, avec Charlie présent partout.
Descendu en car avec tout ce que la Touraine comptait d'anars, de gauchistes, d'écolos,… quel week-end réconfortant par le monde et l'intelligence qui se répandaient, et quelle douce soirée, allongée dans l'herbe avec Joël Favreau, Cabrel, Zebda, Noir Désir,… et les dessins des artistes de Charlie qui rajoutaient encore de la bonne humeur à tout cela, s'il en était besoin. Ce n'est pas impossible qu'il y ait un lien entre ce voyage et notre déménagement pour l'Ardèche deux ans plus tard…
Une curiosité quand même : Philippe Val que j'avais adoré, percutant de drôlerie et d'intelligence, sur scène avec Font avait adopté pour présenter la soirée le ton d'un Jean-Pierre Foucault obséquieux.
2001-2006 : on s'engueule même avec les meilleurs copains
J'ai peut-être vieilli… la trentaine… des enfants qui grandissent… Durant ces années, je lisais Charlie Hebdo de plus en plus en diagonale… jusqu'à me désabonner ! Je trouvais de moins en moins d'intérêt et d'originalité dans les articles des nouveaux rédacteurs. Je n'ai retrouvé le nom de certains qu'en refeuilletant les vieux numéros pour ce texte : Stéphane Bou, Alain Royer, Sylvie Coma (que j'aimais pourtant sur France Inter), Robert Misrahi, Philippe Cocurff (souvent dur à comprendre…), Anne-Sophie Mercier (excellente maintenant dans Le Canard Enchainé),… et plus tard Caroline Fourest. Le pire : la chronique "Journal d'un communiquant", absolument pas drôle mais surtout non signée (!). Quand j'ai su des années plus tard qui écrivait, je n'ai pas été surpris de la fadeur de la rubrique…
Antonio Fischetti est lié pour moi à une anecdote personnel. Il était venu faire un reportage sur une action devant la préfecture de l'Ardèche à laquelle je participais. Le récit qu'il en a fait dans Charlie ne correspondait pas du tout avec ce qui s'était réellement passé… J'en ai été très surpris, très déçu et ai depuis beaucoup de mal à lire ses articles sans un gros doute. Les dessinateurs, même eux, ont perdu petit à petit en virulence et en pertinence. J'ai noté par exemple 4 couvertures en 2 mois sur Loft Story au printemps 2001 ! Et il y en eu encore beaucoup plus sur la téléréalité. C'était peut-être un sujet de société, mais un sujet aussi important ? On assiste aussi au début du concours de caricatures de Sarkozy avec celles de Raffarin (il serait intéressant de compter le nombre de couvertures sur lesquelles l'un ou l'autre apparait à partir de 2001).
Je reprends les propos de Cavanna dans le film "Choron dernière" de Pierre Carles et Eric Martin (2009) : "Tu as des Tignous, des Charb, des Riss, des Luz,… qui sont plein de talent, plein d'audace aussi, qu'on sent rentrés. Ils rentrent les griffes…" et il ajoute "Tu enregistres là ?... Tant pis pour ma gueule."
Autre fait révélateur de la baisse de virulence voulue des dessins dans Charlie Hebdo : après l'accession de Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle en 2002, Luz auto-édite durant quelques mois un fanzine, Cambouis, en dehors de Charlie Hebdo. Ce fanzine, dont l'intégrale a été éditée par l'Association, est un petit bijou. Siné lui-même, dans la préface, dit y retrouver l'esprit et la virulence de L'Enragé.
Une une en particulier m'a particulièrement déçu. Pour la mort de Gébé : encore une caricature de Raffarin ! Pire, pour le numéro suivant : encore Loana et la téléréalité !
On est très loin du numéro spécial de Hara-Kiri pour le décès de Reiser en 1983 : "Reiser va mieux, il est allé au cimetière à pied". Cabu se rattrapera avec une très belle une pour la disparition de Cavanna.
Ceci dit, pour la mort de Choron, seul Cavanna écrira un texte en page 10 ! Mais pas un seul dessin ! Wolinski et Siné en parleront dans le numéro suivant. Et c'est tout pour un des plus importants créateurs de Hara-kiri et Charlie Hebdo.
