Naguère Les Guignols de l'Info et les palettes graphiques des dessinateurs invités dans l'émission de Michel Polac Droit de Réponse, offraient un bouquet d'actualités, de politiciens et de caricatures animées ; toutefois, les marionnettes et les caricatures étaient filmées, elles n'étaient pas créés directement sur la pellicule, n'étaient pas travaillées pleine pâte.
Jadis, il y a presque un siècle, un opérateur farce qui filmait pour les actualités Pathé s'est amusé à déformer la tête des hommes politiques qui discouraient en jouant avec la mise au point de son objectif. Ainsi si quelqu'un mettait le nez dans les affaires des autres, son nez s'allongeait, si un homme avait "la grosse tête", le traitement subi est facilement devinable. Le geste était joint à la parole.
L'anecdote est rapportée en 1922 dans "The Seatle Star". La British and American Pathé News fut crée en 1910, il est donc probable mais non certain que cette initiative soit américaine. Rappelons que la FoxMovietone n'a filmé avec son et image simultanés qu'en 1927. Il existait cependant en 1922 différents systèmes reliés à un phonographe, pas toujours bien synchronisés (1). Après tout, même si le spectateur n'entendait pas le son, l'opérateur lui l'entendait et le traduisait visuellement.
Les lecteurs les moins chenus ont peut-être une idée floue des actualités cinématographiques projetées dans les salles de cinéma (2). Pendant plusieurs minutes l'actualité mondiale défilait sur l'écran avec un commentaire en voix off. Le Journal télévisé et la multiplication des récepteurs étouffa petit à petit les actualités filmées; elles lâchèrent définitivement prise en 1981.
Le rédacteur de l'article conclut en écrivant que cette nouvelle technique de satire sur écran est une vraie caricature cinématographique, promise à un bel avenir. Les moyens de réaliser cette prophétie existent : nos journaux télévisés pourraient embaucher des Jean-Christophe Averty, fins bidouilleurs es électronique, pour joyeusement raboter les langues de bois et colorer la grisaille d'une actualité qui se choisit anxiogène. Cabu approuverait, lui qui rêvait d'un Journal Télévisé se terminant par des dessins (3), mais Edouard Herriot n'aurait-il pas alors lancé ses pantoufles sur le récepteur ? En effet, comme le rapporte Gaston Bergery, « Qui n'a pas vu, le matin, Herriot dans son lit, en chemise de nuit bordée de rouge, et fendue sur les côtés, prendre connaissance de la presse du matin, s'exaspérer sur les caricatures de sa personne et, finalement, projeter les journaux sur la descente de lit et les piétiner de ses gros pieds nus, ne connaît rien des joies profondes de la vie" (4). Rappelons que l'information évoquant ces caricatures cinématographies est parue dans l'Etat de Washington en 1922, et précisons, le premier avril ; un hasard ?
Notes
1-Le Vitaphone par exemple.
2-Dans l'ancienne Gare Montparnasse, une salle, donnant sur le Boulevard du même nom, montrait en continu un programme composé uniquement d'actualités filmées et de dessins animés.
En France, dans les années 50 une séance de cinéma vous offrait un documentaire plus ou moins apprécié, suivi par les actualités filmées de la semaine puis, dans le meilleur des cas, un dessin animé ; venait ensuite l'entracte : bonbons, caramels, esquimaux, chocolat étaient proposés dans le grand panier rectangulaire suspendu au cou de l'ouvreuse, la même ouvreuse qui vous guidait avec sa lampe de poche jusqu'à votre fauteuil lorsque la séance était commencée. A Paris beaucoup de cinémas étaient permanents : vous pouviez, avec un seul ticket, entrer au milieu d'un film vers 15 heures et sortir de la salle à minuit.
3-Cabu, une vie de dessinateur par Jean-Luc Porquet. page 245.Gallimard 2018
4- Tixier Vignancour Des Républiques des justices et des hommes. Mémoires. Albin Michel. 1976 pages 68-69
Sources
-souvenirs personnels
-différents sites internet pour l'histoire des actualités cinématographiques filmées
- le site inépuisé de la Library of Congress. Chronicling America. Historical American Newspapers.