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Vice-président de la Feco France, confirmes-tu la démission du dessinateur français Bernard Bouton de son poste à la Feco International ?
Oui, Bernard Bouton a démissionné une demi-heure après l'envoi du communiqué de FECO France à toutes les FECO
Qu'est-ce que la Feco France reprochait précisément à Bernard Bouton ?
Nous avons été obligé de nous désolidariser des choix de Bernard Bouton. Le concours Holocaust Contest 2015 de House of Cartoon of Iran, auquel il a participé, était directement orienté politiquement contre les rassemblements qui ont suivis les attaques terroristes de Janvier à Paris et ce en ciblant de l'Holocauste. Comme le concours Holocaust Contest de 2006 l'était contre les caricatures danoises. Pour les dessinateurs français, c'est inadmissible, on a trop souffert de la perte des meilleurs d'entre nous.
House of Cartoon est une officine du gouvernement Iranien, elle organise des concours contre les ennemis du gouvernement théocratique, ennemis qu'il veut anéantir : les dessinateurs de Charlie, les juifs, la démocratie, le liberté d'expression... et Daech. Personne ne les blâmera de cibler Daech, sauf que ce sont des sunnites donc leurs ennemis. J'ai fait beaucoup de dessins contre Daech et Boko Haram, ils sont parus dans "Jeune Afrique" et c'est ma fierté, ils sont vus dans toute l'Afrique. Mais il ne me viendrait jamais à l'idée de les envoyer à ces bandits d'ayatollahs. Le gouvernement d'Iran a le droit d'organiser des concours douteux et pourris mais on a le droit de ne pas y participer, surtout si on a la charge de représenter les dessinateurs de tous les pays. Jean-Marie Bertin a donné sa démission de trésorier général se désolidarisant de la direction internationale. Bernard Bouton a voulu se justifier, il l'a fait maladroitement, s'est obstiné, il a du démissionner.
On attend maintenant la décision de Peter Niewendijk, le secrétaire général, au début il était très en colère contre Bouton et puis ensuite il l'a un peu défendu. Il est urgent de désigner démocratiquement un nouveau président général et de repartir lavé de tout soupçon.
Quelle est l'histoire de la Feco et à quoi sert cette association ? Quels sont les liens et les divergences éventuelles entre la Feco International et la Feco France ?
La Feco (Federation of Cartoonists Organizations) est une association de cartoonists international, il y a des FECO dans le monde entier en Turquie, en Israël, en Bulgarie, en Roumanie, en Croatie, au Portugal, en Macédoine, en Serbie, en Espagne, en Hollande, en Allemagne, en Égypte, au Mexique, en Argentine, aux USA, en Indonésie, au Japon… et en Iran.
Les liens entre la FECO Internationale et FECO France ont toujours été excellents, nos assemblées générales étaient suivies par le bureau international. FECO France est la plus importante section de la FECO. Notre web-magazine Fécocorico est apprécié par tous à l'intérieur et à l'extérieur de la FECO. Les actions de FECO France en soutien à Doaa Eladl, Mahmoud Sabanneh, Akram Raslan, Jabeur Mejri ont été saluées par tous. Nous allons recevoir en septembre le Premio Satira Politica à Forte dei Marmi en Italie pour notre action. Nous avons écrit récemment à la Ministre de la Culture pour lui proposer et aussi pour qu'elle trouve des solutions pour la promotion du dessin de presse.
Nos adhérents ont des profils différents, des professionnels aguerris, des amateurs passionnés et éclairés, des jeunes dessinateurs qui ont un deuxième métier, vue la conjoncture, ils sont infographes, enseignants, illustrateurs mais ils tombent un dessin par jour qu'ils placent dans des journaux régionaux ou locaux ou sur le web.
FECO France est aussi FECO francophone, nous avons des Belges, des Italiens, des Algériens, un Québécois, un Luxembourgeois… et une Tunisienne.
Notre site est très visité, nous y communiquons des renseignements sur les tarifs, les droits d'auteurs, les droits des pigistes, les adresses utiles, les livres, les concours, les expos et les festivals et salons, c'est aussi une vitrine où chaque dessinateur gère lui-même sa page.
Notre carte d'adhérent donne l'entrée gratuite dans les musées. Le tout sous l'œil bienveillant et ébaubi de la direction générale, jusqu'à la stupidité de cette participation du directeur général à ce concours infâme. Tous les membres de FECO France avaient des liens étroits ou de la considération pour Tignous et Cabu, qui étaient souvent parmi nous dans les festivals, Charb, Honoré et Wolinski. Un concours en réaction contre la tristesse et la rage qu'ils ont tous eu, ça passe mal, c'est incongru.
La Feco est-elle comparable à Cartooning for Peace ?
Non pas du tout, Cartooning for Peace fédère les meilleurs de chaque pays et fait des expositions prestigieuses. Certains membres de FECO France sont aussi membres de Cartooning : Rousso, Battì, Nadia Khari, Brito et moi-même, ça n'est pas incompatible.
La Feco International soutenait Bernard Bouton dans sa démarche. Quelle a été la position de la Feco International vis-à-vis des attentats de janvier en France. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Bernard Bouton n'en parle jamais, mon argumentation sur le fait que ce concours est une réaction à l'émotion provoquée par les attaques terroristes de janvier, il ne la relève pas. Dans l'entretien qu'il a eu, dernièrement, avec toi, il n'en parle pas, botte en touche. Étonnant, pour un dessinateur français. Tous les autres sont encore traumatisés. Dans les dernières rencontres de dessinateurs où je suis allé, les gorges se nouent, les yeux perlent et se détournent devant les photos de nos "héros".
En dehors des concours organisés par l'Iran, déconseillerais tu aux dessinateurs de participer à d'autres concours dans le monde et si oui, lesquels ?
Moi, je ne fais pas souvent des concours. Je n'ai pas de conseils à donner, mais on voit bien que certains pays organisent des concours de dessin de presse pour servir leur politique alors qu'ils musellent leurs dessinateurs locaux. L'Iran qui emprisonne pour 12 ans Atena Farghadani pour un dessin anodin, comme on en voit des centaines dans ton livre "Bête de pouvoir".
L'Iran qui force à l'exil politique nos collègues Kianoush Ramenazi, Mana Neyestani et Shahrokh Heidari n'est pas un client sérieux. C'est d'ailleurs le premier mot que j'ai écrit à Bouton : Je ne connais pas l'Iran, je n'y suis jamais allé, ce que j'en sais, je le sais par la presse et les rencontres que j'ai faites avec des cartoonistes iraniens. Si j'avais eu envie de participer à un concours organisé par ce pays, la première chose que j'aurais faite c'est de demander des renseignements à des dessinateurs comme Kianoush et Mana qui connaissent bien leur pays et les organisateurs de ces concours.
Itw de Pierre Ballouhey réalisée par Guillaume Doizy