Sandro Morachioli, L’Italia alla rovescia – Riceche sulla caricatura giornalistica tra il 1848 e l’Unità, Edizioni della Normale, 2013, 365 p., illustrations en noir et blanc, appareil critique, index et bibliographie.
Sous le titre L’Italia alla rovescia, les Edizioni della normale livrent une passionnante et très belle étude (en italien donc) sur les origines de la presse satirique italienne, c’est à dire pendant la période qui court de 1848 jusqu’à la réalisation de l’Unité du pays (1870). Sandro Morachioli, un jeune universitaire de la prestigieuse Ecole Normale Supérieure de Pise, évoque avec brio l’arrière plan historique de cet art graphique si particulier, diffusé par une presse dévolue à la satire. Dans ce livre, il choisit de présenter de véritables cas d’école de cette presse à caricature publiée à Milan, Gène, Turin, Rome et Naple.
Il y a là une très grande différence entre la France et l’Italie. L’hexagone demeure profondément marqué par son jacobinisme et la prééminence de Paris, même si des titres paraissent rapidement dans les villes moyennes de province après 1848. En Italie, chaque “petite” capitale jouit d’une tradition, d’une histoire et d’une vie culturelle qui lui est propre.
Si la structure politique des deux pays diffère fortement, leur lien, en ce qui concerne la caricature, s’est révélé très fort. La caricature et la satire francaise ont profondément marqué des générations de dessinateurs italiens qui, pour certains, ont entretenu des relations de proximité avec la France. On pense à Antonio Greppi par exemple et à son journal Lo Spirito Folletto qui naît en 1848 sans dépasser les 44 numéros, mais qui paraît de nouveau à Paris cette fois, pour éviter les coups de ciseaux de la censure autrchienne. La version italienne du journal de Greppi avait détourné une caricature politique de Daumier (dont l’oeuvre inspire nombre de dessins italiens). La série “Les Vesuviennes” de Beaumont s’y transforme même en “La guardia civica fenmminile”!
Le dessinateur Castagnola se montre plus original et plus libre dans le périodique génois La Strega, journal acquis à la cause de Guiseppe Mazzini, ardent républicain italien qui se bat pour l’unité du pays.
Le lecteur se passionnera également pour le chapitre dédié à Francesco Redenti, dessinateur de l’hebdomadaire Il Fischietto de Turin. On peut considérer Redenti comme le premier dessinateur professionnel en Italie, exerçant son métier de caricaturiste en recourant à la technique de la gravure sur cuivre.
Avec le Don Pirlone romain, Sandro Marachioli s’intéresse tout particulièrement au rôle de l’allégorie dans la caricature, tout en évoquant le travail des dessinateurs de ce journal. Le plus fameux, Masutti, y collabore dès novembre 1848...
En Italie comme en France, il ne faut pas négliger l’importance des journaux humoristiques. En 1856, pendant une des périodes les plus calmes de l’histoire italienne, Turin voit la naissance de Pasquino, tandis qu’à Milan se publie L’Uomo di pietra, les éditeurs ayant choisi pour ces deux titres deux noms de statues “qui parlent”, selon une tradition antique très lointaine. Ces organes ne cachent pas leur préférence patriotique, mais produisent une satire plus légère que leurs homologues “politiques”.
Le dernier chapitre de l’ouvrage porte sur la question de l’industrialisation de la production caricaturale. L’auteur compare à ce propos les éditeurs contemporains l’un de l’autre Francesco Sonzogno et Charles Philippon, tous deux à l’origine du développement de la presse satirique dans leurs pays respectifs.
Ce beau livre de Morachioli permet d’apprécier les similitudes et les différences entre la France et la péninsule italienne, pendant les deux premiers tiers du XIXe siècle, période fondatrice pour la presse satirique. Sandro Maracchioli donne à voir la circulation d’un genre qui s’avère très brillant dans l’Italie du Risogiamento. Une période de la caricature italienne qui ne doit pas être sous estimée et qui, au contraire, mérite d’être mieux connue !
Paolo Moretti et Guillaume Doizy, janvier 2014