Plus belle la crise !, Charlie Hebdo, textes d’Oncle Bernard, Editions Les Echappés, 19,90 euros. Dessins de Cabu, Catherine, Charb, Honoré, Luz, Riss, Tignous, Willem, Wolinski…
Plus belle la satire !
Le dessin de presse, certains l’aiment « chaud »… quand le journal sent encore l’encre fraîche, au sortir d’une librairie ou à quelques pas d’un kiosque, devant un café de préférence. Le lecteur, assommé par les nouvelles de la semaine, par les mauvais coups du gouvernement, par la situation qui se dégrade, retrouve d’un coup le sourire, la joie de vivre, le rire libérateur. Sous les assauts des dessinateurs, l’actualité morose reprend des couleurs comédiennes. et la caricature gaillarde venge le lecteur accablé ou en colère en quelques coups de crayons.
La coutume veut que la fin de l’année venant, dessinateurs, journaux, éditeurs, publient des recueils récapitulatifs du travail réalisé dans les mois qui précèdent. Le dessin d’actualité, totalement contextualisé, scotché au 20H ou à Google actualités, prend alors une toute autre dimension.
L’effeuillage du recueil (nous sommes en automne…) pourrait réveiller quelque nostalgie dans ce revival sarcastique de l’année finissante, pas à pas, coups de crayon après croup de crayon.
Mais le tout, dans un beau désordre chronologique !
Le concepteur de l’ouvrage a en effet choisit de répartir l’ensemble des dessins sélectionnés dans des chapitres thématiques : Politique française, Culture, Médias, International, Religion, Société…, regroupant dans ces grands ensembles, les caricatures de manière logique, autour de sujets précis, ou bien de personnalités. Les fans de Sarkocaricatures en auront pour leur argent ! Ceux qui préfèrent rire des curés se délecteront avec charité. Quant à la crise, elle traverse le recueil de part en part, la satire rappelant les palpitations médiatiques qui nous ont mené du krach généralisé, à la reprise frénétique de la spéculation, des coups de gueule hypocrites de Sarko contre les traders, aux milliards d’aides pour les banques…
Grâce à ce classement par thèmes, l’observateur attentif pourra non seulement se régaler des œuvres de Charlie, mais encore traquer les stéréotypes, les récurrences, comparer les différences d’angles d’attaque, s’interroger sur la manière de chaque artiste, son style, ses « tics » particuliers..
Que ces louanges ne nous aveuglent pas. Relevons tout de même trois difficultés peut-être inhérente au genre : bien des dessins demeureront en partie énigmatiques ou en tous cas donneront à réfléchir, l’événement qui les aura fait naître ayant disparu de nos mémoires ; la profusion des charges (jusqu’à une quinzaine par double-page !) réjouira le collectionneur mais agacera l’esthète, affligé par les nombreuses contaminations visuelles qu’entraîne la trop forte proximité des dessins entre eux ; enfin, petit abus de langage, la 4e de couverture annonce plus de 500 dessins « commentés par Oncle Bernard ». Les commentaires portent sur l’actualité, la situation sociale et politique, mais jamais sur les dessins eux-mêmes…
Un recueil haut en couleur qui fera tout de même le bonheur de tous ceux qui, à gauche, ne se laissent pas abattre !