Toujours dans le film Choron Dernière, Philippe Val assimile Choron à Dalida ! Philippe Val oublie pourtant que ses spectacles avec Patrick Font étaient très régulièrement annoncés dans le journal dirigé par Choron. Là, mon comptage est précis : 96 fois entre 1973 et 1981.
Le cas Philippe Val
En préambule je tiens à reprendre à mon compte le commentaire de Patrick Font à propos de Val : "S’agissant de relations amicales, j’ai une petite devise qui me plait bien : « Toute personne qui m’a donné cinq minutes de plaisir mérite mon éternelle reconnaissance »."
De plus, je ne serais surement jamais capable de classer dans mes ennemis un homme qui a écrit et composé des chansons comme Franciska ou Les Versets Érotiques.
C'est encore Cavanna qui dans Lune de Miel décrit le mieux ce qu'était devenus pour moi les éditos de Val : "[…] mièvres réflexions sans originalité sur des sujets politico-sociaux déjà éculés […]" Le positionnement de Val en faveur de l'intervention militaire au Kosovo en 1999, qui a été pour beaucoup de personnes un point de rupture, ne m'avait pas dérangé. Et puis d'autres dans Charlie exprimait un avis différent (Charb par exemple) ; un beau débat comme le journal savait le faire. Pour ne pas épiloguer plus sur le cas d'une seule personne, je ne citerais que les deux moments qui m'ont fait bondir.
Tout d'abord, le débat sur France Inter retranscrit dans Charlie Hebdo avec Jean-Marie Messier, alors PDG de Vivendi-Universal. Val avait dit quelques temps avant ne pas vouloir rentrer dans ce jeu médiatique, où alors comme le lui avait suggéré Jean-Luc Godard pour un débat de vingt-cinq heures. La goutte d'eau fut pour moi la suite de son édito dans le n°512 (avril 2002). Val y écrit : "Tout écrivain, tout acteur, tout créateur, tout journaliste qui va sur le plateau de [l'émission de Thierry Ardisson] est mort". Le samedi 23 octobre 2004, Philippe Val est bien présent dans cette émission. Le vase déborde. Le n°651 du 8 décembre 2004 sera le dernier que je recevrais par abonnement (… pour le moment !) et je décide de ne plus lire Charlie Hebdo.
Quand en avril 2005, Jean-Paul II meurt, je ne peux cependant pas m'empêcher d'acheter le numéro de Charlie que j'attends depuis 10 ans : le spécial "mort du Pape". Dans son édito, Val défend clairement le projet de constitution européenne soumis à referendum. Je ne vois plus l'intérêt de lire ce journal. Dans une interview accordée au magazine Causeur en mars 2015, Philippe Val évoque sa vision de Charlie Hebdo : " (…) [Mon] analyse était qu'il fallait un peu tordre l'ADN du titre pour le faire entrer dans l'époque. (…)". Mission accomplie !
2006 -2015 : comme un vieil ami, on ne se voit pas souvent, mais on est content de savoir qu'il existe
J'ai tenu un peu plus d'un an. Quand Philippe Val et l'équipe ont décidé de publier les caricatures danoises, j'ai bien entendu acheté le numéro.
Devant la pertinence des textes et surtout la bassesse et la nullité des attaques dont Charlie a fait l'objet à partir de ce moment, j'ai recommencé à l'acheter systématiquement et au vu des pliures dans ma pile de journaux, je pense que je me suis réabonné au n°983 d'avril 2011.
Acheter ne veut pas dire "lire attentivement"… Les éditos de Philippe Val me tombaient vraiment des mains ; je n'ai jamais accroché avec les textes de Caroline Fourest ; quel intérêt de publier Amélie Nothomb (été 2007), bonne écrivaine, mais qui ne manque pas de vitrine ; quel intérêt de lire les avis de Jean-Luc Hees ou des interviews des candidats à la présidentielles (2006 et 2011) que l'on entend déjà partout ; je pense que les articles d'enquêtes et de révélation sont beaucoup mieux faits dans le Canard Enchaîné (désolé pour Laurent Léger)….
En octobre 2007, Charlie Hebdo organise avec SOS Racisme et Libération un meeting contre les tests ADN. Sont invités à s'exprimer, entre autres, François Hollande, Bertrand Delanoë, Laurent Joffrin, Laurent Fabius, Isabelle Adjani, Serge Moati,… Que des personnes privées habituellement de parole !
