«Charlie Hebdo»: trisomique, est-ce une insulte ? : lu sur www.letemps.ch

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«Charlie Hebdo»: trisomique, est-ce une insulte ?

Une association porte plainte contre l'hebdomadaire satirique pour sa couverture du 7 octobre. Laquelle moque la filiation hasardeuse, sur fond de handicap, entre la députée européenne et le général de Gaulle

«Je trouve la caricature de «Charlie Hebdo» radicalement honteuse.» Ainsi s’exprimait l’ex-ministre de l’ex-UMP Valérie Pécresse au lendemain de la publication, le 7 octobre, de la couverture du magazine présentant Nadine Morano comme «la fille cachée trisomique du général de Gaulle».

Le dessin faisait allusion à la polémique soulevée par les propos de la députée européenne qui avait qualifié la France de pays «de race blanche», citant le général.

Qu’est-ce qui est honteux dans cette filiation hasardeuse? Que le dessin sous-entende un retard cognitif chez Nadine Morano? Qu’il remette en mémoire que le général a eu une fille, Anne, atteinte du chromosome 21, qu’il adorait et qui mourut en 1948, à 20 ans? Que le magazine s’attaque à des êtres sans défense? Qu’il rajoute du racisme au racisme, comme l’estime le président de la Fondation Lejeune qui rappelle que pendant longtemps «on a jugé que les trisomiques étaient le fruit d’une dégénérescence de la race blanche vers la race jaune, d’où le nom de «mongoliens».
Ce qui est sûr, c’est que cette une a scandalisé les réseaux sociaux - sans vraiment faire rire les fans du magazine. Deux courants se sont distingués dans l’indignation. D’un côté, les catholiques conservateurs; de l’autre, les proches ou les parents de handicapés.
«Charlie» coupable de «racisme chromosomique»

Les premiers, portés par Philippe de Villiers, ont dénoncé le «racisme chromosomique» de «Charlie Hebdo». Voyant planer «l’astre noir de l’eugénisme nazi», ils ne manquent pas de rappeler que «96% des bébés trisomiques sont éliminés du ventre leur mère». C’était d’ailleurs le message d’un clip choc, «Dear futur Mom», qui avait été censuré en juin par le Conseil supérieur de l’audiovisuel parce qu’il faisait pression sur les mères et remettait en cause l’avortement.

Les seconds ont trouvé leur porte-voix avec Caroline Boudet, dont le témoignage d’amour envers sa fillette trisomique a fait le tour du monde cet été, via Facebook. Elle qui se bat pour ne pas réduire sa fille à un handicap, écrit dans une lettre ouverte à «Charlie»: «Ta couv me blesse […] La bêtise, ce n’est pas la trisomie.» Elle réassure néanmoins son soutien au journal.

Cette indignation collective s’est concrétisée mercredi par une plainte déposée par l’association Handi Pop', à laquelle se sont jointes plusieurs familles. Le Tribunal de grande instance de Paris va devoir à nouveau trancher pour savoir si cette caricature est une diffamation en raison du handicap, selon la loi du 30 décembre 2004.

D’autres maladies relèvent du même principe: la mucoviscidose, l’anorexie ou l’autisme. Cet été, par exemple, la rédaction de «L’Hebdo» a reçu un e-mail d’un certain Mike Wan demandant que soit retirée la mention «autiste» – jugée injurieuse – à la comédienne Miss Ming dans un article paru en 2010! C’est elle-même pourtant qui se présente ainsi.
Il y eut des précédents

D’autres avant «Charlie Hebdo» ont fait de l’humour avec ce handicap qui touche entre 65 000 et 70 000 personnes en France. On se souvient de Patrick Timsit, en 1999, qui comparait un trisomique à une crevette: «Tout est bon sauf la tête.» Un père d’enfant handicapé avait porté plainte. Il n’y eut pas de procès, les deux parties s’étant entendues pour monter ensemble une association.

Pas de poursuites non plus pour Elie Semoun lâchant hors micro: «On va les niquer les trisomiques.» Même Dieudonné a été relaxé en traitant Manuel Valls de «Mussolini trisomique». Pour un lecteur de «Charlie», également père d’un petit garçon atteint de la maladie, «on ne peut pas à la fois réclamer le maximum de normalité pour un handicap mental et le considérer comme «humoristiquement intouchable».

Riss et sa rédaction échapperont-ils alors à la sanction? Pour l’avocat Mathieu Davy, rien n’est moins sûr, tant l’esprit consensuel du 11 janvier a disparu. «Le problème, ce ne sont pas les handicapés, c’est «Charlie Hebdo.» L’avocat observe combien, toujours au nom des autres, de plus en plus de groupes appellent à la censure et demandent justice. «Aujourd’hui, on règle son compte à «Charlie.»

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