La Notion de caricature dans l’Antiquité, textes et images, sous la direction d'Anne Gangloff, Valérie Huet et Christophe Vendries, Presses Universitaires de Rennes, 232 p., 24 euros.

Depuis le milieu du 19e siècle, les historiens de l’art et publicistes qui s’intéressent à la caricature cherchent à identifier ses origines, et remontent parfois jusqu’à l’Antiquité égyptienne, comme le fait en son temps Champfleury, qui publiera une Histoire de la caricature en plusieurs tomes. Dans son Histoire de la caricature antique, l’auteur livre un certain nombre d’exemples, repris par la suite par l’historiographie. Plus récemment, certains auteurs se sont néanmoins démarqués de cette idée d’une caricature pendant l’Antiquité. En effet, considérant la définition récente de la caricature « moderne » forgée par des historiens de l’art dans la seconde moitié du XXe siècle en se focalisant sur son origine italienne de la fin du 17e siècle (et donc sur la question de la déformation de la figure et de l'identification), il était difficile de qualifier les déformations grotesques de personnages ou les animalisations satiriques antiques de « caricatures ».
Entre ces deux pôles, cet ouvrage savant explore de nouveau la question avec les connaissances d’aujourd’hui tout en étant le reflet de l’évolution du regard sur le genre depuis une vingtaine d’années, c'est-à-dire depuis l’affaire des caricatures de Mahomet de 2005-2006. Ces travaux extrêmement sérieux affrontent les difficultés posées par ces images anciennes pour lesquelles on manque cruellement d’informations. Les auteurs en sont souvent réduits à des conjectures, questionnent les textes anciens pour analyser le discours sur les images relevant de la satire ou sur leurs auteurs eux-mêmes, c'est-à-dire sur les artistes. Généralement anonymes, les « caricatures » restent pour beaucoup difficiles à interpréter et parfois même muettes.
Cet ouvrage, recueil d’articles universitaires faisant suite à un colloque, propose néanmoins différentes voies d’explorations qui ne manqueront pas d’intéresser les passionnés. On se concentrera surtout sur le long article programmatique de Christophe Vendries intitulé « La caricature et l’Antiquité dans les arts visuels, regards historiographiques et épistémologiques » qui précède une série d’études plus spécifiques sur des œuvres (peintures, graffitis, sculptures, écrits) produites pendant l’Antiquité grecque ou romaine. On lira avec intérêt entre autres l'article de Romain Brethes, qui constate que la contestation du genre a pu intégrer, à une époque spécifique (IIe et IIIe siècles), la palette du "caricaturiste" dans des batailles entre sophistes de haut vol. Un procédé qui renvoie à la féminisation péjorative largement présente dans la caricature depuis le 19e siècle.

Guillaume Doizy

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