"Le festin du tigre", John Collins, 30 octobre 1941, M965.199.3242, © Musée McCord
Le Musée McCord de Montréal possède une importante collection de caricatures et de dessins de presse, en partie visible via une base de données en ligne (voir infra). Christian Vachon,
conservateur au musée McCord et commissaire de l’exposition « La fin du monde… en caricatures! » détaille les différentes facettes de cette collection.
-Le Musée McCord a pour objectif de valoriser l’histoire montréalaise. Quelle part le dessin de presse et la caricature prennent-ils dans cette mission ?
La collection de dessins de presse du Musée McCord contient plus de 25 000 caricatures éditoriales dont environ 95% sont l’œuvre d’artistes montréalais. On retrouve une première
concentration importante de dessins réalisés à partir de 1850 et la collection couvre ensuite toute la période subséquente jusqu’à aujourd’hui. Ces dessins, réalisés dans les deux langues
officielles mais présentant actuellement un pourcentage anglophone un peu plus élevé, ont été publiés dans les plus importants quotidiens montréalais, à savoir : The Montreal Star, The
Gazette, Le Journal de Montréal, La Presse et Le Devoir. À l’heure actuelle, les descriptions bilingues et les reproductions de 21 000 de ces dessins sont accessibles sur notre base de données en ligne. Il va sans dire que ce fonds est abondamment
consulté par les étudiants, chercheurs et historiens qui s’intéressent à l’histoire de Montréal.
-Le musée dispose d’une riche collection de dessins de presse et de caricatures du XIXe et du XXe siècle, pouvez-vous décrire ce fond ?
La collection du musée se distingue par le fait qu’elle couvre une grande période de l’histoire canadienne qui va du milieu du XVIIIesiècle jusqu’à notre époque. On retrouve les dessins les
plus anciens parmi les caricatures personnellement collectionnées par David Ross McCord, le fondateur du musée, dont les fameux dessins de George Townshend (1724-1807) qui datent du siège de
Québec (1759) et qui représentent les premières caricatures « canadiennes », sinon « nord-américaines », connues. Monsieur McCord a aussi collectionné une quantité appréciable de
caricatures politiques réalisées au cours de la première moitié du XIXe siècle qui sont parmi les plus anciennes publiées au pays. On retrouve ensuite les caricatures de John Henry Walker
(1831-1899), de John Wilson Bengough (1851-1923) et de Henri Julien (1852-1908), de même que de nombreux dessins d’humour parus dans les journaux illustrés de l’époque, tel le Canadian
Illustrated News (1869-1883), l’Opinion publique (1870-1883), le magazine satirique Grip (1873-1894) et le Montreal Daily Star (1877-1979).
À ce noyau de caricatures historiques se sont greffés au cours des 25 dernières années plusieurs fonds qui couvrent largement le XXe siècle, entres autres les dessins d’Arthur George Racey
(1870-1941), d’Owen Staples (alias Rostap, 1866-1949), de Frank Duggan (1904-1987), de Normand Hudon (1929-1997) et de John Collins (1917-2007). Ce dernier a été le caricaturiste attitré à
la Gazette de Montréal de 1939 à 1973, et la collection du McCord compte près de 10 000 de ses œuvres. La fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle sont aussi largement représentés avec
les caricatures de Terry Mosher (Aislin, The Gazette), Roland Pier (Journal de Montréal), Serge Chapleau (Le Devoir et La Presse), Michel Garneau
(Garnotte, Le Devoir) et Éric Godin (Voir). De plus, les années récentes ont vu une augmentation du nombre et de la diversité des dessins de presse offerts. Fleg (Le
Soleil et Yahoo! Québec), Pascal (La Presse, The Gazette, etc.), Marc Beaudet (Journal de Montréal) et Bado (Le Droit) nous remettent dorénavant leurs
dessins.
-Quelle stratégie en vue de développer les acquisitions ?
Le McCord ne dispose d’aucun fonds d’acquisition. Malgré sa vocation publique, il s’agit d’un musée privé dont seulement un tiers de son budget d’opération est de source
gouvernementale. Toutes ses acquisitions de dessins de presse représentent des dons pour lesquels le musée remet des reçus à des fins fiscales. Actuellement, les caricaturistes des quatre
quotidiens montréalais nous offrent régulièrement leurs dessins. Nous n’avons pas d’autres stratégies que de numériser et de cataloguer ceux-ci dans les meilleurs délais afin de les rendre
accessibles sur notre site internet. Si le Musée McCord possède la deuxième collection de caricatures en importance au Canada, après Bibliothèque et Archives Canada, sa collection est toutefois
la plus largement diffusée au pays grâce notamment à notre base de données en ligne, une
exposition virtuelle et deux expositions entièrement consacrées à la caricature présentées au cours des deux dernières décennies. Cela a créé un effet d’entraînement et de nouveaux
caricaturistes nous contactent d’eux-mêmes afin de nous offrir leurs dessins.
