Jean Moulin alias Romanin, artiste, dessinateur, galeriste, Michel Lafon, 29,95 euros.

C'est un aspect peu connu des talents de Jean Moulin que révèle ce livre de l'historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, avec des textes d'Ernest Pignon-Ernest, Riss, Baudoin Lebon, Céline Dumas et Guillaume Doizy.
Vous ne connaissiez pas Romanin ? Ouvrez-donc ce bel ouvrage, pour un chouette voyage dans le monde de l'art et du dessin de presse.
Avant de devenir le haut fonctionnaire et le résistant que l'on connaît, Jean Moulin a tenté une carrière dans la presse. Dès la fin de l'adolescence, grâce probablement à l'entregent de son père, il envoie des dessins aux journaux satiriques - on est en pleine première guerre mondiale - et rencontre un petit succès. On peut découvrir ses œuvres encore maladroites dans La Guerre sociale (le brûlot antimilitariste puis patriotard de Gustave Hervé) ou encore à La Baïonnette, un journal satirique de circonstance né avec le conflit. Jean Moulin, qui signera ses dessins "Romanin", trouve son inspiration chez Poulbot notamment. Mais c'est surtout dans les années 20 que son style évolue, imprégné cette fois d'une certaine liberté avant-gardiste qui tranche avec le conformisme des dessinateurs de l'époque dans la presse française.
Si Romanin adopte la ligne claire avec un système de mise en couleur à l'aquarelle assez sommaire qui lui donne toute sa fraicheur, il n'en demeure pas moins plus classique dans ses légendes : bienvenue dans le monde des plaisirs nocturnes ou des classes aisées. À cet humour des années folles qui ne nous touche plus, répond une quête picturale et un travail graphique parfois dramatiques et même grandioses. C'est le cas des illustrations qu'il réalise dans les années 1930 pour une série de poèmes, gravures à l'eau forte qui semblent prémonitoires des sombres temps à venir.
Certes, si Jean Moulin n'avait pas eu le destin politique qui a été le sien, ce livre n'aurait sans doute pas vu le jour. Des centaines de dessinateurs mériteraient qu'on s'intéresse à eux de la sorte ! Mais profitons de cette notoriété pour découvrir un de ces illustres "seconds couteaux" qui ont fourni à la presse satirique son pain quotidien, aux côtés de quelques "grands", dont nous nous souvenons encore aujourd'hui (comme Sennep ou Gassier par exemple).  

GD

Jean Moulin, dessinateur de presse ?
Tag(s) : #Analyses sur la caricature
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