(Dessin de Zunar, décembre 2011)
Une récente exposition de ses dessins à Londres a permis de mieux faire connaître en Europe ce cartoonist malaisien lourdement censuré par les autorités de son
pays...
Dessinateur de presse depuis vingt ans en Malaisie, ZUNAR, de son vrai nom Zulkiflee Anwar Haque, s’est donné pour mission de
dénoncer la corruption et les abus de pouvoir du gouvernement malaisien. Il met en lumière des affaires d’intérêt public telles que le meurtre d’une mongolienne qui n’a jamais été résolu, le
complot politique visant Anwar Ibrahim, l’ancien vice-Premier Ministre qui est à présent à la tête de l’Opposition, l’épouse envahissante du Premier Ministre et les achats louches de sous-marins
de type Scorpene qui font le sujet d’une enquête en France.
Il s’est forgé une réputation de dessinateur à l’esprit critique et ne mâchant pas ses mots pendant la période de la “Réforme” qui a suivi le renvoi du vice-Premier Ministre de l’époque, Anwar
Ibrahim. Cet incident, qui a choqué le pays, a provoqué une prise de conscience populaire et a fourni une source infinie de commentaires que Zunar a exprimés dans ses dessins de presse.
Sauf que, on ne rigole pas avec le pouvoir en Malaisie et depuis des années, la presse écrite, totalement contrôlée par le gouvernement (comme l’édition d’ailleurs), refuse de publiser ses
dessins, qu’il est contraint de diffuser sur la seule Toile (espace non contrôlé par le gouvernement Malaisien). Ses dessins apparaissent désormais régulièrement sur le site de Malaysiakini.com,
la principale source indépendante d’informations et d’opinions.
Zunar a subi de nombreuses tracasseries de la part des autorités. Il a été arrêté et détenu brièvement pour avoir publié des dessins qui n’épousaient pas la propagande officielle. En détention,
on l’a traité comme un criminel et jeté en cellule avec des voleurs et des drogués.
Sept de ses livres ont été interdits par le gouvernement malaisien, son bureau a fait l’objet de deux rafles policières, les imprimeries qui impriment ses livres sont constamment sujettes à des
descentes de police et les vendeurs sont menacés de représailles s’ils vendent ses recueils.
(Zunar)
Petite chronologie de ses difficiles relations avec le pouvoir :
CONFISCATION DE ‘GEDUNG KARTUN’
1. En septembre 2009, huit agents du ministère de l’Intérieur font une rafle à son bureau et confisquent 408 copies de son magazine de dessins de presse intitulé
‘Gedung Kartun’.
2. Il fait l’objet d’une enquête en vertu de la Loi sur l’Imprimerie et les Publications de 1984.
3. Le gouvernement menace de l’inculper en vertu de la Loi sur l’imprimerie et les publications, une inculpation passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à
trois ans ou d’une amende maximum de RM 20 000 (environ 4500 Euros).
4. Le gouvernement rafle l’imprimerie et saisit toutes les plaques d’impression.
5. L’imprimerie reçoit l’avertissement de ne plus publier ses livres à l’avenir, sous peine de se voir retirer son permis d’imprimer.
6. Le ministère de l’Intérieur confisque également toutes les copies de ‘Gedung Kartun’ qui se trouvent chez les marchands de journaux en les avertissant de ne plus
vendre les livres de Zunar.
7. ‘Gedung Kartun’ est interdit.
8. Zunar subit une perte estimée à RM 10 000 (environ 2 750 Euros).
(exposition de Londres, février 2012)
INTERDICTION DES PUBLICATIONS “1 FUNNY MALAYSIA”, “PERAK DARUL KARTUN” ET “ISU DALAM KARTUN”
1. En juin 2010, le gouvernement malaisien annonce l’interdiction de cinq livres de dessins politiques de Zunar, en application de la Loi sur l’imprimerie et les publications, à savoir:
a. “1 Funny Malaysia”
b. “Perak Darul Kartun”
c. “Isu Dalam Kartun vol 1”
d. “Isu Dalam Kartun vol 2”
e. “Isu Dalam Kartun vol 3”
2. Le gouvernement prétend que les dessins de Zunar ‘peuvent influencer les gens à se révolter contre les dirigeants et les mesures gouvernementales et nuisent à l’ordre public’ afin de justifier
cette interdiction.