-Depuis la naissance du Musée, quelles expositions avez-vous réalisé avec pour supports principaux le dessin de presse et la caricature ?
« Aislin & Chapleau, Caricatures » (mai 1997 – septembre 1998). Présentant près de 400 œuvres des deux caricaturistes québécois les plus connus, l’exposition ressuscite les événements et les
visages qui ont marqué principalement la décennie 1990 : grandeurs et misères des personnalités de l’heure comme des politiciens, les principaux acteurs du débat linguistique, de l’unité
canadienne, les maires de Montréal tout comme les premiers ministres des deux paliers de gouvernement, etc.
« Le fin du monde… en caricatures! » (juin 2012 – janvier 2013). Alors que le calendrier maya annonce la fin imminente de l'humanité, l’exposition explore le thème de la fin du monde à
travers 350 œuvres réalisées par 16 caricaturistes québécois dont Chapleau, Aislin, Garnotte, Beaudet, Pascal et Godin. Une occasion d'aborder avec humour cet éternel sujet de conversation, mais
également de réfléchir sur les enjeux de notre société à l’échelle internationale.
-Comment le public juge-t-il ces manifestations ?
Avec beaucoup d’intérêt. Certains caricaturistes, par exemple Aislin et Chapleau, sont de véritables personnalités publiques au Québec. On sollicite leur opinion, on les entend à la
radio et on les voit à la télé. Le Québec est la seule province canadienne où les médias électroniques présentent des revues quotidiennes de dessins d’actualité. Les albums que les
caricaturistes vedettes publient chaque année se vendent très bien. L’humour en général représente une industrie florissante à Montréal. Ces expositions sont passablement
courues. Elles nous ont permis de montrer que non seulement les caricatures font rire, mais elles font aussi réagir et réfléchir. Nous privilégions une approche journalistique.
Les caricaturistes sont des journalistes à part entière. Ils expriment un commentaire éditorial par le biais d’un média graphique. Pour la plupart, les visiteurs s’intéressent déjà à
l’actualité. Ils réalisent grâce à l’exposition le plein potentiel du dessin de presse en tant que document d’archive et comprennent ainsi pourquoi nous les exposons dans un musée
d’histoire sociale.
-Le musée a longtemps été géré par l’Université McGill. Vos fonds de caricatures et de dessins de presse ont-ils suscité des travaux universitaires ?
Paradoxalement non. Les dessins de Townshend ont bien sûr suscité beaucoup d’intérêt depuis le début du siècle précédent. Mais à l’exception de l’illustrateur et caricaturiste John
Henry Walker, dont l’œuvre a été l’objet d’un mémoire de maîtrise, il n’existe aucune autre étude académique concernant ces fonds.
-Comment les dessinateurs de presse québécois actuels regardent-ils ce musée ? Comme un sanctuaire futur pour leur œuvres ? Un moyen de toucher un public de passionnés, d’instruire
les jeunes générations au dessin d’actualité ?
C’est le désir de voir leurs dessins conservés aux côtés de ceux de leurs idoles ou mentors qui les motive initialement à nous contacter. Ils deviennent ainsi « muséifiés » et voient une
partie de leur œuvre occuper une niche au sein d’une importante chronologie de dessins de presse montréalais et québécois. Nos activités de diffusion leur procurent bien sûr une visibilité
non négligeable auprès de tous les publics intéressés. De manière générale, la conservation de leurs dessins originaux leur incombe et ils préfèrent les savoir en sécurité dans une
voûte. Ils apprécient aussi le fait qu’une fois indexées, leurs œuvres deviennent accessibles à tous les chercheurs ou amateurs, ce dans un cadre muséal où on fait diligemment la promotion
de leur art.
Montréal, le 17 juillet 2012
Christian Vachon
Conservateur, Peintures, estampes et dessins
Commissaire de l’exposition « La fin du monde… en caricatures! », en place jusqu’au 26 janvier 2013.
MUSÉE McCORD
690, rue Sherbrooke Ouest
Montréal (Québec) H3A 1E9 Canada
Renseignements généraux : 514 398-7100
info@mccord.mcgill.ca
www.musee-mccord.qc.ca
Horaire d’été jusqu’au 3 septembre 2012 :
Lundi, Mardi, Jeudi et Vendredi : de 10 h à 18 h
Mercredi : de 10 h à 21 h
Samedi, Dimanche : de 10 h à 17h
L’entrée est gratuite tous les mercredis soirs dès 17 h.
L’entrée est gratuite le premier samedi de chaque mois de 10 h à 17 h.