Dessin de Mix et Remix

Sur son blog, en plus d'informer les internautes (ce qui est très bien), François Forcadell s'adonne parfois à son jeu préféré : distribuer les bons et mauvais points en se prenant pour le gendarme du dessin de presse. Rompez !
C'est qu'il a ses têtes et même ses obsessions, le bonhomme : Val le démon, la dessinatrice Louison, les tensions à Charlie Hebdo,... et maintenant Bernard Bouton, présenté comme "l'invité sulfureux de la Bnf". "SULFUREUX", on se croirait dans la presse à scandales. François Forcadell a certainement déjoué un complot international, en dénonçant l'intervention le 22 mars du dessinateur Bernard Bouton à une journée d'étude organisée à la BNF avec l'Eiris, l’Équipe Interdisciplinaire de Recherche sur l'Image Satirique. Le Sherlock Holmes Forcadell a mené l'enquête et nous livre maintenant une fiche complète sur Bernard Bouton qui s'est indéniablement compromis en participant à plusieurs concours organisés par l'Iran, dont l'un portait un titre sans ambiguïté : "The Holocaust International Cartoon Contest- 2015".
La question pourrait être : "est-il judicieux ou non d'inviter un tel dessinateur à la BNF". François Forcadell plaide pour la censure. On est si bien dans l'entre soi. L'auteur de ces lignes s'interroge. S'il faut censurer Bernard Bouton, ne faut-il pas censurer Vuillemin, condamné (à tort d'après nous) pour antisémitisme, mais condamné quand même ? Heureusement pour nous, la BNF l'a invité. S'il faut censurer Bernard Bouton et Vuillemin, ne faut-il pas censurer Plantu, invité d'honneur d'une belle exposition actuellement ? Plantu n'a-t-il pas défendu la liberté de Dieudonné de faire ses spectacles, au moment où le gouvernement Valls a réussi à les faire interdire ? Fallait-il demander la démission de Plantu du Monde pour son « soutien » à Dieudonné ? Et que la Bnf renonce à exposer Plantu ? Eh bien non, et tant mieux. Le monde est pluriel Monsieur Forcadell. Allez vous demander à la BNF de détruire de ses collections les journaux comportant des caricatures de l’ignoble Ralph Soupault ? Des antidreyfusards Forain et Caran d’Ache ? La liste serait longue hélas.

En tous cas, si la BNF raisonnait comme François Forcadell, elle n'aurait invité ni Vuillemin, ni Plantu...

Ce qui est étonnant dans cette journée d'étude qui se tient à quelque jour du vernissage de l'exposition Plantu, c'est ce télescopage autour de l'antisémitisme. La question est sensible, le débat mérite d'être mené. Le débat, pas la censure. Personne n'oblige Forcadell à aller écouter Bernard Bouton. Tout comme personne n'oblige un croyant "outré" à acheter Charlie Hebdo.

Qu'est-ce que la liberté d'expression ? Jusqu'où doit on se montrer tolérant envers nos adversaires ? Voilà une belle question démocratique à laquelle François Forcadell répond fermement : INTERDICTION ! Mais interdiction sélective. Bouter Plantu hors de la BNF paraît bien difficile, chatouiller l’ami Vuillemin, inopportun. Reste Bouton (et Val, et Louison, et...)... Alors là, c’est du bon client. François Forcadell n’a pas d’état d’âme à se transformer en Ayatollah du dessin de presse. Mais un Ayatollah plus ou moins complaisant, plus ou moins radical, plus ou moins heurté dans son sens moral. Un Ayatollah qui ne rate pas une occasion de pester contre la censure subie par les dessinateurs et contre les empiètement de la liberté d’expression. Sauf quand le censeur s'appelle Sherlock Holmes.
Comprenne qui voudra.

Guillaume Doizy

Tag(s) : #Point de vue
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