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Emmanuel Caloyanni, Ralph Soupault, dessinateur de l’extrême, Biographie – Geste éditions, 327 p., 9€.

 

Dans les années 1930, les extrêmes politiques, particulièrement dynamiques, produisent les caricaturistes les plus talentueux : Cabrol et Gassier du côté communiste, Sennep et Soupault pour la droite plus ou moins extrême.

Diverses études ont été consacrées au génie du très droitier Sennep. Ralph Soupault, de son côté, n’a pas bénéficié d’un tel intérêt. Une raison simple : Sennep, après avoir fricoté avec l’Action française n’a jamais versé dans l’antisémitisme et s’est montré hostile à la collaboration, quand Ralph Soupault a intégré le PPF de Jacques Doriot dès sa fondation, y militant jusqu’à la mort du « chef ». Soupault déverse alors sa haine graphique contre les communistes et l’Urss, les francs-maçons, puis également les juifs et la résistance, d’abord dans Candide et Gringoire, et finalement dans le célèbre journal collaborationniste Je suis partout.

Talent et ignominie se conjuguent parfois, et font frémir d’horreur. Ralph Soupault a excellé dans la combinaison deux, sans jamais d’ailleurs éprouver de remords pour son adhésion à la Révolution nationale.

D’une famille communiste, Soupault découvre le nationalisme pendant sons service militaire. Après diverses errances à l’extrême droite il adhère au PPF sans pour autant cesser ses collaborations aux journaux d’une nébuleuse alors marquée par la division. Emmanuel Caloyanni, dans cet ouvrage au titre ambigu, restitue la vie de ce dessinateur engagé et militant. L’auteur étudie diverses archives, et notamment les documents de justice produits lors de l’épuration, mais aussi des témoignages de la famille. On découvre ainsi l’itinéraire d’un de ces hommes qui, bien qu’hostile au départ à Hitler, craint bien plus le « péril » bolchevik, même sous sa forme stalinisée, que le chef nazi. Avant la guerre, mais plus encore sous Vichy, le caricaturiste Soupault devient la coqueluche de la presse d’extrême droite plus ou moins officielle. Les éditeurs se bousculent pour lui faire illustrer leurs ouvrages. Mais plutôt que de succomber aux sirènes de la fortune, Soupault préfère continuer à défendre son idéologie. Il dirige alors la section du PPF du 18e arrondissement puis la fédération de Paris-Ville pendant quelques mois. Condamné à la Libération à 15 ans de travaux forcés, Soupault retrouvera rapidement la liberté et du travail, notamment au journal d’extrême droite le Rivarol.

Emmanuel Caloyanni, sans complaisance vis-à-vis de Soupault, s’intéresse avant tout au destin politique de ce caricaturiste nauséabond, mais d’une efficacité visuelle redoutable. Il nous révèle cet itinéraire hors norme, et pourtant si typique des années 1930 et de la collaboration. Regrettons que l’auteur, non spécialiste de la caricature, délaisse quelque peu le métier même du dessinateur, sa manière de travailler, d’élaborer ces images polémiques, n’aborde que de manière superficielle la rhétorique visuelle et satirique au travers de laquelle Ralph Soupault diffuse sa haine nationaliste et raciste, dans la lignée de la Libre parole illustrée de Drumont. L’ouvrage n’éclaire pas non plus le lecteur sur la réception de ces images, sur la manière dont elles ont pu être utilisées en dehors du support du journal, dans un cadre propagandiste et militant. Quel rôle ont eu de telles caricatures dans la diffusion de l’antisémitisme, dans la diffusion de la Révolution nationale ? Il faudrait comparer l’antisémitisme graphique de l’affaire Dreyfus à celui de la collaboration, analyser l’ensemble au regard de la caricature antisémite nazie, repérer les influences, les subordinations, les différences nationales et les nuances idéologiques. Comment interpréter ces images par rapport à la politique antisémite de Vichy, celle menée par l’occupant nazi et celle du IIIe Reich ?

Saluons tout de même ce pari difficile – et en partie réussi - que constitue la publication d’une biographie dévolue à un génial… mais ignoble caricaturiste. Un salaud qui aura mis son crayon au service d’une idéologie radicale mêlant socialisme antimarxiste et nationalisme, pour finalement, par anticommunisme, embrasser la défense du nazisme.

 

Guillaume Doizy, 20 octobre 2009

 

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