Guillaume Doizy, Nature et rôle de l’image dans la propagande anticléricale au début du 20e siècle :  exemple de la revue satirique illustrée franco-belge  Les Corbeaux (1904-1909), Mémoire de DEA, Université de Picardie Jules Verne, Amiens, 2005. Sous la direction de Laurence Bertrand-Dorléac.

 

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Gullaue Doizy, Mémoire DEA, 2005.

Introduction :

En cette année de commémoration de la loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905, des ouvrages portant sur le dessin anticlérical vont inévitablement paraître. Néanmoins, le siècle qui nous sépare de cette crise majeure de la Troisième République semble avoir posé un voile épais sur ce dessin drôle, virulent, reflet d’un anticléricalisme « trivial voire obscène et ordurier [1]» qui a connu, dans les années d’avant la guerre de 1914, un véritable âge d’or. Pour tout le XXe siècle, un seul livre a paru sur le sujet. C’était en 1906, en pleine crise des Inventaires[2]. Depuis, l’indifférence ou le mépris, voire la haine éprouvée par certains auteurs pour les formes qualifiées de « vulgaires » de l’anticléricalisme, souvent associées à l’abjection et la pornographie, ont fait oublier jusqu’à l’existence même de cette importante production d’images anticléricales.

On peut aisément le comprendre, au regard des prises de position de certains historiens qui se sont intéressés à l’histoire des rapports entre l’Église catholique et la société. L’historien Mellor Alec, par exemple, dénonce, pour la période de la révolution française, un « anticléricalisme trivial et bas qui ruisselle comme la fiente », et pour les débuts de la Troisième République, une « littérature immonde » qui, suprême insulte, à la « polémique basse mêle une non moins basse entreprise commerciale ». Il compare le Congrès international de libre pensée de Paris en 1905 à un « congrès trivial par le ton et par le débraillé, où tous les « mangeurs de curés » s’étaient donnés rendez-vous [3]»… Quant au dessin anticlérical, il semble ne pas jouir de meilleure considération. Pour Pierre Pierrard, historien du catholicisme, à partir de 1880 mais surtout 1900, les journaux illustrés anticléricaux ont une veine « épaisse et grasse [4]». Elisabeth et Michel, dans le travail de maîtrise qu’ils ont consacré à l’Assiette au Beurre, manifestent une certaine gêne à l’égard notamment de dessins antireligieux de Grandjouan. Jaques Lethève parle d’« anticléricalisme sommaire [5]» dans un de ses livres sur la caricature. De son côté, l’historien d’art Michel Ragon dans Le dessin d’humour[6] n’accorde pas une ligne au dessin anticlérical de la Troisième république.

Lors d’une exposition récente sur la Loi de Séparation de 1905 à l’Université Paris XIII, la conservatrice de la bibliothèque a souligné qu’il avait fallu procéder à une sélection des images pour échapper à l’indécence de certaines d’entre elles. Au nom de quel « devoir de morale » supposé, des historiens devraient-ils s’auto-censurer de la sorte ? Pour des images trop licencieuses, parfois ouvertement scatologiques ou triviales ? Même la caricature antisémite de la fin du XIXe siècle n’a pas subi cet ostracisme visuel alors qu’elle compte, et donc alimente encore, d’ignobles adeptes[7]. Comment comprendre cette inégalité de traitement ? N’y aurait-il pas là un parti pris non seulement moral, mais politique, qui consisterait à évacuer un discours violemment critique et dénonciateur à l’égard d’une institution pour laquelle les élites, malgré la Séparation, font preuve de neutralité bienveillante voire de déférence prononcée ?

Aucun travail sérieux n’a été réalisé sur le dessin anticlérical, comme le déplorent les historiens René Rémond et Jacqueline Lalouette qui, de son côté, est bien la seule à s’être intéressée à la question. Pourtant, s’il est un pays qui présente des caractéristiques favorables pour une telle étude, c’est bien la France avec une Révolution de 1789 profondément anticléricale, une Commune de Paris hostile au clergé et une Troisième République qui aura vu plusieurs gouvernements se faire les champions de la lutte contre l’influence des congrégations et finalement défendre une loi de Séparation des Églises et de l’État considérée par le Vatican comme une véritable déclaration de guerre.

Si l’anticléricalisme et la libre pensée ont fait, ces dernières décennies, l’objet d’études raisonnées, c’est donc en laissant de côté un des principaux moyen de propagande populaire de cette mouvance : la satire, qu’elle soit littéraire ou dessinée, particulièrement profuse dans les périodes de forte lutte de l’État contre l’Église ce qui, en soi, aurait dû intéresser les historiens. C’est à travers l’étude d’une revue anticléricale qui relève de ce mouvement, Les Corbeaux[8], parue entre 1904 et 1909 en Belgique puis en France, que nous avons cherché à lever le voile sur cette iconographie inhumée dans la mémoire collective. Qui donc, ou bien quelles forces sont à l’origine de cette immense production d’images, de chansons, de textes, de journaux anticléricaux au début du XXe siècle ? Quel langage est mis au point et que vise-t-il ? Quel rôle attribue-t-on alors à la satire tournée contre l’Église ? Commercial, comme l’indiquent ses détracteurs ? Militant ou propagandiste, comme le laisse penser cette périodisation historique en rapport avec les politiques gouvernementales ? Dans cet ensemble, quel est le rôle spécifique du dessin satirique, par quels canaux réalise-t-il sa diffusion, dans quels buts ? A-t-il un langage propre ? Comment s’inscrit-il dans la tradition du dessin satirique politique, caractéristique du XIXe siècle ?

S’il est une longue période marquée par l’anticléricalisme en France, c’est bien la Belle Epoque, caractérisée par un anticléricalisme d’État à l’intensité très variable sur trois décennies, qui s’est traduit par la laïcisation d’un certain nombre de domaines de la vie publique, l’expulsion de congrégations, la fermeture d’écoles religieuses et de couvents, et le vote d’une loi finalement appliquée avec une très grande mesure[9]. Toute cette agitation s’est néanmoins produite dans un contexte favorable à l’image satirique.

A la fin du XIXe siècle, l’image imprimée, principalement sous la forme du dessin de presse et surtout du dessin satirique, joue un rôle grandissant. Par sa rhétorique virulente, ce type de message visuel reflète la forte politisation des masses auxquelles la République accorde enfin des droits démocratiques élémentaires (mais en déniant le droit de vote aux femmes… et aux colonisés). Chaque camp attaque l’image de l’adversaire à travers sa presse illustrée de grands dessins signés de plumes prestigieuses. Les journaux se livrent de véritables batailles : polémiques, procès et joutes graphiques deviennent dans les années 1880 une pratique courante même pour la presse quotidienne nationale[10].

Le dessin imprimé profite des nombreuses crises politiques que traverse le nouveau régime : les Affaires de Panama, celle dite des « Médailles », l’Affaire Dreyfus, pour ne citer que les plus connues, sont nourries de ces représentations colorées, souvent nauséabondes et d’une rare violence, mais extrêmement efficaces et populaires. Presse, cartes postales (notamment à système), affiches, favorisent et alimentent[11] l’explosion d’antisémitisme qui traverse presque toutes les couches de la société pendant l’Affaire Dreyfus. Néanmoins et jusqu’alors, ces images certes politiques, restent marquées par le caractère commercial de leur diffusion : un réseau de colporteurs quadrille le pays. Elles répondent à la demande de consommation individuelle et immédiate d’individus plutôt inorganisés.

Avec la crise anticléricale qui s’ouvre en réaction à l’Affaire Dreyfus et l’arrivée au pouvoir des radicaux tels que Waldeck-Rousseau puis Émile Combes, le dessin satirique anticlérical qui jouit déjà d’une longue tradition[12], trouve une situation inédite et bénéficie d’un essor sans précédent. Aux progrès techniques qui s’accélèrent s’ajoute un phénomène social important : l’apparition d’un milieu militant activiste très mobilisé et pressé d’en découdre avec un clergé discrédité par ses prises de position politiques et sociales. L’image satirique devient un « moyen de propagande » extrêmement efficace, comme nous le verrons, pour déconstruire les stéréotypes véhiculés par l’Église ; le comique sur lequel il s’appuie correspond, de surcroît, à la joie de vivre et à la bonhomie (bien sûr opposées aux rigueurs morales de l’Église ) caractéristiques du mouvement anticlérical qui doit faire face à deux millénaires d’oppression religieuse. Jamais le dessin de presse n’avait alors été diffusé sur une telle diversité de supports ni n’avait investi de telle manière l’espace public. Jamais le dessin ne s’était vu accorder de telles fonctions sociales…

La complexité du dessin anticlérical semble directement liée à la puissance et à l’enracinement historique de son adversaire qui a, depuis des siècles, largement conquis les esprits grâce au pouvoir des images. En effet, lors de la naissance des États et des religions polythéistes (avant de devenir monothéistes), l’image devient un enjeu de pouvoir, la médiation entre les rois-dieux et les mortels. La représentation permet d’imposer la vénération des petits pour les grands et donne une dimension tangible à l’invisible, voire à l’incroyable. Dans les premiers temps, le christianisme s’oppose violemment aux croyances païennes et lutte non seulement contre les idoles, les temples et les pratiques non chrétiennes, mais aussi contre toute représentation religieuse : il ne faut pas qu’une « représentation » se substitue, dans l’esprit du croyant, à la divinité elle-même ! Cette position radicale divise les religieux. Le bas clergé et la masse des croyants militent en faveur de la représentation du divin. Mais il faut attendre le second concile de Nicée pour qu’après de fortes dissensions entre iconolâtres et iconoclastes l’Église d’occident choisisse de s’appuyer sur cette force évocatrice et enchanteresse des icônes. Le haut clergé, a priori hostile à l’iconolâtrie, se rallie à la pression populaire nourrie des croyances et pratiques du paganisme. Comme le suggère Régis Debray[13], l’Eglise se résout alors à remplacer par d’autres images plutôt que par du vide les représentations païennes que la nouvelle religion tente de détruire. L’image est dorénavant considérée par les pères de l’Eglise comme une « médiation indispensable, à la fois pédagogique et liturgique [14]» qui crédibilise le divin, le surnaturel, par la matérialité de la représentation. Mais en combattant l’image par la force, puis par l’image, en acceptant l’idée même de la représentation du divin, l’Eglise chrétienne forge sans le savoir, les armes de ses futurs adversaires : d’abord en suscitant très vite des réactions satiriques de la part les païens[15], puis, au cours du Moyen Age, par l’éclosion d’étranges chapiteaux sculptés qui dénoncent la gourmandise ou la paillardise des hommes d’Eglise[16]. Car s’il n’y a pas d’anticléricalisme sans cléricalisme, il n’y a pas non plus d’image anticléricale sans représentation religieuse. Le ver est dans le fruit, l’anticléricalisme iconographique se glisse naïvement dans le temple même et, suivant les soubresauts des luttes inter-religieuses ou politiques, se manifeste férocement puis rentre en sommeil pour réapparaître revigoré.

La production d’images, sauf lors de périodes exceptionnelles comme la Révolution française par exemple, reste marquée par la domination chrétienne voire catholique sur la société : images pieuses, « art [17]» teinté de christianisme omniprésent, crucifix, bannières de procession, estampes superstitieuses colportées au long des chemins avant de devenir images d’Épinal, tout cela diffuse dans les esprits une représentation de la foi, de ses codes, et organise les schémas mentaux du croyant.

A la fin du XIXe siècle, atteinte par les coups répétés dans une période d’affaiblissement de la croyance, l’Eglise cherche un nouveau souffle. Face à la montée du mouvement libre penseur et ouvrier, elle s’invente un christianisme social et militant et tente aussi d’utiliser ce que, du fait du développement des moyens d’impression, les laïcs entrevoient déjà comme un véritable support pédagogique : l’illustration. Alors qu’est théorisée la « pédagogie de l’enseignement par les yeux », l’Eglise rénove son catéchisme en combinant texte et image et utilise de grands panneaux largement illustrés pour capter l’attention des enfants et susciter leur foi. Pour l’abbé Mouterde et bien d’autres, le pinceau des dessinateurs doit « prêcher [18]» en vue d’exciter les sentiments de piété[19]. L’Eglise fait même preuve d’avant-gardisme en s’intéressant au cinéma naissant[20]. Au travers des publications de la Bonne Presse, voire de titres illustrés satiriques, la caricature catholique se déchaîne dans sa haine des juifs, des francs maçons, des socialistes, des radicaux, ou des républicains, bref, de tout ce que le pays compte de libres penseurs, d’athées, ou de défenseurs de la Séparation.

C’est dans ce contexte de domination historique de l’imagerie chrétienne, que s’élabore, par réaction, un langage graphique anticlérical dans ce qui apparaît comme une nouvelle guerre des images. Tout au long de conférences à travers le pays vers les années 1880, un prêtre bénédictin[21] défroqué, Pierre Des Pilliers expliquait déjà à ses contemporains que « les cléricaux propagent les dogmes, leurs superstitions, leur influence, au moyen de statues, d’images, de dessins, de gravures, de chromos propres à frapper l’imagination populaire » et qu’en conséquence il fallait faire « la même chose en ses contraires [22]». Des Pilliers Pierre veut contrer les moyens mis en œuvre par l’ennemi en utilisant ses propres armes : il faut contrer l’image cléricale par des images opposées.

Ainsi entre les années 1880 qui voient l’avènement de la République dite des républicains et le premier conflit mondial, la politique menée contre l’Église suscite des « débordements verbaux d’une extrême violence [23]» et une production extraordinaire d’images anticléricales qui semble évoluer et tenir un rôle bien précis dans la radicalisation de l’anticléricalisme des années 1900, « un anticléricalisme virulent, pour la séparation, plus populaire, moins soucieux de légiférer et plus d’exprimer son ressentiment irréligieux [qui] s’exprime par toutes sortes de moyens : chansons, écrits polémiques, petite presse, caricature [24]».

C’est dans ce contexte qu’est éditée la revue Les Corbeaux dans la France agitée de 1905. Pour la première fois dans le pays est diffusé un hebdomadaire illustré satirique d’envergure nationale spécialisé dans la lutte contre l’Eglise, et qui s’avère être un véritable porte-voix du mouvement organisé libre penseur. Les Corbeaux, suivant en cela une tendance que la revue accentue nettement, ne se contente pas d’illustrer la « une » et l’intérieur du journal. Elle édite d’abondantes cartes postales, des dizaines de milliers de papillons gommés, des affiches, des tracts illustrés, etc, appelant inlassablement les « militants », les « camarades », les « groupes et cercles de libre pensée » à s’en saisir, à les diffuser. S’élabore une véritable stratégie propagandiste par l’image. Quels arguments avaient les faveurs du milieu anticlérical ? Quelle image souhaitait-il diffuser de l’Église catholique et pourquoi ? Au delà de la thématique de ces images qui a jusque-là attiré l’attention de trop rares historiens, ne faut-il pas envisager le dessin anticlérical dans sa dynamique propre, sous l’angle des fonctions et des rôles que lui attribuent leurs auteurs, les « consommateurs » et le milieu visé ?

L’image n’est pas seulement un signe à analyser, à comparer à d’autres signes. Quelle que soit sa forme, elle fait « agir et réagir [25]». La représentation suppose une série d’actions différées car elle commence son existence bien après sa fabrication quand, portée par son ou ses diffuseurs, elle devient message. La caricature en « une » des Corbeaux, transformée par la suite en papillon gommé à coller, n’est pas seulement un langage, elle est avant tout un « moyen ». Car comme nous le verrons, l’étude approfondie du dessin anticlérical en tant qu’objet révèle une pratique sociale et militante indissociable de son contenu. C’est l’analyse de cette pratique même qui seule permet de comprendre sans tabou ce langage riche et complexe qui, loin de camper une « pornographie » libre penseuse, apparaît bien plutôt comme un arsenal répondant aux codes et aux pratiques quotidiennes de l’ennemi : le rire, la sexualité diffuse ou brutale, voire la grossièreté, la trivialité, la parodie ou le détournement utilisés par le dessin satirique répondent à la morale qu’a imposé le christianisme et au mode de sa diffusion. A la représentation du divin, matérialisation de Dieu sur terre et preuve de son existence, l’image anticléricale a eu pour tâche d’opposer la démonstration contraire. A la rigueur de l’Église, à sa haine du rire[26], aux tabous sexuels et à la crainte de l’enfer qu’elle a durement imposés, le dessin anticlérical a dû non seulement matérialiser le blasphème en vue de saper l’autorité morale de l’Église et de manifester le mouvement libre penseur, mais encore créer le ciment identitaire d’une sociabilité libre penseuse complexe et vivante.

