Par Marina Bujoli-Minetti
« Hell Broke Loose, or, the Murder of Louis » est probablement la première des 8 satires produites en Grande-Bretagne après le 21 janvier 1793 (1), événement
retranscrit presque exclusivement par des scènes historiques. La caricature permet une plus grande liberté et radicalise le message politique véhiculé, « Les diables sont déchaînés ou le meurtre
de Louis » opposant nettement les mondes céleste et infernal.
Le second caractérise la France républicaine, ses représentants et ses partisans, diablotins dont certains volent en claironnant et tambourinant le « ça ira » et « vive la nation. » Elle a usurpé
les prérogatives et emblèmes royaux, s’en est revêtue et prétend dominer le monde terrestre et marin, ce dernier étant incarné par le citoyen portant le trident et la couronne de Neptune qui
chevauche un monstre.
Mais ces ambitions démesurées sont confrontées au monde divin auquel Louis XVI, qui les domine par sa taille, appartient. Allongé sur la planche de la guillotine, le couperet sur son cou, son
sang n’a pas encore coulé, sa tête décapitée est rarement figurée et constitue un tabou visuel outre-Manche. La satire souligne qu’elle demeure sacrée par le crucifix en or irradiant de lumière
près du panier où elle va tomber et du prêtre priant à genoux, sa Bible ouverte.
Dieu est aux côtés du condamné et de la monarchie, il envoie à travers les nuages un ange sonnant la trompette de la Renommée et baigne de sa lumière le souverain. Il punira une République
régicide, œuvre du Diable, selon William Dent et son éditeur James Aitken. Ces membres de l’Opposition britannique évoluent, comme la plupart de leurs collègues, vers le conservatisme et la
défense de la politique royale de George III.
Leurs productions s’ajoutent à celles des loyalistes envers la couronne et viennent garnir les murs des tavernes, certaines sont reportées sur des objets de la vie courante, tels les deux pichets
utilisés dans ces établissements sur lesquels figure « The Martyr of Equality ». Le duc d’Orléans, Phillipe-Egalité, tient la tête ensanglantée de Louis XVI, allusion à son vote pour la
condamnation à mort de son cousin.
Ces gravures étaient parfois vendues « pro bono publico », dont « The Zenith of French Glory » condamnant le 21 janvier 1793, ce qui les rendaient accessibles aux ouvriers pour lesquelles elles
étaient sinon trop chères. Ces derniers pouvaient les admirer dans les vitrines des marchands d’estampes, entrer dans ces magasins pour 1 shilling ou louer des folios de caricatures pour le même
prix, alors que les classes aisées les achetaient pour les encadrer et les exposer dans leurs demeures.
Les archives des auteurs et éditeurs ayant disparu, la production et la diffusion de ces caricatures ne peuvent être véritablement mesurées. Elles ont probablement joué un rôle dans le
basculement de l’ensemble de la société en faveur de la politique gouvernementale, la mort de Louis XVI ayant suscité un émoi national en Grande-Bretagne.
(1) Musée de la Révolution française 1989-98. Sa date d’édition est soit le 25 janvier 1793, soit le 25 juin, le mois étant difficile à déchiffrer.