Si j’étais dessinateur de presse, je représenterais Charb, le directeur de Charlie Hebdo assassiné mercredi 7 janvier, se tenant la tête, désespéré. En arrière plan, on verrait une manifestation de grands dirigeants politiques de la planète, tenant une banderole sur laquelle on pourrait lire « nous sommes Charlie ». Et le titre du dessin serait « C’est dur d’être aimé par des cons ». Ces gens-là représentent l’antithèse de ce qu’était Charlie Hebdo.
Depuis des années, le journal s’était associé à RESF et défendait les sans papiers, soutenait le DAL et les chômeurs, défendait les luttes sociales, dénonçait la montée de la misère, les idées d’extrême droite, le racisme en général et l’antisémitisme en particulier (de Dieudonné ou d’autres), tout en condamnant les massacres de civils perpétrés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza ces derniers mois.
La récupération politique de très grande envergure à laquelle nous assistons a de quoi écœurer et révolter. Ces gens-là sèment la misère, dressent les populations les unes contre les autres, participent à l’appauvrissement des couches populaires dans le monde et alimentent la montée des intégrismes. Oui, c’est de l’écœurement et de la colère que j'éprouve d’avoir perdu des amis qui, contrairement à tous ces dirigeants qui servent la soupe à de plus grands qu’eux, se battaient de manière désintéressée pour défendre des idées généreuses. Écœurement et révolte de voir leur mémoire souillée, récupérée, pour justifier des institutions et des politiques qu’ils désapprouvaient. C’est comme si on les tuait une deuxième fois.
Guillaume Doizy
PS, si un dessinateur avait la bonne idée de réaliser le dessin évoqué ci-dessus... il servirait à illustrer ce billet de mauvaise humeur...