Article paru dans la Revue Semestrielle de Droit Animalier 1-2025 :

L’animalisation – ou zoomorphisation – est un des procédés les plus anciens de la caricature politique. On peut évoquer un Jésus à tête d’âne brandi par les païens aux premiers siècles de l’ère chrétienne ou encore des caricatures sur bois gravés à l’époque de la Réforme de Luther. Lucas Cranach l’ancien, sur les conseils de Luther, n’hésite pas, dans le pamphlet Abildung des Bapstum de 1545, à recourir au porc dans une de ses gravures pour accabler le pape, cible privilégiée des réformés. Le pape, reconnaissable à sa tiare, juché tel un cavalier sur une truie, tient un étron fumant, symbole du concile qu’il propose à l’Allemagne. Scatologie, animalisation, des procédés qui ont fait florès par la suite.

L’animalisation caricaturale depuis lors innerve l’image polémique en fonctionnant sur un triple principe : transfert, analogie, métamorphose. Transfert aux personnes ou institutions ciblées des valeurs symboliques associées à l’animal dans la tradition populaire ou savante ; analogie formelle entre l’animal et l’individu, et enfin métamorphose dans un processus d’hybridation, puisque dans la plupart des cas, la cible est « animalisée », c’est-à-dire dire composée d’éléments animaux et humains amalgamés dans un souci de continuité et d’unité, propre à la fiction.

Depuis le XVIe siècle, le recours à la « porcisation » caricaturale a connu ses heures de gloire : contre Louis XVI à la suite de sa capture à Varennes ; contre Napoléon III défait à Sedan ; contre le clergé dans la presse anticléricale de la Belle Époque ; envers Guillaume II qui subit de nombreuses animalisations en cochon pendant la Grande Guerre, etc. Dans la caricature, la « charge » porcine apparaît bien comme l’argument ultime, le plus violent, le plus désacralisant qui puisse être.

Après des décennies de banalisation de la caricature politique suite au vote de lois favorisant la liberté d’expression dans le monde occidental – on pense à la grande loi de juillet 1881 sur la Liberté de la presse en France -, on aurait pu s’attendre à un déclin de la caricature porcine, perçue comme particulièrement violente et excessive. Le licenciement en 2018 par The Jerusalem Post de l’illustrateur israélien Avi Katz pour une caricature de Netanyahou en porc dans une image référant à La Ferme des animaux de George Orwell, tendrait à prouver qu’après un siècle et demi de libéralisation de la presse dans les démocraties et en dépit de la banalisation de la caricature politique et de son affadissement, le recours à la caricature porcine suscite encore, dans certains contextes, un scandale ou une sanction. En 2005-2006 de leur côté, des imams danois avaient déjà osé introduire une image porcine dans un dossier à charge, pour convaincre les chancelleries des pays dits « musulmans » à organiser la riposte contre le Danemark, pays dans lequel le quotidien le Jyllands-Posten avait publié les douze fameuses « caricatures » dites de Mahomet.

La France contemporaine n’échapperait pas à cette sensibilité spécifique autour du porc, avec une étrange affaire : la condamnation en 2007 d’un dessinateur ayant caricaturé un policier en cochon dans un ouvrage « insultant et révoltant », pour reprendre les termes du ministre de l’Intérieur de l’époque…

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Tag(s) : #Analyses sur la caricature
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