Clandestino : une BD d’Aurel sur la dure vie des immigrés clandestins

Les lecteurs du journal Le Monde et de Politis connaissent bien le dessinateur Aurel, régulièrement présent dans ces deux tires (entre autres). Comme au XIXe siècle, le dessinateur d’actualité aujourd’hui, quand il a du talent, a plus d’une corde à son arc. Il se fait parfois illustrateur, auteur d’affiches, de bandes dessinées voire de films d’animation pour certains bien connus (Jul, Silex and the city sur Arte, et avant lui bien sûr Émile Cohl !). En ce qui concerne la BD, Aurel n’en est pas à son coup d’essai, ayant privilégié jusque-là les affres de la vie politique et financière. Avec son dernier opus, Clandestino, le dessinateur nous entraîne dans un univers poignant et terrible, celui des immigrés clandestins qui tentent le passage entre l’Afrique du Nord et l’Espagne.

Aurel met en scène un ancien secrétaire de rédaction français à la dérive (affective) propulsé journaliste débutant qui répond à une commande pour un magazine américain (qui s'intéresse à d'autres situations d'immigration clandestine dans le monde). Une bonne moitié du récit est construit autour des débuts de l’enquête en Algérie, l'objectif étant de rentrer en contact avec quelques postulants à la migration. Mais c’est dans la seconde partie de son travail qu’Aurel touche le plus fortement le lecteur, lorsque notre héros journaliste rentre en Europe via le Sud de l’Espagne dans le but de retrouver ses contacts aspirants clandestins, l’un ayant traversé en barque, l’autre caché sous un camion… Occasion d’effleurer quelques unes de ces vies de misère et d’exploitation d'hommes bien sûr, mais également de femmes qui se sont elles aussi arrachées à leur famille, à leurs enfants, dans l'espoir de gagner quelques sous. Car ces immigrés sont avant tout des travailleurs comme on peut le lire sur l’illustration de la couverture de Clandestino qui reproduit un graffiti anarchiste espagnol : « los inmigrantes tambien son de la clase obrera ». Des travailleurs surexploités, pour certains en état de quasi esclavage dans des serres géantes qui fournissent l’Europe en fruits et légumes en toutes saisons…

Aurel appuie son récit sur une véritable enquête menée sur place avec un autre journaliste pour le compte du Monde Diplomatique. Un témoignage particulièrement touchant et révoltant à la fois, servi par des images souvent sombres et quasi monochromes. Une BD à côté de laquelle les âneries réactionnaires et racistes que l'on entend hélas sur les immigrés paraissent encore plus absurdes...

Merci Aurel !

GD, mai 2014

Tag(s) : #Comptes-rendus recueils, #News
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