Dessinateur de presse, fondateur de journaux, journaliste, photographe, auteur de livres, chansonnier, Alfred Le Petit (1841-1909) a eu la bonne idée de conserver et transmettre à ses descendants des milliers de lettres envoyées (copies) ou reçues. Lettres familiales (à ses parents, se femme ou son fils Alfred-Marie, très instructives), courriers professionnels bien sûr, qui reflètent ses activités pendant une bonne quarantaine d’années. Nous publions dans les semaines qui viennent quelques unes de ces missives inédites, en expliquant leur contenu.
Dans la lettre ci-dessous datée du 2 octobre 1898 adressée à son fils Alfred-Marie, Alfred Le Petit qui signe « le Vieux » évoque son travail au journal La Patrie. Il est un des premiers dessinateurs non pas à avoir fourni des dessins à un quotidien, mais à avoir alimenté quotidiennement un tel journal. Alfred, qui commence sa carrière à l’extrême gauche en montrant quelques sympathies pour la Commune, se situe en soutien des républicains radicaux, très anticlérical dans les années1870-1880 ; il s’enthousiasme pour Boulanger à la fin des années 1880 puis prend position contre Dreyfus en distillant alors nombre de dessins antisémites. C’est la ligne éditoriale du journal La Patrie. Alfred est inquiet, depuis quelques temps explique-t-il, d’autres dessinateurs envoient leurs œuvres au journal qui lui demande de réduire ses propositions à 3 par semaine. Autre sujet d’inquiétude, la paie. Mais Alfred Le Petit rassure son fils. Il évoque également ses promenades au bord de la Seine, en vue de réaliser des aquarelles. Depuis une dizaine d’années, le dessinateur de presse a réduit cette part de son activité au profit d’une démarche plus picturale. Il exposera à la galerie Bernheim à Paris. La lettre fait également référence à « Kodack », c'est-à-dire à la photographie. Depuis une bonne quinzaine d’années, Le Petit se promène dans la campagne entre Paris et Rouen, en rayonnant autour de sa région natale (Alfred est né à Aumale en Seine-Maritime ; mention de Fallencourt) crayon et appareil photo dans ses sacoches de cycliste. Comme nombre de ses collègues dessinateurs et en premier lieu Nadar, il se passionne pour la nouvelle technique. Il croque et photographie la population des campagnes, vend des portraits ou des caricatures, se lie aux gens. Cette lettre, aussi modeste soit-elle, reflète une gamme assez large de ses activités à la fin du 19e siècle !
Guillaume Doizy
Alfred Le Petit, un dessinateur de presse engagé (exposition)
Dessinateur de presse, fondateur de journaux satiriques, Alfred Le Petit incarne la figure type du caricaturiste politique de la seconde moitié du XIXe siècle. Engagé en faveur de la République...