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Dessin de PÉPIN (1842-v 1910), « Le Paradis de Mahomet », Le Grelot n° 285, 24/9/1876.

 


La tentative d’assassinat de Kurt Westergaard par un jeune fondamentaliste isolé a remis sur le devant de la scène l’affaire des « caricatures » de Mahomet et les questions de terrorisme. Depuis 2005 et la publication de ces dessins et l’année suivante « l’embrasement » du Moyen Orient suite à leur republication, les menaces de mort n’ont cessé de pleuvoir contre les dessinateurs. Certaines tentatives d’attentats ont été déjouées. Ces derniers mois, deux ressortissants américains de la région de Chicaco ont été appréhendés et accusés de vouloir assassiner Westergaard, comme l’a rappelé l’ancien dessinateur Alan Gardner, sur son blog[1].

Les 12 dessins publiés par le Jyllands Posten en 2005 l’ont été dans des conditions assez suspectes (imaginons la publications aujourd’hui par le Figaro en plein débat sur l’Identité nationale de dessins figurant le seul Mahomet, au nom de la liberté d’expression…), certains de ces dessins soulignant d’ailleurs cette suspicion. Leur republication par 147 journaux dans le monde (soit une goutte d’eau par rapport à l’ensemble de la presse papier) a pris une toute autre dimension même si elle a pu parfois s’effectuer avec des arrières pensées, voire servir à alimenter l’image de cet « autre » étranger, lointain et dangereux, sans s’interroger sur ses propres responsabilités dans le chaos du monde. Volonté d’information (ou de manipulation) pour les uns, il s’est agit pour d’autres de protester contre les prétentions islamistes, qui, sous couvert de lutte contre le racisme anti musulman (si cette idée a du sens), veulent interdire le « blasphème » (notion très vague au demeurant), voire imposer un interdit plus ou moins respecté par la tradition iconographique musulmane elle-même, aux non musulmans.

Si en France la republication des caricatures par le journal conservateur France Soir au nom de la défense de Voltaire a pu sembler assez incongrue, celle de Charlie Hebdo s’est inscrite dans une tradition de critique des obscurantismes religieux. Charlie n’a pas manqué de viser bien sûr les intégristes musulmans, mais également les autres fondamentalismes, cibles traditionnelles du journal. Fort heureusement, les menaces subies et le procès intenté contre Charlie n'ont pas été couronnées de succès.

Cette tentative d’attentat prouve que l’affaire continue. Le climat de peur et l'autocensure qui en découle persiste également. L’université de Yale vient de publier un ouvrage passionnant sur cette crise et ses enjeux politiques, sociaux, culturels et iconographiques, intitulé The Cartoons that shook the world, et dont nous recommandons la lecture (en anglais). L’éditeur et l’auteure (Jytte Klausen) signalent dans une note liminaire l’autocensure à laquelle ils ont souscrit malgré leur volonté première d'illustrer le livre. Ils ont renoncé non seulement à reproduire les douze dessins incriminés par les fanatiques, mais également à publier une œuvre de Gustave Doré (donc du XIXe siècle), figurant Mahomet.

Si la manière de publier les douze dessins (ne visant que Mahomet), dans le Danemark de 2005, comme l'a fait le Jyllands Posten, nous semble témoigner soit d’une grande naïveté, soit d’une intention malveillante (viser le seul Mahomet dans un contexte de montée de la politique « anti-immigrés » gouvernementale soutenue par le journal lui-même, alors que le parti d’extrême droite danois affichait des succès électoraux insolents, pouvait laisser penser que le journal s'inscrivait plus dans le champ du racisme anti arabe que dans celui de la défense de la liberté d'exrpression autour de la question de l'obscurantisme religeux), nous ne pouvons que regretter la peur qui s’est installée et qui limite aujourd’hui la critique des fondamentalismes. Une peur qui entraine bien des renoncements, comme le fait de publier une œuvre graphique du XIXe siècle, ou encore qui pousse des éditeurs de manuels scolaires à flouter le visage de Mahomet tiré d'enluminures de manuscrits arabes anciens !

Si les médias invitent régulièrement les occidentaux à s’interroger sur les prétentions insupportables des islamistes les plus radicaux, rappelons qu’en Afrique, si on en croit le dessinateur Damien Glez, ces dernières décennies, plusieurs dessinateurs ont été assassinés, voire durement réprimés pour avoir, pour certains, écorné la religion chrétienne[2]...

 

Guillaume Doizy, le 5 janvier 2010

 

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[1] http://dailycartoonist.com/

[2] Voir l’article de Damien Glez sur le dessin de presse en Afrique

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