Goguenard, par Pierre Ballouhey, ed. Le Bateau camionette, 25 €, pierre.ballouhey@free.fr
Préface de Guillaume Doizy :
Après « 2007, Chaussettes ! » et « 2008, ‘Pas la frite ! », voici venu le temps de « Goguenard ». Goguenard ? « Moqueur, narquois » indiquent les dictionnaires. De gogue, « plaisanterie, bonne humeur et raillerie » en ancien français, qui a également donné goguenarder, goguenarderie. Un mot et ses dérivés dont l’emploi se raréfie, mais qui demeurent pourtant bien savoureux…
Railleur Ballouhey ? Moqueur ? Narquois ? Plaisantin ? Sceptique même ? Goguenard, quoi !
Le recueil de cette année 2009 finissante traduit bien la nature très plurielle du ton et du talent de Pierre Ballouhey. Du jazz à l’écologie, de la politique internationale à l’évolution du Paf, de Sarkozy à Obama, de la crise financière à la grève générale en Guadeloupe, de l’Iran à la pétanque, aucun sujet n’échappe à la sagacité… goguenarde du dessinateur.
En ces temps de paradoxe, quand la bourse sable le champagne pour fêter ses prises de bénéfices et qu’ailleurs les mêmes ou d’autres sabrent les… emplois, difficile de ne pas sombrer dans l’aigreur. Pour tenir la tête hors de l’eau, rien de tel qu’un dessin de presse, un dessin d’humeur, une bonne caricature.
Piqûre de rappel en quelque sorte, vaccin contre la grippe politique et sociétale qui nous cloue au lit avec 40 de fièvre depuis trop longtemps !
Pierre Ballouhey, magicien, poète ou bien clown ?
Le dessinateur d’actualité use de raillerie, d’humour et de comique pour émouvoir, égayer ou indigner son public. Il élabore un monde particulier, pour mieux nous éveiller au monde. Usant de tours de magie visuels et linguistiques, Pierre Ballouhey flirte souvent avec la poésie, prend les habits du prestidigitateur pour mieux se jouer de ses cibles. Des convulsions du monde à l’univers ludique de la pétanque, Ballouhey souligne avec verve les facéties des hommes, leurs travers, leurs humaines faiblesses.
On reconnaît un dessinateur à son style. Nul doute que la patte de Pierre tranche sur celle de ses collègues. En règle générale, les personnages de Ballouhey bougent beaucoup. Le dessinateur aime les représenter en mouvement, multiplie les signes graphiques gesticulatoires tirés de la bande dessinée, comme s’il tentait de saisir une actualité trépidante et toujours plus bousculée. Ballouhey piège les protagonistes de notre temps dans l’intimité d’une action presque insaisissable, bien vite effacée par de nouveaux coups de projecteurs médiatiques. Il travaille les matières, fuit les aplats de couleur froids et impersonnels. Les superpositions de nuances aquarellées, la trace du pinceau visible mais à peine, inspirent le mouvement, séduisent le regard, donnent de l’épaisseur à l’image.
Ballouhey goguenard ? Oui, pour des lecteurs… veinards !
Guillaume Doizy
Voir le blog de Pierre Ballouhey