Lors des rencontres de Strasbourg dix ans plus tôt, il y avait : Renaud, Guy Bedos, Daniel Mermet, Dominique Voynet, Les Têtes Raides,… Un autre style.
Tout dernièrement (août 2014), un numéro spécial "De Funès ; un génie français" a été édité. Comme je ne l'ai lu qu'en travers, je ne suis pas encore sûr que tout ne soit pas à prendre au cinquième degré. Je n'achète pas Charlie Hebdo pour lire une interview de Michel Drucker ou une rubrique de Mathieu Madénian qui intervient (intervenait ?) dans l'émission du même Drucker !
Autre énervement : en novembre 2014, Rémi Fraisse est tué par une grenade lors d'une manif contre le barrage de Sivens. La couverture du numéro de Charlie qui suit traite de… Nabilla, starlette de la téléréalité ! Et il y a dans ce numéro et le suivant beaucoup plus de dessins sur cette dernière qui sur le militant tué ! On est loin de Creys-Malville et Vital Michalon…
L'affaire Siné
A la lecture de ce qui précède, on devine surement vers quel camp j'ai pu pencher. Et comme beaucoup de choses (plus ou moins pertinentes) ont pu être écrites, je me contenterais de quelques remarques :
La justice a rendu son verdict : Siné n'est pas antisémite et a été licencié abusivement ;
Il paraît évident que Philippe Val ne supportait plus Siné et cherchait une occasion d'aller au conflit ;
Siné n'a pas dû être déranger autant que cela que le conflit éclate enfin ;
Le seul dont je n'ai pas compris l'attitude est Charb ;
Il faudra analyser un jour le rôle de Richard Malka, avocat de Claerstream et de Charlie Hebdo (!) ;
Il ne faut pas oublier que l'affaire est partie après une remarque de Claude Askolovitch, éditorialiste fumeux et sans aucun talent ;
Contrairement à ce qu'ils disent, les auteurs et dessinateurs de Siné Hebdo puis Siné Mensuel ne font, à mon avis pas un journal plus subversif ou corrosif que Charlie Hebdo.
Pour moi, Charlie Hebdo était devenu respectable, comme Libération, en un peu plus satirique, mais vraiment interchangeable. La preuve :
Charb annonçait dans le n°883 en mai 2009 la naissance d'un "Charlie 3" après le départ de Philippe Val. Je n'ai, malheureusement, pas bien vu de différence.
Alors pourquoi j'ai continué à acheter Charlie ?
D'abord pour les dessins. Charlie a toujours laissé beaucoup de place aux dessinateurs ;
Pour lire Cavanna et Willem ;
Pour lire Wolinski (Wolinski a toujours l'air léger dans ses planches ; il faut les relire avec 10 ans de recul pour en apprécier la saveur) ;
Pour Maurice et Patapon ;
Pour découvrir les textes de Zineb El Rhazoui, seule véritable révélation du journalisme de ces dernières années.
Et puis surtout, j'achetais Charlie pour soutenir son combat pour le droit de caricaturer tout et n'importe quoi et en particulier les religions. Facile à dire "après" ?
Je m'étais permis en novembre 2012 ce pied de nez dans un petit fanzine (sans talent mais sincère) que j'envoie à mes amis :
J'écrivais en intro :
"Charlie Hebdo n'est plus, ni drôle, ni subversif depuis bien longtemps.
En publiant des caricatures pas drôles de Mahomet, c'est évident qu'il visait un bon coup de projecteur.
Ceci dit :
Il n'y a pas de mal à se faire du bien ;
Toute attaque contre une religion est bonne à prendre ;
Quel autre journal que Charlie Hebdo est réputé depuis 30 ans pour ses blasphèmes salutaires (pléonasme!) ;
Les responsables du scandale ne sont-ils pas ceux qui se sont sentis visés par un mauvais dessin ?"
Je rajouterais aujourd'hui : Charlie s'est toujours moqué de la religion dominante ; l'Islam est aujourd'hui la religion la plus en vue ; Charlie est dans son rôle en attaquant l'Islam. Point.
