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Le Musée Ianchelevici de La Louvière en Belgique t’a demandé de concevoir une expo de dessin de presse : pourquoi avoir choisi de réunir Willem et Vuillemin ?
- Après le massacre des dessinateurs en janvier 2015, le musée tenait à rendre hommage au dessin de presse, aux dessinateurs et à la liberté d'expression en général. Puisque j'avais une totale carte blanche, autant prendre les meilleurs ! Pour moi, il n'y a pas photo, ce sont de loin les meilleurs dans le domaine. Imagine un peu ma fierté de les réunir...
L'expo s'articule autour des liens d'amitié des deux dessinateurs et de leur admiration artistique réciproque. En les rencontrant, on s'est rapidement rendu compte à quel point c'était aussi pour eux un grand plaisir de les rassembler dans une même expo. Le plaisir a été le dénominateur commun du début à la fin. Pour nous, pour eux, et j'espère pour le public. Dans l'expo, la volonté a été de célébrer toutes ces années de travail par ce prisme-là. Fallait voir comme ils se marraient en revoyant leurs dessins ...
Ils sont très différents dans leur humour et leur style, c’est leur goût de la provocation qui les rapproche ?
- Pas seulement. Pour avoir eu la chance de les côtoyer quelques fois, je m'autorise à penser que ce sont avant tout deux gamins qui ne pensent qu'à se marrer. Évidemment, ils sont extrêmement doués. Évidemment, ils n'ont plus rien à prouver. Évidemment, ils représentent à eux deux tout ce que la liberté d'expression et la provocation ont encore comme sens de nos jours. Willem et Vuillemin ne traitent pas forcément les mêmes sujets, mais ont surtout en commun de vouloir se moquer du pire, de l'atroce, de l'horreur quotidienne de notre société dégueulasse. Willem est un enragé, mais il gueule avec le sourire et la bonhommie du gamin qui sonne aux portes et part en courant se cacher pour observer. Philippe Vuillemin ne prend rien au sérieux et emmerde tous les donneurs de leçon. En puis, ils ont cet humour décapant que j'adore, cet humour catharsis qui nous garde d'être totalement misanthrope (deux mots qui me feront gagner au Scrabble).
Ce sont des modèles pour toi ?
- Évidemment !!! Comment ça ne pourrait pas l'être ? Derrière les énormes artistes qu'ils sont, j'ai en plus découvert des hommes simples et généreux, loin des mondanités et des conneries qui en découlent. Alors oui, je me dis que si je devais prendre pour modèle quelqu'un, ce serait eux.
L’Echo des Savanes publie de plus en plus régulièrement tes dessins, notamment en couverture. Où en es-tu de ta « carrière » de dessinateur de presse ?
- D'abord, j'ai envie de préciser que j'ai la chance d'avoir un boulot de graphiste à mi-temps depuis 15 ans, une sécurité qui m'a toujours donné la liberté de choisir avec qui je veux bosser en dehors. Il ne se passe pas un jour sans que j'en sois conscient et réalise ce "privilège". Je déteste le mot "carrière", je préfère dire que je fais ce que je veux.
Bref, je viens de sortir un nouveau recueil de dessins qui s'appelle "L'arrière-cour des Miracles", des dessins publiés dans diverses revues dont l’Écho des savanes. Par ailleurs, je publie toujours autant chez Zélium avec qui j'ai un rapport d'amitié depuis toujours. On va dire que je fais partie des "anciens" du journal... En Belgique, ça fait plus de 10 ans que je dessine à la Nouvelle Gazette (un journal régional) et pour le Batia Mourt Sou, le bébé satirique de Serge Poliart. Pour être complet, je dessine aussi pour les Echos de Picardie, Que choisir (depuis peu) et depuis 6 mois en direct à la télé belge le dimanche matin tous les 15 jours ! Juste avant la messe !!!! Quel pied ! (héhé)
En France, depuis que j'ai arrêté de dessiner pour Siné, c'est donc l'Echo des savanes qui me fait travailler le plus. J'ai bien eu quelques dessins chez Fluide Glacial dans les pages de la gazette, mais depuis que Frémion a été viré, Ian Lindingre ne m'en prend plus. Revenons à l'Echo, Je ne sais toujours pas pour quelle raison, mais Claude Maggiori (directeur des Savanes) m'a proposé de m'essayer à la BD alors que je n'en avais plus fait depuis au moins 10 ans. A croire qu'il aime bien ce que je fais, il m'en publie régulièrement depuis plus d'un un an dans son magazine. Et, pour ne rien cacher, il m'a carrément demandé de reprendre "les sales blagues de l'écho".
Jamais je n'aurais pensé à ça !!! Un héritage bien trop lourd pour moi...
Pour la petite histoire, coïncidence, c'était l'époque où j'entrais en contact avec Vuillemin pour l'expo du musée et j'ai fini par lui en parler. J'avais presque honte. En effet, après tant d'années à les dessiner, Philippe Vuillemin se retire doucement du machin. D'emblée, il m'a enlevé les quelques doutes qui me restaient et m'a dit de foncer sans réfléchir. "Qu'est-ce t'en as à foutre de ce qu'on va dire ? J'ai bien repris le truc après Reiser et Coluche moi !"
Bref, j'ai plus de 40 planches terminées et on parle d'un album en 2017... Je suppose que mes dessins en couverture du journal expliquent un peu cela. Reste à trouver un autre titre que les sales blagues ! (sic)
Quel doit être le rôle du dessinateur de presse selon toi ?
- Je pense qu'on a d'abord un rôle de bouffon qui, au milieu de désastre quotidien de l'actu, apporte un peu d'oxygène. Rire, sourire, se marrer quand tout nous donnerait plutôt envie de chialer. Ensuite, je reste persuadé qu'un bon dessin peut parfois un peu faire bouger les lignes, changer quelques avis, donner un autre axe de réflexion... Mais je reste perplexe car, soyons honnête, combien de "bons" dessins de presse y arrivent ? beuh... Restons modestes, si on arrache un peu de sourire, c'est déjà pas mal.
L’expo Willem-Vuillemin est amenée à circuler ?
- De l'avis même des dessinateurs concernés, ce serait vraiment dommage de ne pas y parvenir. Je pense qu'elle mériterait d'être vue par le plus grand nombre. C'est réellement une très chouette expo ! On se penche déjà sur chacune des possibilités qui se présenteront et, grâce à leurs contacts dans le milieu, j'espère qu'on y arrivera !
Propos de Philippe Decressac recueillis par Guillaume Doizy
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Musée Ianchelevici & Espace d'art contemporain - Site de lalouviere
Aménagé dans l'ancien Palais de Justice de La Louvière, au coeur de la ville, non loin des différents commerçes, le musée Ianchelevici affiche une double vocation. Au rez-de-chaussée, il pr...