3. En conséquence, tous les livres ont été retirés de la vente et renvoyés à Zunar, lui faisant subir une perte estimée à RM 80 000 (18 000 Euros).
“CARTOON-O-PHOBIA”: EN PLEIN FLOU
1.Le 24 septembre 2010, dix policiers font une descente à son bureau de Kuala Lumpur, quatre heures seulement avant le lancement de son nouveau recueil de dessins, ‘Cartoon-O-Phobia’.
Zunar est arrêté, jeté en prison et incarcéré pendant deux jours sous la draconienne Loi de Sédition de 1948, qui prévoit un emprisonnement maximum de trois ans.
Soixante-six copies de ‘Cartoon-O-Phobia’ sont saisies, ainsi qu’un dessin original prévu pour la cérémonie. Tous ces objets sont toujours en possession de la police.
2.Au même moment, 30 autres policiers font des descentes dans deux imprimeries différentes, et menacent les imprimeurs de leur retirer leur licence s’ils continuent à imprimer les dessins de
Zunar.
Les policiers se rendent également au siège de Malaysiakini, l’éditeur, pour saisir le reste des livres déjà imprimés.
En conséquence de ces intimidations, ‘Cartoon-O-Phobia’ ne peut être vendu librement. Les vendeurs courent le risque de se voir inculper par le gouvernement sous la Loi de Sédition. Zunar doit se
contenter de vendre son livre sur internet, ce qui représente un marché très limité.
BATAILLE JURIDIQUE
Zunar est déterminé à continuer de révéler la corruption du gouvernement malaisien ainsi que divers sujets d’importance tels que les abus de pouvoir, les brutalités policières, les violations des
droits de l’homme et le détournement de fonds publics.
1.En juillet 2010, il intente un procès au gouvernement malaisien pour contester l’interdiction de ses livres ‘1Funny Malaysia’, ‘Perak Darul Kartun’ et les trois volumes de ‘Isu Dalam Kartun’.
Dans son procès, il demande au tribunal de déclarer que l’interdiction est illégale et enfreint le droit à la liberté d’expression garantie par la constitution fédérale de la Malaisie.
L’interdiction enfreint également les lois de justice naturelle et a été faite en mauvaise foi.
Le procès a été rejeté par le tribunal le 14 juillet 2011.
2.En juin 2011, Zunar intente un autre procès au gouvernement malaisien pour l’avoir détenu illégalement le 24 septembre 2010.
Selon lui, son arrestation et sa détention étaient de mauvaise foi et motivées par des raisons politiques.
Ce procès met en lumière la violation des droits de l’homme et des droits constitutionnels, les pouvoirs excessifs de la police, l’abus de lois vétustes et draconiennes telles que la Loi de
Sédition et la Loi sur l’imprimerie et les publications, et la collusion entre le gouvernement et la police.
Le tribunal n’a pas encore fixé de date pour ce procès.
PUBLICATIONS
1. Cartoon on Tun (Dessins sur Tun)
2. 1 Funny Malaysia (Drôle de 1-Malaisie, interdit)
3. Cartoon-O-Phobia (Dessin-o-phobie, interdit)
4. Even My Pen Has A Stand (Même ma plume se tient droit)
5. Gedung Kartun (L’Entrepôt des dessins, interdit)
6. Perak Darul Kartun (Perak, L’Etat en Dessins, interdit)
7. Isu Dalam Kartun Vol I (Dessins divers I, interdit)
8. Isu Dalam Kartun Vol II (Dessins divers II, interdit)
9. Isu Dalam Kartun Vol III (Dessins divers III, interdit)
RECOMPENSES:
1. “Courage in Editorial Cartooning Award 2011” (Récompense pour le Courage dans le Dessin de Presse) décernée par Cartoonists Rights Network International
(CRNI).
2. Artiste en Résidence 2011, Fondation Bilbao Arte Fundazioa et BBK, Espagne.
3. Human Rights Watch Hellman/Hammett Award (Récompense Hellman/Hammett pour les Droits de l’Homme) pour l’année 2011.