Histoire de la bande dessinée au Québec, Mira Flardeau, vlb éditeur, 190 pages, illustrations en noir et cahier central en couleur, 25,95 dollars canadiens.
La bande dessinée représente un espace important de la littérature de jeunesse ou adulte. Au Québec, voilà son histoire
spécifique écrite par Mira Falardeau, historienne de l’art, spécialiste du genre, commissaire de nombreuses expositions.
La BD emprunte au dessin d’humour et à la caricature présents dans la presse au 19e siècle. Multipliant les cases, les journaux quotidiens ou hebdomadaires proposent des histoires en image qui
progressivement se dotent de bulles et de signes propres à ce qui deviendra la bande dessinée. C’est véritablement autour de 1900 que le genre s’impose dans la presse, spécificité de la Bande
dessinée au Québec, avec en vedette le dessinateur Albéric Bourgeois. Mais le genre doit compter avec l’Amérique toute proche qui inonde bientôt le marché de ses comics à bas prix et souvent de
très bonne qualité et dans les années 1970 avec la production franco-belge très rodée et bénéficiant de nombreux moyens.
Mila Falardeau plonge le lecteur dans cette histoire de la BD dont elle perçoit les origines lointaines dès le XIXe siècle au Canada, mais également en Europe avec le dessinateur Töpffer ou en
France un peu plus tard Cham et ses histoires en images.
Dans cet ouvrage bien charpenté aux données factuelles très nombreuses, l’auteure détaille le vocabulaire et les techniques de la bande dessinée, puis s’intéresse à la situation de la BD depuis
les années 1950 jusqu’à nos jours au Québec où elle devient une véritable industrie. Divers chapitres abordent les différents champs dans lesquels le genre s’épanouit : les revues, la jeunesse,
les albums, les fanzines, et enfin le web et le multimédia depuis une dizaines d’années où se multiplient les sites et les blogs spécialisés. La bande dessinée fonctionne comme une éponge. Elle
emprunte à la caricature, au dessin d’humour, au cinéma, à la télévision et s’intéresse aux techniques les plus novatrices, instaurant un dialogue constant avec le monde qui l’entoure.
La bande dessinée, tout comme la caricature, peut d’ailleurs se comprendre comme un miroir. Miroir des fantaisies de leurs auteurs, qui deviennent, vu le succès de certaines BD, le miroir des
angoisses collectives. Car la BD, notamment dans ses débuts, élabore des « types » sociaux soudant les lecteurs autour d’un rire commun empruntant à l’humour voire à la contestation. En quelques
vignettes, voilà une situation dressée, une problématique posée et une chute qui doit faire sourire. Des enfants archétypaux font souvent les frais de la joie des dessinateurs, mais également le
petit bourgeois bedonnant, ou le paysan sorti de sa campagne, l’aventurier déclassé ou la mère de famille.
La BD québécoise a cela de particulier qu’elle a plus trouvé refuge dans la presse que dans les albums, comme en France et en Belgique. Mais dans les années 1980 se fondent diverses revues
spécialisées, hebdomadaires ou mensuelles, qui traduisent la maturité du genre et permettent à bien des auteurs de vivre de leur art. On dénombre les revues Croc, Safarir, Cocktail, Titanic ou
encore Bambou, certaines s’inscrivant dans la tradition du bien connu Hara-Kiri français…
L’amateur ou le spécialiste d’images (BD, dessin d’humour, illustration ou caricature) trouvera indispensable cet ouvrage très complet qui permet de comparer les spécificités européennes,
américaines et québécoises autour d’un genre particulier qui remporte un tel succès aujourd’hui sur tous les continents.
Guillaume Doizy, mars 2008
Mira Falardeau est bien connue du milieu culturel québécois où elle anime et pilote des projets tournant autour de l’humour depuis plus de vingt-cinq ans. Spécialiste de l’image comique (caricature, bande dessinée, dessin animé, multimédia, jeux vidéo), elle a enseigné la BD, la littérature, le cinéma et les communications dans divers cégeps et universités. Docteure en sciences de l’art de la Sorbonne, Mira Falardeau a publié notamment La bande dessinée au Québec en 1994 chez Boréal et une Histoire du cinéma d’animation au Québec en 2006 chez Typo. Elle a été conservatrice de nombreuses expositions, dont Les aventures de la bande dessinée québécoise au Musée du Québec en 1997 et Les débuts de la bande dessinée québécoise de 1904 à 1908 à la Bibliothèque nationale du Québec en 2004.
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