Lu sur le site du journal La Tribune :

Serge Chapleau a l’habitude de voir ses caricatures vivre sur papier glacé. Depuis 27 automnes maintenant, L’année Chapleau qu’il publie regroupe un florilège de ses meilleurs dessins. Il a coutume, donc, de feuilleter un livre où brillent ses idées et son coup de crayon. Mais cette fois, c’est autre chose. Le recueil Depuis mes débuts illustre tout le parcours du caricaturiste de La Presse. En résumé, c’est près de 50 ans de carrière que le bouquin retrace; cinq décennies pendant lesquelles l’artiste montréalais a traqué les travers de l’actualité. Politiciens, artistes, sportifs et autres acteurs de la scène publique ont tremblé sous le plomb de sa mine impitoyable.  

« C’est particulier, ça me ramène jusqu’à l’époque de ma jeunesse, où je cherchais encore ma voie. On évoque mon passage à Perspectives et au Devoir, on couvre aussi la période de Laflaque qui a duré 15 ans à la télé de Radio-Canada. »

« Tous mes dessins sont entreposés au Musée McCord. On parle d’environ 7000 caricatures… L’expo devait initialement débuter le 15 avril, mais comme on était en pleine pandémie, on a décalé. Toute l’exposition est dans le livre. Le papier qu’on a choisi est de grande qualité, l’impression est formidable, mais j’avoue que voir les originaux bien encadrés, bien éclairés, dans un contexte muséal, ça permet d’apprécier le travail comme nulle part ailleurs. J’ai revu des périodes de ma vie. Je dessinais sans arrêt, à la plume et plus tard au plomb, des heures durant. J’étais complètement fou [rires]! Normalement, comme caricaturiste, tu trouves un style très, très léger et facile qui te permet de réaliser plusieurs illustrations et de soutenir le rythme de la publication quotidienne. Moi, je m’embarquais sur un dessin et je passais la journée dessus! »

Ce souci du détail et du trait juste a des racines profondes. On apprend dans les premières pages du livre grand format que, chez les Chapleau, on dessinait comme d’autres font du ski ou jouent au hockey.  

« Ça venait probablement du fait qu’on ne possédait pas beaucoup de jouets, résume le caricaturiste en riant. Mais on avait du papier, des crayons. »

Les sept garçons de la famille pouvaient créer mondes et personnages à partir de ces deux essentiels.

« Mes frères étaient aussi talentueux. Je ne suis pas celui qui était le plus habile. Mais je vais reprendre un cliché auquel je crois : dans le succès, il y a 10 pour cent de talent, 80 pour cent de travail et un dernier 10 pour cent de chance. »

Après ça, pour faire son chemin dans les journaux, il fallait encore avoir cette capacité de regarder l’actualité avec acuité et oser jouer d’audace.

« Ça, ça faisait partie de moi depuis longtemps. J’étais un petit gars un peu à part des autres. Non seulement je dessinais dans la marge de mon cahier, mais j’étais moi-même dans la marge. Je n’étais pas le plus grand des sportifs, j’étais maigre comme un pic, je n’évoluais pas dans les bonnes gangs. Quand je suis arrivé à l’École des beaux-arts, ça a changé. Mais bon, ce côté pointu et irrévérencieux, je l’ai seulement aiguisé avec le temps et la pratique. »

Il a aussi affûté son aisance à flirter avec les limites de l’acceptable.

« On compare le caricaturiste au fou du roi. Si le bouffon royal faisait un mauvais gag, il pouvait se faire trancher la tête. Caricaturer, c’est marcher sur la corde raide. L’image qui me vient pour évoquer mon métier, c’est le bord du précipice, quand tu es en équilibre près de la falaise. Un pas de trop en avant, tu tombes. Un pas en arrière et c’est plate. Il faut rester sur le fil. »

Et observer pour raconter en une image ce qui remue la société.

« C’est mon éditeur Pierre Cayouette qui a parlé de ce livre comme d’un cours d’histoire, une façon de regarder ce qui s’est passé ces 50 dernières années. La caricature, c’est un bon média pour ça. En un dessin, on replonge dans ce qui a marqué les époques.

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Tag(s) : #Dessinateurs Caricaturistes
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