« A la une » - La presse de la Gazette à Internet, catalogue d’exposition sous la direction de Philippe Mezzasalma, Bibliothèque Nationale de France, 280 p., 44€.
La longue crise que traverse la presse papier depuis plusieurs décennies et l’émergence du web, puis de supports audiovisuels connectés portatifs doués d’un fort potentiel interactif, ont multiplié ces dernières années les réflexions sur l’avenir de ladite presse. La Bibliothèque nationale de France s’est fait l’écho de ces interrogations en organisant une exposition sur l’histoire de la presse depuis ses « origines » (la Gazette de Renaudot au XVIIe siècle) jusqu’à nos jours. Qui de mieux placé en effet pour organiser une telle manifestation ? Avec le dépôt légal imposant à tout éditeur de céder quelques exemplaires de chaque publication à l’organisme public, la BNF a constitué la plus grande collection d’imprimés et de périodiques en France, une collection évaluée à plu de 100 000 titres en ce qui concerne la presse d’information et d’opinion, nécessitant des kilomètres de rayonnage, des dizaines de milliers de microfilms et dorénavant des serveurs entiers pour assurer la conservation et la diffusion de ces journaux auprès du public.
L’exposition s’ingénie à retracer l’histoire de ce que l’on considère aujourd’hui comme « la fabrique de l’information » (on devrait plutôt parler de fabrique médiatique). Il s’agit d’insister sur l’histoire des journaux, leur place et leur rôle dans la société, des modes d’impression et de diffusion, des types de journalismes et enfin de la réception (modes de lecture de la presse, perception de la presse par le public). Le catalogue adopte un cheminement chronologique segmenté en quatre grandes parties couvertes par 5 éminents spécialistes : Gilles Feyel évoque « les origines jusqu’à 1799 », Bertrand Tillier évoque la presse (et la nouveauté que constitue le recours à l’illustration) entre 1800 et 1900, la première moitié du XXe siècle est explorée par Christian Delporte, Patrick Eveno détaille l’évolution de la grande presse de 1950 à nos jours tandis qu’Agnès Chauveau réfléchit à l’émergence d’un « nouveau journalisme » (depuis l’émergence du web 2.0 notamment).
Chaque partie est nourrie d’illustrations, elles mêmes éclairées par de fortes notices. Le lecteur découvre aussi bien les couvertures des journaux et leur histoire, que des gravures ou photographies de journalistes et de patrons de presse, des reproductions d’objets et de documents qui interviennent dans le processus de fabrication de l’information (machines à imprimer, cartes de presse, etc.).
Le catalogue fait la part belle à la presse écrite et n’évoque qu’à la marge la radio et la télévision. Le lecteur constate avec effarement l’extrême recul de la presse écrite depuis un siècle, la presse française étant en 1900 la première en Europe et la seconde à l’échelle du monde (après les USA) en terme de tirage, reléguée ces dernières années au-delà de la 50e place. Pour expliquer cette lente érosion, la presse écrite n’a cessé de désigner l’émergence de nouveaux médias (la radio, puis la télévision et enfin l’Internet) mais il faut noter que les crises qui ont frappé le secteur sont toutes antérieures à l’apparition de ces nouveaux modes de fabrication et de diffusion du flux médiatique. Il faut noter également que la presse écrite se montre très dynamique dans certaines parties du monde aujourd’hui.
Les auteurs de ce passionnant catalogue dirigé par Philippe Mezzasalma, insistent sur le rôle démocratique de la presse écrite depuis ses origines, le journal donnant au lecteur sa dose d’information lui permettant de se positionner dans la vie de la cité. L’imprimé constitue indéniablement un formidable outil de diffusion de la pensée, des opinions, de l’idéologie et du savoir. Mais cette vision peut-être un peu idyllique ne doit pas faire oublier que le secteur de la grande presse est tenu depuis le dernier tiers du XIXe siècle par des puissances financières ou politiques sur lesquelles les citoyens n’exercent finalement aucun contrôle.
Site de la BNF dédié au sujet de l'exposition
GD, octobre 2012