Il est surprenant de noter qu'aucun article depuis les assassinats de janvier n'a mentionné l'agression dont avait été victime Philippe Val en 1995. Il s'était fait casser la figure par des intégristes catholiques en sortant d'une émission de Dechavanne (compte-rendu dans le n°173 d'octobre 1995).
Si cela n'est bien sûr pas comparable avec la gravité des événements récents, c'était bien la première fois qu'une atteinte physique a eu lieu au nom de la religion envers Charlie Hebdo. Accuser Philippe Val d'opportuniste et/ou d'islamophobe obsédé est, de mon point vu, inapproprié au vu de son constant combat contre tous les intégrismes.
Avant de conclure
En publiant la planche de Luz "Eros & Thanatos" dans la n°1179 de février 2015, Charlie renoue avec ces angles complétement inattendus. Des points de vue ou des analyses très personnels, très subjectives, mais assumés comme tel. Le lecteur prend ou ne prend pas, comprend ou ne comprend pas, apprécie ou n'apprécie pas mais cela donne une véritable impression de connivence (et de confiance) avec le lecteur qui est vraiment pris pour un adulte intelligent.
Parmi ces incongruités, me reviennent, en vrac :
La double page de Barbe dans le n°100 (mai 1994) ;
Les compte-rendus de voyages, en particulier Val, Renaud et Luz en Bosnie, Wolinski et Olivier Cyran au Chipas ou Wolinski à Cuba ;
La rencontre avec une amie de Audry Maupin et Florence Rey, "les anarchistes-nihilistes" dans le n°120 (octobre 1994) ;
La campagne pour "l'adoption" d'intellectuels algériens menacés de mort durant la guerre civile ;
Les hors-séries de Riss sur les procès de Touvier et Papon ;
Le projet "Charlie Télé" et la candidature à l'attribution du réseau de l'ex-cinquième chaine ;
"Dans les jardins de l'Elysée", pièce en alexandrin écrite par Charb et Val en 2002 ;
"Tours : brèves de trottoir", double page centrale en août 2002, un reportage sur les SDF, dessins de Mougey, avec la surprise de trouver des textes d'une amie (Jacqueline) chez qui j'avais habité pendant quelques mois ;
Etc…
Conclusion
Je ne l'invente pas : le 7 janvier 2015 à 11h30, je lisais "Reviens Voltaire, ils sont devenus fous" le livre paru en 2008 dans lequel Philippe Val raconte la publication des caricatures de Mahomet et les premières menaces sérieuses sur Charlie Hebdo. Ce sont les sms des amis qui m'ont appris l'horreur. Dans tous les dessins parus, celui qui, pour moi, décrit le mieux la situation a été publié sur le site de l'Association. On le doit à Jochen Gerner.
Je n'ai pas pu aller travailler le vendredi 9…
Je pense avoir lu pas loin de 90 % des articles parus sur ce drame. Mais les seuls qui m'ont vraiment permis d'avancer dans le brouillard et le brouhaha ambiant sont ceux de Riss, Gérard Biard et l'interview de Gérard Bonnet et Malek Chebel parus dans le n°1179 du 25 février.
J'aurais pu citer beaucoup plus d'auteurs et de dessinateurs qui m'ont fait rire ou m'ont énervé, mais en tout cas rendu un peu moins con.
Pourvu que vive Charlie Hebdo !
Petite bibliographie très subjective
Charlie Hebdo saute sur Toulon, 1995, Plein Sud, Soleil, Charlie hebdo (Pour l'actualité)
Bête, méchant et hebdomadaire, une histoire de Charlie Hebdo (1969-1982), Stéphane Mazurier, 2009, Buchet-Chastel (Toute l'histoire du premier Charlie hebdo)
Lune de miel, François Cavanna, 2010, Gallimard (L'avis du fondateur sur l'évolution du journal)
Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous, Philippe Val, 2008, Grasset (Comment Val a vécu l'affaire des caricatures)
Même pas drôle, Philippe Val de Charlie Hebdo à Sarkozy, Sébastien Fontenelle, 2010, Libertalia
A voir : www.harakiri-choron.com (pour ceux qui ne voient le Professeur Choron que comme un provocateur et non comme un artiste à part entière…)
Cyril Bosc, avril 2015
Marchand de matériaux écologiques
Amateur et collectionneur de presse satirique
Cotisant à la Sécurité Sociale