Comme toute autre revue, Papiers Nickelés publie des numéros qui stimulent plus ou moins notre curiosité et notre intérêt. Ce n°79 n’a pas manqué de nous intéresser pour ses principaux articles, à commencer par celui qui explore l’histoire du dessinateur collabo français André Daix, l’inventeur du « professeur Nimbus », auteur entre autres pendant la Seconde Guerre mondiale d’une BD vantant le STO et d’un court-métrage commandé par le Centre d’études antibolchéviques sous le titre « Nimbus libéré ». Antoine Sausverd nous apprend que, comme finalement assez peu de dessinateurs de presse, Daix était un militant, engagé dans La Francisque, un petit parti d’extrême droite, engagement qui rappelle celui du dessinateur Ralph Soupault, dirigeant parisien du Parti Populaire Français. Comme Soupault, Daix est condamné une fois la guerre terminée. Ce dernier s’exilera au Portugal pour échapper une lourde condamnation à vingt ans de travaux forcés. L’article retrace en parallèle la vie d’un dessinateur de BD allemand, Erich Ohser, dont le parcours ressemble à celui de Daix, mais dans un rapport politique inversé, puisqu’Ohser milite et dessine pour la Social démocratie outre Rhin, avant de se soumettre, avec bien des difficultés, aux adorateurs d’Hitler. Ohser sera d’ailleurs condamné en 44 par les nazis, et se suicide alors. Comble de l’ironie, Daix piquait à Ohser certaines idées de strip…
On lira également avec intérêt l’article sur le drolatique dessinateur Deligne et également une pépite qui évoque le travail original du dessinateur anglais Wallis Rigby, qui concevait des maquettes d’avions ou autres moyens de transport, imprimées sur papier ou carton, à monter soi-même bien sûr.
D’autres textes retiendront l’attention, tel celui sur les manuscrits d’Anne de Bretagne, ou encore Henriot. On s’interroge sur un aspet des quelques pages consacrées à Germaine Bouret, qu’Yves Frémion voudrait bien revisiter en « résistante », notamment du fait d’une de ses cartes postales « étonnante », publiée « en fin de guerre » et qui présente une fillette embrassée par deux gamins portant des casques anglais et français, avec en arrière plan des drapeaux qui renvoient à l’iconographie de la Libération. Sauf que, sans info sur la date exacte de publication, il nous paraît bien difficile d’en faire un élément sur lequel s’appuyer pour décerner à Germaine Bouret un brevet de résistance. Rien n’indique que cette carte ait été publiée avant la Libération...
Autres z’interrogations, l’analyse d’une planche de BD du dessinateur O’Galop parue en 1930 sous le titre « Histoire merveilleuse du PETIT NEGRO », page publicitaire vantant les mérites d’une « culotte d’enfant douce et solide » du même nom. « Il s’agit-là, indique l’auteur de l’analyse, d’une imagerie à la teneur des plus surprenantes, car totalement disruptive en 1930 ». Bof…
La planche porte tous les horribles poncifs de l’imagerie coloniale et paternaliste, noirs à lèvres surdimensionnées, association à l’animalité (enfant noir ami des singes, gentil sauvage proche de la nature), soumission de l’africain aux intérêts de la France « sa grande patrie » et adaptation à ses codes en tant que bon noir méritant. C’est bien cette image que véhicule depuis les années 1910 la marque Banania, au travers notamment de son tirailleur rigolard, jugé suffisamment positif dans l’esprit du français métropolitain pour servir de support au message publicitaire. De ce point de vue, « L’histoire merveilleuse du Petit Négro » d’Ogalop n’a rien de… disruptif.
On vous le dit néanmoins, procurez-vous sans tarder ce chouette numéro de PN !

Papiers Nickelés n°79
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