L’occupation de l’espace public par la satire graphique
Dans son livre L’Esthétique des villes, de 1908, Émile Magne écrit : « Une rue, si belle soit-elle, ne manifeste pas d’existence par la seule vertu de son architecture. Organisme inerte, elle a besoin d’être habitée et parcourue pour acquérir une âme. Dès lors, reflet d’humanité, elle adopte, dans la collectivité urbaine, l’attitude que lui communiquent ses habitants et passants »1. Dans sa perception, donc, les personnes, leurs objets et leurs pratiques culturelles sont la véritable âme de la rue. Cette idée revient un siècle plus tard, en 2010, dans l’article Street Art, Sweet Art ? Reclaiming the « Public » in Public Place, où l’on peut lire : « The city is not only made up of people, of buildings, but of relationships between people and buildings, between people and walls, between the eyes of the people and our poetry »2. Le premier texte fait référence aux activités commerciales qui font que les hommes se croisent dans l’espace public, alors que le deuxième traite spécifiquement du street art comme forme d’expression artistique.
Ces deux situations ont comme point commun ce que Luca Visconti et alii ont appelé l’inévitabilité de l’espace public, c’est-à-dire, le fait que nous ne pouvons pas nous dévier des images qui nous y sont proposées. C’est précisément la quête d’un plus large public qui fait, dans les années 1960, que l’art quitte les galeries pour gagner les rues. Si l’art urbain est à l’origine de nos questionnements sur l’occupation de l’espace public par la satire graphique, nous aimerions proposer un élargissement temporel et thématique qui apporte plus de profondeur historique à cette réflexion. Ainsi, nous avons identifié trois thématiques dans lesquelles les auteurs pourraient s’engager, ce qui n’empêche en rien que ces aspects se confondent au sein d’un même article :
1. La rue, support physique à la production satirique
Nous nous intéressons ici à la rue en tant que support physique à la satire graphique et donc du point de vue de la production. Ses murs, ses pavés, ses postes d’illumination, ses bancs deviennent des lieux d’expression satirique, comme c’est le cas du street art ou de manifestations à caractère plus officiel, tels les œuvres d’art sur la quatrième colonne de Trafalgar Square, les espaces publicitaires (affiches, colonne Morris), les vitrines ou les kiosques à journaux.
2. Satiriser dans la rue : création et rassemblement
Dans un registre où l’éphémère se fait encore plus sentir, la rue s’ouvre aux manifestations et à leurs pancartes. Luca Visconti et alii proposent le remplacement du mot space pour celui de place, dont le sens en français (le mot place) se résume bien dans le mot « space » tel qu’utilisé par Visconti et alii. La place est ici lieu par excellence du rassemblement et, donc, occupée par une population qui lui attribue un sens. Pensons autant au carnaval de Rio de Janeiro, dès le XIXe siècle, qu’au Printemps érable québécois en 2012, les deux ayant produit grand nombre d’images satiriques.
3. Lieu de passage vers un patrimoine satirique
En inversant légèrement la logique, nous nous intéressons au regard des spectateurs passants et de la réception : comprendre la rue comme un lieu de passage où, pendant nos trajets, notre regard est attiré malgré nous vers de nombreuses images satiriques, créant donc de nouvelles formes de consommation des images satiriques ou d’humour. Quelles relations entretiennent alors les habitants urbains avec ces manifestations visuelles ? Encore pouvons-nous réfléchir à ces innombrables surfaces couvertes d’interventions graphiques non-autorisées, furtives et éphémères et qui peuvent éventuellement être reconstituées en tant que traces documentées, peu ou prou, dans une archive (matérielle ou non, parfois bien involontaire et souvent tout aussi chancelante).
Les propositions de contribution de 3 000 signes maximum, suivies d’une courte notice biographique sont à envoyer avant le 30 juin 2016 à Dominic Hardy (hardy.dominic@uqam.ca) et Aline dell’Orto (aline-dellorto@live.com). La liste des propositions retenues sera communiquée mi-septembre, la remise des articles est fixée au 15 février 2017.
1 Émile MAGNE, L’Esthétique des villes, Paris, Infolio Éditions, 2012 [1908]. p. 69.
2 Luca M. VISCONTI; John F. SHERRY; Stefania BORGHINI; Laurel ANDERSON, que n pouvons pas nous dévier de kiosques de jounal en sont algru XIXe sit et qui donc pcularmente o Rio de Janeiro, no da obra « Sreet Art, Sweet Art? Reclaiming the “Public” in Public Place », Journal of Consumer Research, vol. 37, Octobre 2010. p. 520. Traduction : « La ville n’est pas faite exclusivement de personnes, de bâtiments, mais de relations entre personnes et bâtiments, entre personnes et murs, entre les yeux des personnes et notre poésie. »
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