Haro sur la caricature ! L’image satirique au crible de ses adversaires :vendredi 30 septembre 2022, St Just Le Martel (dans le cadre du Salon annuel)
9H30
Introduction, Pascal Dupuy (Maître de conférences, Université de Rouen)
10H-10H45 :
Guillaume Doizy : « Louis Veuillot et L’Univers : les catholiques intransigeants et la caricature, entre haine et séduction »
A partir de sa reparution en 1867, le journal L’Univers et son directeur Louis Veuillot ne cessent de fustiger les caricatures dont la France et l’Europe sont inondées, notamment les caricatures visant le clergé et la religion. Pour le journal et ses nombreux correspondants étrangers, qui publient des centaines d’articles sur le sujet, la caricature serait intrinsèquement antichrétienne. Au fil des décennies, cette rage anticaricaturale tend à s’estomper, certaines caricatures favorables aux chrétiens trouvant grâce aux yeux des successeurs de Louis Veuillot. Comment interpréter cette évolution ? Comment expliquer cette réticence de L’Univers pour le genre caricatural alors que les Assomptionnistes du Pèlerin et de La Croix, sinon la droite nationaliste de l’époque, en usent abondamment ?
Guillaume Doizy est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages sur l’histoire de la caricature et du dessin de presse.
11H-11H45 :
Jean-Pierre Doche : « Poulbot face au père la pudeur »
Francique poulbot (1879 - 1946) va être confronté par deux fois au sénateur français René Bérenger (1830 - 1915) surnommé le "père la pudeur" pour son militantisme contre le "déshabillé" à la Belle Époque. En 1905 Bérenger attaque certains dessins de Poulbot dans le numéro de L'Assiette au beurre "La graine de bois de lit", numéro interdit de vente pour cause de pornographie. En 1911 par son dessin "La première cigarette" paru dans Les Hommes du Jour, une publication déjà ciblée par les tribunaux, avec notamment la condamnation du dessinateur Delannoy à de la prison. Poulbot subit une plainte pour outrage aux bonnes mœurs suivi d'un procès clos par un non-lieu, événement qui donne par la suite lieu à un banquet avec lectures de lettres de Forain, Léandre, Morin, Neumont, Willette. Dans cette communication, il s'agira d'analyser les discours hostiles portés contre la caricature et les caricaturistes à l'occasion de ces deux événements.
Jean-Pierre Doche est fondateur de l’association des Amis de Francisque Poulbot en 1992, dont il est le Président et un des rédacteurs d’articles pour ses bulletins annuels. Il est le coauteur de « Poulbot affichiste » Paris bibliothèques, 2007 ; auteur de « Poulbot et le livre » L’Apart, 2011 ; administrateur de l’association Sem, collectionneur de la presse illustrée satirique de la fin du XIXe siècle, etc.
14H- 14H45
Sophie Dubillot : « Les dessinateurs satiriques à la Libération : épuration et auto-censure »
Malgré le rétablissement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse à la Libération, certains discours n’étaient plus les bienvenus et ne pouvaient guère s'exprimer au sortir du conflit. Pendant le processus d'épuration, certains dessinateurs ont été interdits de publication ou emprisonnés pour leurs dessins humoristiques produits pendant la guerre. Au-delà du désir de punition à laquelle elle répondait, l'épuration des caricaturistes reconnaissait également le pouvoir de l'image humoristique, sa capacité à persuader, voire à endoctriner la nation.
Les paroles antisémites, anti-alliées, anti-Communistes, étaient-elle considérées comme plus persuasives que les dessins équivalents, ou bien les dessins, plus ambigus que les mots, permettaient-ils aux dessinateurs de se tirer d’affaire ? L’épuration des dessinateurs a-t-elle donc montré une réception plus indulgente des dessins par rapport aux textes controversés ?
Sophie Dubillot est doctorante à The Open University, Milton Keynes, Angleterre.
15H-15H45
Jane Weston Vauclair : « Les adversaires de Charlie »
Depuis les attentats terroristes de 2015 contre les locaux de Charlie Hebdo, les 'unes' mordantes et grinçantes du journal satirique sont relayées dans les médias et sur les réseaux sociaux avec une très grande régularité, tant en France qu'à l'international. Cet engouement est lié à une nouvelle curiosité de la part du grand public, éveillée par le tragique des attentats. Dans l'anglosphère notamment, Charlie Hebdo était presque inconnu avant ces événements. Cette jonction en 2015 aurait pu être une vraie occasion de valoriser la place de la caricature dans le paysage médiatique, et de creuser ses spécificités humoristiques, créatives et critiques. Ceci a bien été le cas dans certains contextes. Cependant, la couverture médiatique a largement eu tendance à se focaliser sur les questions du « aller trop loin », du « manque de responsabilité » ou du « je ne suis plus Charlie » dans le contexte de l'humour noir de ses couvertures, faisant de Charlie Hebdo lui-même une caricature. Le tout en amplifiant mondialement cette production artistique, dans une manière radicalement décontextualisée et reconditionnée, au service des clics.
Jane Weston Vauclair est docteur en Histoire culturelle, diplômée de l'Université de Bristol. Sa thèse traite de "L'humour bête et méchant dans Hara Kiri et Charlie Hebdo". Elle est co-auteur du livre "De Charlie Hebdo à #Charlie" (Eyrolles, 2015).
janemweston@gmail.com
16H-16H45
Fabienne Desseux : « Qui veut la peau du dessin de presse ? »
Le dessin de presse s’oppose en général aux puissants, aux gouvernants. Eux ont bien des raisons de crier « haro sur la caricature ». Mais depuis plusieurs décennies, les détracteurs du dessin de presse ont pris d’autres visages. Alors que le dessin défend les sans-grades et les opprimés, ces individualités se retournent contre lui. Il n’est plus l’ennemi des forts, il est celui de M. et Mme Toutlemonde. Et M. et Mme Toutlemonde peuvent avoir davantage de pouvoir qu’Anastasie. Il suffit de constater comment des journaux comme le New York Times, L’Humanité ou Le Monde ont reculé après de mauvais buzz sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre. On peut parler du retour en force du religieux mais dans une société ultra crispée, où l'on confond outrance et outrage, chaque groupe, communauté, individu se sent désormais blessé par un dessin au point de vouloir sa disparition. Le ressenti personnel se hissant au-dessus du droit à la liberté d’expression.
Fabienne Desseux est l’auteure de Virée ! (2019, De Borée), Traits engagés – les dessinateurs de presse parlent de leur métier (2020, Iconovox), La drôle de guerre d’Eugénie Daguère (roman, 2021, Iconovox), Qui veut la peau du dessin de presse ? (illustré par Cami et Urbs. Septembre 2022, Eyrolles).
17H
Conclusion : Guillaume Doizy et Pascal Dupuy
Salon de l'Humour Saint-Just Humour
Depuis bientôt 40 ans une poignée de jeunes un peu désoeuvrés ont voulu manifester leur envie de faire " bouger " leur commune. Ils ont osé l'histoire et le patrimoine dans un premier temps pu...