Nous avons déjà évoqué sur caricaturesetcaricature.com le beau travail d’analyse d’Eric Janicot à propos du Chat Noir notamment. Ce spécialiste de "chinoiseries" propose une réédition du Voyage en Chine de Daumier, série abondée de deux dessins de Cham, publiée par Le Charivari de 1843 à 1845. Le Charivari publie alors de nombreuses séries thématiques, « filon » qui permet au dessinateur d’explorer les différentes facettes d’un sujet et suscite potentiellement une forme d’attente chez le lecteur. Les séries, une fois terminées, sont publiées en recueil, ce qui permet de donner une seconde vie commerciale à l’ensemble.

Cette série, comme la plupart des dessins qui s’intéressent à la vie à l’étranger, vise principalement en fait à commenter la vie sociale intérieure. La Chine est un support à variations exotiques, autant qu'un prétexte à charger les fonctionnaires et la petite bourgeoisie de France.

Comme l’explique Eric Janicot dans un court texte d’introduction trilingue (français, anglais, chinois), Daumier et Cham jouent du stéréotype et réduisent la figure des Chinois à quelques traits vestimentaires ou physiques caricaturaux autant que récurrents (chapeau, coiffure, vêtements).

On peut parler ici de parodie sociale ou anthropologique, puisque Daumier travestit des Chinois imaginaires, en français contemporains. C’est bien sûr la rencontre des deux cultures (l’une et l’autre très fantasmées, mais l'une encore plus que l’autre), qui doit provoquer l’émerveillement et le rire. Enfin, qui devait, car aujourd’hui, on ne sourit même plus de ces dessins somme toute assez ennuyeux. Ennuyeux et dans lesquels on sent une forme de racisme structurel, inhérent à toute représentation caricaturale de « l’autre », d’autant plus si l’auteur et son public conçoivent une hiérarchie entre les peuples.

Si la réédition de séries de Daumier ne manque pas d’intérêt, on reprochera tout de même à ce recueil de n’apporter que peu d’analyse et d’informations sur les images et leur environnement culturel. Par ailleurs, les lithographies ne sont pas reproduites « dans leur jus », c’est à dire avec titre en haut, le dessin entouré de liserets et légende en dessous, mais expurgées du titre, des liserets et de la légende, néanmoins restituée en vis à vis et traduite. Enfin, la taille de reproduction, à peine 10 cm de large, rend parfois difficile la compréhension des détails.

Guillaume Doizy

Ci-dessous une litho du Charivari et en dessous le site de l'éditeur.

Daumier, "Le Voyage en Chine", par Eric Janicot
Tag(s) : #Comptes-rendus recueils
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :