Voyage du haut-mandarin Ka-li-Ko et de son fidèle secrétaire (1885), réédition bilingue, Éditions You Feng, Libraire et éditeur, 54 p., 15 euro. Présentation et annotations, Eric Janicot.
Caricaturiste, affichiste, peintre, poète et auteur dramatique, Le Mouël est né en 1859, suit des études de droit et intègrera le groupe des Hydropathes (dirigé par Emile Goudeau avec notamment André Gill, ...). Il collabore à divers journaux satiriques, illustre également des ouvrages pour enfants. On lui doit en 1885 ce très amusant "Voyage du haut-mandarin Ka-li-Ko et de son fidèle secrétaire", qui a fait l’objet d’une récente réédition bilingue (français-chinois) commentée et annotée par Eric Janicot, auteur de divers ouvrages sur la typographie et l’art chinois. Une histoire en image comme il est d'usage au XIXe siècle, dans la tradition de Cham ou Gustave Doré.
L’opus bénéficie à l’époque de rééditions françaises et d’une traduction en espagnol dès 1891. L’histoire tient en quelques mots : l’empereur de Chine demande au haut mandarin Ka-li-Ko et à son fidèle secrétaire Pa-Tchou-li, d’aller « chez les barbares français porter l’éclat » de son nom. Le Mouël raconte le voyage qui doit permettre au mandarin d’arriver à destination. Un voyage semé d’embuches et rendu aléatoire par la bêtise du mandarin lui-même, au grand dam de son serviteur. Le ressort comique se nourrit principalement des stéréotypes nationaux, fort en vogue à l’époque, stéréotypes « classiques » comme celui de l’Anglais, de l’Allemand ou de l’Italien, mais aussi exotiques, celui du musulman, des « nègres », et bien sûr du chinois lui-même, grassouillet, court sur pâtes, corrupteur et imbécile.
Comme en témoigne la dénomination des personnages, la veine se fait plus comique que railleuse, mais le mépris pour la Chine, l’Angleterre ou l’Allemagne sont patent, et illustrent bien la xénophobie de l’époque. L’histoire en image, serait la première à avoir été publiée en couleur en France d’après Eric Janicot. Elle témoigne d’un goût immodéré pour les historiettes humoristiques à l’époque, qui abondent dans des journaux satiriques parfois légers, en tous cas destinés à la famille un goût dont se fait écho le Figaro du 23 décembre 1885 qui présente l’ouvrage comme « un très amusant album à la façon de Töpffer ».
Saluons cette réédition contemporaine enrichie d’un appareil critique, d’une présentation et d’illustrations (autres dessins humoristiques de Le Mouël) tout à fait bienvenus.
Guillaume Doizy