Patrick Rambaud, Olivier Grojnowski, Les chroniques du règne de Nicolas Ier, Grasset Drugstore, 15,5 euros.
Patrick Rambaud, Cinquième chronique du règne de Nicolas Ier, Grasset, 14,5 euros.
Depuis 2008, Patrick Rambaud publie une régulière « Chronique du règne de Nicolas Ier », un pamphlet parodique brocardant la politique –et surtout les gesticulations – du président de la République. Une chronique à charge recourant au principe de la transposition historique comme l’indique si bien le titre : l’auteur fait du premier magistrat de France un Empereur très napoléonien et transforme ses acolytes en membres d’une Cour on ne peut plus à sa botte. Certes, le recours au passé n’est pas nouveau pour moquer un chef de l’Etat et suggérer une certaine propension au césarisme ou à la dictature. On se souvient de la fameuse « Chronique de la Cour » du presque homonyme André Ribaud, publiée dans le Canard Enchaîné puis éditée en volume, avec des illustrations de Moisan. Il s’agissait alors d’invoquer Louis XIV pour viser la personnalisation du pouvoir chère à Charles de Gaulle.
Le texte de Patrick Rambaud ne manque ni d’intérêt, ni de sel. Enfourchant une langue dont la syntaxe et le vocabulaire se veulent surannés, l’auteur passe au crible les faits et gestes de cette droite au pouvoir qu’il déteste. A la manière des chroniqueurs anciens, Rambaud brocarde les principaux événements qui ont marqué l’année : scandales, textes de lois, crises sociales, déclarations tonitruantes plus ou moins suivies d’effet. Loin des clichés sur la taille du monarque ou sur son hystérie, Rambaud dénonce les différentes facettes d’une politique hostile aux pauvres et dévouée aux riches, sans focaliser son attention sur le seul microcosme parisien. Autant, le dire, un vrai régal.
Grasset et Drugstore viennent d’éditer une version illustrée d’un condensé de ces Chroniques, associant à Patrick Rambaud un dessinateur talentueux, Olivier Grojnowski. Malgré une transposition graphique très efficace, la chronique en image demeure décevante. Contrairement à la Chronique de la Cour de Ribaud et Moisan qui accordait au texte un rôle prédominant, cette bande dessinée accorde une place prépondérante à l’image, et quelques pages seulement à chaque année du quinquennat sarkozien. Même si le style de Rambaud est conservé (et lui même figuré dans l'histoire), le style quasi télégraphique de la bande dessinée et ce survol en quelques dizaines de pages de cinq années de règne affaiblissent la truculence et la pertinence du propos. Le dessin, bien que teinté de satire, rend selon nous la transposition moins attrayante que le texte à charge de départ.