LE FOUET (1899-1900, Paris)

Notice extraite de Ridiculosa n°18, "La presse satirique française".


Le 15 octobre 1899, Le Fouet claque une première fois. « Social, satirique, illustré, hebdomadaire », il annonce vouloir rassembler les « républicains sincères, [les] radicaux, [les] socialistes » et « contrebalancer les effets de la propagande de placards et d’images effectuée grâce à l’argent des congrégations ». Les dessinateurs poseront leurs crayons le 27 mai 1900 après 33 livraisons en couleurs, sur 4 pages (33x49 cm). Pépin (Édouard Guillaumin) en est le fondateur et directeur, ainsi que le principal caricaturiste. Parmi les autres collaborateurs, on trouve, en pages intérieures, hormis celles de quelques anonymes, les productions de Fouque, Rouveyre, Roubille, Thomen, Yerres, Ibels et Couturier, ces deux derniers ayant été ardemment dreyfusards. Ces dessins en pages intérieures visent pour la plupart le clergé et les nationalistes.

Les crises politiques entraînent des ruptures au cœur même des journaux satiriques. Pépin avait, après quelques hésitations, pris finalement la défense de Dreyfus dans le fameux journal satirique républicain Le Grelot. Mais au moment du procès en révision de Dreyfus, en août 1899, la direction de l’hebdomadaire, alors hostile au capitaine, remercie finalement le dessinateur après une charge contre le général Mercier. Avec son nouvel hebdomadaire, Pépin peut reprendre son combat, mais cette fois principalement contre l’Eglise catholique et le nationalisme.

Le Fouet, par le texte et le dessin, dénonce le « complot clérical ». Le clergé français, épiscopat en tête, s’insurge contre la politique de laïcisation qui se met en place au tournant du siècle. Pépin le montre brandissant le fanion nationaliste, intriguant pour faire tomber le gouvernement de Waldeck-Rousseau et mettre à bas la République. Il critique certains ecclésiastiques, faux dévots attachés à un confort garanti par les deniers d’un État protecteur. Aux côtés du clergé, on trouve Édouard Drumont et l’anticlérical Henri Rochefort. Ce dernier, portant parfois la culotte frappée des quatre couleurs des cartes à jouer que Pépin lui a attribuée à l’époque de l’affaire Boulanger, tient le rôle d’un comploteur opportuniste, pouvant s’accommoder de toutes les compromissions.

L’ancien caricaturiste du Grelot reproche aux Pères Assomptionnistes, dirigeant La Croix et Le Pèlerin, d’exercer, « sous le manteau de la religion […] une prépondérance politique » et de s’être constitués en association de plus de vingt membres sans l’agrément du gouvernement. En janvier, le parquet engage des poursuites, un procès s’ouvre et le 6 mars, la Cour d’appel tranche. Pépin résume graphiquement ce qui, pour lui, tient d’une « plaisanterie judiciaire ». Les Pères sont condamnés à 16 francs d’amende, l’association des Assomptionnistes est dissoute. Les Pères peuvent se redéployer grâce aux valeurs dont regorge leur coffre.

Les élections sénatoriales, auxquelles le nationaliste Mercier se présente, se profilent fin janvier 1900 et les municipales en mai. Mercier, désigné comme « candidat des Chouans », se trouve toujours flanqué de membres du clergé auxquels il fait allégeance. Le Fouet cible également les nationalistes comme Déroulède, Coppée ou Millevoye, qu’il montre ligués contre le gouvernement. L’Exposition universelle qui s’ouvre en avril 1900 marque une pause après la crise de l’affaire Dreyfus. Pépin représente alors les nationalistes en trouble-fêtes.

Le Fouet reste essentiellement une feuille anticléricale, un organe de combat électoral ayant pour cible les nationalistes et en particulier la Ligue de la Patrie Française.


Jean-Luc Jarnier

Tag(s) : #Presse "satirique"
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