Dessinateur de presse, fondateur de journaux, journaliste, photographe, auteur de livres, chansonnier, Alfred Le Petit (1841-1909) a eu la bonne idée de conserver et transmettre à ses descendants des milliers de lettres envoyées (copies) ou reçues. Lettres familiales (à ses parents, se femme ou son fils Alfred-Marie, très instructives), courriers professionnels bien sûr, qui reflètent ses activités pendant une bonne quarantaine d’années. Nous publions quelques unes de ces missives inédites, en expliquant leur contenu.
Depuis le Second Empire et jusqu'à la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse, et hormis pendant la période particulière qui s'étend de la fondation de la IIIe république le 4 septembre 1870 à la répression sanglante de la Commune l'année suivante, les dessinateurs de presse doivent obtenir l'autorisation écrite de toute personne dont ils souhaitent publier la caricature. Nul n'est en mesure à ce jour d'indiquer quel document fonde cette obligation, la loi organique de 1852 sur la presse, souvent associée à cette interdiction, ne l'évoquant absolument pas. Comme ses confrères dessinateurs, Alfred Le Petit envoie des dizaines de lettres (pour ne pas dire des centaines) pour obtenir ce fameux sésame. A la fin des années 1860, certains journaux satiriques ont commencé à prendre l'habitude de publier sous la caricature, les quelques lignes adressées par la caricaturé, propos parfois mordants, plaidoyers éventuels en faveur de la liberté des crayons. Comme de juste, les célébrités réactionnaires ont tendance à refuser l'autorisation demandée (Lamartine ; Louis Veuillot...), journalistes et figures de la vie politique de sensibilité républicaine se montrant a contrario d'autant plus prompts à donner leur autorisation que les dessinateurs républicains leur offrent en cette occasion une forme de tribune dessinée. C'est la grande époque du portrait-charge et de la biographomanie.
Dans ses lettres, Alfred Le Petit fait généralement référence à la censure, met en avant son projet républicain. Il demande également parfois à la personne sollicitée une photographie, à partir de laquelle il réalisera sa caricature. C'est l'occasion, pour le dessinateur de presse, d'entretenir une forme de proximité avec les députés et ainsi d'étendre son réseau.
Guillaume Doizy