Cabu, l’observateur engagé, entretiens avec Patrice Tourne, éditions de l’Aube, 107 p., 11 euros.
L’amateur de dessin de presse s’interroge souvent sur le métier de dessinateur et ses coulisses. Ainsi, lorsque paraît un ouvrage d’entretien avec Cabu (diffusé d’abord sur France Culture, émission A voix nue), un des piliers du dessin satirique en France, la curiosité le dispute à l’enthousiasme. Le génie du crayon qui nous surprend chaque semaine par ses gags et ses trouvailles graphiques dans un style épuré et direct, devrait livrer de passionnantes analyses sur la situation politique, sur le rôle des médias et leurs dérives, sur l’évolution du métier, sur la nature d’un art combinant l’éphémère, le rire ou le sarcasme.
Certes, Cabu raconte quelques anecdotes sur sa vie, ses débuts dans le métier encore lycéen ou jeune provincial « monté » à Paris. Mais globalement, au fil des pages de ce petit opuscule sans illustration, le lecteur éprouve bien vite une certaine déception. « L’engagement » de Cabu reste à chaque fois très modéré, comme superficiel et on peine à saisir une sensibilité au monde que l’on imagine particulière chez un tel artiste ! Le caricaturiste retient par exemple de 68 des rues parisiennes désertes dans lesquelles il roulait à vélo à contre sens. Pas un mot pour la grève générale, Cabu se préoccupant alors plus d’écologie et de consumérisme que de lutte de classe. Même l’antimilitarisme de Cabu semble procéder d’un enchaînement d’événements dans lequel la révolte du dessinateur tient une place assez faible.
Il faut dire que les questions auxquelles doit répondre le caricaturiste de Charlie Hebdo et du Canard ne favorisent certainement pas l'expression d'une pensée riche et profonde.
Cabu reste un dessinateur hors pair, souvent un des plus percutant, et ses 68 ans ne semblent en rien pouvoir réduire sa puissance créative quand il s’agit de réagir à l’état du monde avec l’arme du crayon.
GD, le 18 décembre 2008.
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