Tu dessines pour le journal satirique El Jueves, quelles sont les spécificités de ce journal satirique espagnol ?
C'est un magazine humoristique hebdomadaire qui fait la satire de l'actualité politique et sociale et, en plus, a des séries de bandes dessinées fixes avec des personnages.
Dans tes dessins (bd surtout), tu prends la défense des LGBT. C'est un thème très important chez toi ?
C'est un sujet dont j'aime parler quand l'occasion s’y prête, mais je préfère le rendre visible sur des pages qui ne sont pas forcément centrées sur ce sujet ni sur l’actualité. Cela fait partie de mes pages en général.
C'est compliqué d'être LGBT+ en Espagne actuellement ?
Mon expérience personnelle est que les choses se sont beaucoup améliorées, surtout dans les grandes villes. Il me semble que le niveau de tolérance est assez élevé et s'améliore.
De nombreux acteurs ou sportifs ont fait ou font leur coming-out. C'est le cas aussi chez les dessinateurs de presse ou de BD en Espagne ?
Dans la presse et dans la bande dessinée, c'est-à-dire dans l’univers de la Culture, les gens ne cachent pas leurs préférences affectives, mais cela se produit toujours dans des environnements très masculinisés, comme dans le sport. Heureusement, dans le monde de la bande dessinée, je n'ai jamais ressenti de censure ou de rejet
En réaction à tes dessins favorables aux LGBT, t'arrive-t-il de recevoir des messages hostiles et homophobes ?
Le magazine pour lequel je travaille compte des centaines de milliers de followers et de commentaires sur les réseaux sociaux. Bien sûr, parmi tous les commentaires, il y en a beaucoup d'homophobes, mais la bonne chose est que je ne les lis pas, ha ha !
Le dessin utilise des stéréotypes, accentue certains aspects physiques. Est-ce que certains de tes dessins rencontrent parfois de l'incompréhension parmi les LGBT+ eux-mêmes ?
Oui, c'est déjà arrivé. C'est compliqué car l'humour joue avec les stéréotypes et les clichés et cela heurte parfois la sensibilité de certaines personnes, notamment celles qui sont conscientes, combatives ou en colère. Le problème avec les dessins satirique LGBT+ est que certains lecteurs comprennent que vos personnages ou vos idées doivent représenter un groupe entier, et la réalité est qu'il s'agit d'un groupe très diversifié et que chacun.e ne représente qu’un point de vue particulier.
Depuis l'attentat de janvier 2015 contre Charlie Hebdo notamment, est-ce que la situation du dessin de presse a changé en Espagne ? Et plus globalement quelle est la situation du dessin de presse en Espagne aujourd'hui ?
L'attaque de Charlie Hebdo a eu un impact momentané. Après cet événement, nous avons plus prêté attention au traitement des informations en rapport avec l'Islam par simple sentiment de protection. Nous ne voulions pas que la même chose se produise avec nos collègues éditeurs. En tout cas, l'islam n'est pas un thème central en Espagne. Ce qui a beaucoup plus affecté la satire graphique en Espagne, c'est la crise de la presse et la concurrence sur Internet. Il y a de moins en moins de places pour l'humour et les dessins sont de moins en moins payés.
Est-ce qu'il y a en Espagne des sujets sur lesquels il est difficile de dessiner, des sujets tabous ?
Bien sûr. Désormais, les questions liées au féminisme sont taboues, on doit aussi faire attention avec les entreprises qui investissent dans les médias. Le débat sur l'autodétermination des genres et les lois pour les personnes transgenres, le conflit avec le mouvement indépendantiste catalan sont toujours difficiles à aborder.
Propos de Juanjo Cuerda recueillis par Guillaume Doizy
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