LE CARNET DE LA SEMAINE (1915-1934, Paris, France)
Notice extraite de Ridiculosa n°18, "La presse satirique française".
Depuis Le Cri de Paris, créé en 1897, la droite politique affiche nombre d’hebdomadaires d’échos s’intéressant aux coulisses du pouvoir ou aux élites « médiatiques », journaux notablement illustrés de dessins satiriques. De son côté, la gauche se montre certainement moins dynamique avec néanmoins La Grimace, Cyrano à ses débuts, Le Progrès civique, Le Voltaire, Floréal, La République. Le plus durable, Le Carnet de la Semaine, paraît pour la première fois le 10 avril 1915. Il est fondé par Henri Fabre, qui dirige également Les Hommes du jour (un journal particulièrement censuré pendant la guerre de 14) et crée en janvier 1917 le quotidien Le Journal du peuple. A cette date, Le Carnet tire à 25 000 exemplaires[1].
L’hebdomadaire de 20 pages (24x31cm) est dirigé dès 1917 par Albert Dubarry, proche des milieux radicaux, qui fonde la même année La Rampe (revue centrée sur l’actualité des théâtres) et crée plus tard le quotidien La Volonté. La publicité du Carnet est un temps affermée à la Société d'Edition et de Publicité, la S.A.P.E.P (de Dubarry), comme divers autres journaux d’échos (d'Artagnan, le Cri du Jour, la Rampe et Bec et Ongles). Aux temps de l’Affaire Stavisky, une certaine presse profite à plein de subsides malodorants grâce à ces réseaux publicitaires. C’est le cas de Dubarry, emprisonné en 1934 pour avoir goûté aux largesses du fameux « Alexandre ».
En plus des indiscrétions sur le monde politique, littéraire et des sports, Le Carnet entretient une rubrique sur les « coulisses » du théâtre, du music-hall, mais également du cinéma et bien sûr s’intéresse à l’actualité boursière. Comme le remarque La Revue des lectures dans le milieu des années 20[2], trois éléments importent en premier lieu : la tendance politique du journal qui défend « les gauches » ; le dessin de couverture qui fait l’objet d’une attention particulière ; enfin, le prix : celui du Carnet, inférieur à celui du Cri de Paris ou d’Aux Ecoutes notamment, permet aux fondateurs de viser un public plus populaire.
Illustré jusqu’à sa fin d’un grand dessin en « une », Le Carnet agrémente sa couverture d’aplats de couleur à partir de 1929 et cesse de paraître au début de l’année 1934, après avoir publié un peu moins de mille numéros.
Si cet hebdomadaire ne peut être considéré comme un organe de propagande malgré son positionnement à gauche, il demeure indéniablement marqué par le pacifisme de l’après-guerre avec une sensibilité particulière pour la dénonciation du sort des miséreux. Les dessinateurs, assez nombreux, explorent en priorité l’actualité intérieure, mais sans omettre les tensions internationales et notamment la montée du fascisme italien.
En plus de Marcolon, caricaturiste au trait prononcé, que l’on peut considérer comme le principal dessinateur du journal, d’autres artistes enrichissent la revue de l’originalité de leur style. On pense au coup de crayon sommaire, gestuel et très suggestif de Charles Blanc, au souci du détail d’Henri Monier ou à la simplicité enfantine de Dukercy. A l’instar du Progrès civique, Le Carnet produit des dessins d’actualité adoptant un ton relativement retenu, propre aux journaux d’échos de cette époque.
Guillaume Doizy
Pistes bibliographiques :
Nathalie Moreno, L’image des Etats-Unis à travers la caricature de 1914 à 1929 : le Rire, Le Canard enchaîné, Le Carnet de la Semaine, Aux Écoutes, Mémoire de maîtrise sous la direction de Claude Fohlen, 1984.