Vu sous cet angle, le dessin anticlérical qui passe aux mains de militants n’est plus seulement un thème parmi d’autres dans la presse satirique généraliste : il véhicule certes une idéologie mais s’enrichit de différentes fonctions : illustratives, pédagogiques, dénonciatrices, programmatiques voire identitaires. Elles correspondent à la variété des pratiques qui déterminent sa diffusion, comme nous le révèle l’étude des dessins édités par la revue Les Corbeaux.

Dans le cadre de ce travail, nous nous efforcerons donc de révéler comment prennent vie ces images, quel est le cadre de leur production, quelles sont les intentions qui les précèdent et les moyens mis en œuvre pour leur réalisation, quel est leur mode de diffusion. Nous aurons à faire la lumière sur les liens qu’entretenait cette revue franco-belge avec le mouvement social, la libre pensée organisée et les autres forces politiques voire même avec le pouvoir. Nous chercherons comment les individus ou les groupes s’appropriaient ces représentations et leur donnaient, dans le cadre de leur consommation immédiate, une vie effective, et pas seulement une existence matérielle que l’historien peut étudier aujourd’hui dans son contexte historique et social général. A quel point ont-elles servi pour l’affirmation d’appartenance à un groupe, à une mouvance idéologique, pour l’élaboration d’une conscience collective ? Dans quelle mesure le dessin de presse anticlérical a-t-il contribué à former les esprits, à susciter l’action militante, à terroriser l’ennemi ? Quel langage a-t-il mis au point ?

Notre travail, qui tente de restituer à l’imagerie hostile au clergé son caractère vivant et sociologique à travers l’étude des dessins des Corbeaux, resterait superficiel s’il ne visait pas à cerner les contours du dessin anticlérical de la Belle Époque dans son ensemble qu’il faut replacer évidemment dans la production graphique anticléricale depuis ses origines. Bien que l’étude du dessin anticlérical reste à faire, nous nous efforcerons, de manière très sommaire hélas, d’émettre des hypothèses quant à l’évolution de ces représentations entre 1870 et 1914, évolution de leur mode de production, de leur rôle et de leur langage. Nous verrons combien ce dessin, qui vise à l’émancipation morale et sociale, s’inscrit dans un ensemble extrêmement diversifié, hétérogène et complexe. Nous ferons apparaître que l’imagerie anticléricale se subdivise, à la Belle Epoque, en trois grandes tendances : républicaine, libre penseuse et humoristique ; chacune ayant ses thématiques, ses réseaux de médiatisation et sa fonction sociale. Dans cet ensemble, l’imagerie des Corbeaux représente une petite, mais très révélatrice partie.

 

[1] Pierrard Pierre, L’Eglise et les ouvriers en France 1840-1940, Hachette, 1991, p.418.

[2] Grand-Carteret John, Contre Rome, La Bataille Anticléricale en Europe, Ed. Louis Michaud, Paris, sd.

[3] Mellor Alec, Histoire de l’anticléricalisme français, Henri Veynier, Paris, 1978, p.91, 331 et 365.

[4] Pierrard Pierre, L’Eglise et les ouvriers en France 1840-1940, op. cit., p. 418.

[5] Lethève Jacques, La caricature sous la troisième République, Armand Colin, Paris, 1968, p.80.

[6] Ragon Michel, Le dessin d’humour, Librairie Arthème Fayard, 1960.

[7] Bertrand Tillier a remarqué que lors d’expositions au Musée de Saint-Denis, des visiteurs manifestement antisémites venaient se régaler de telles images pourtant montrées avec l’ambition de souligner les horreurs du passé.

[8] Différents lieux de consultation possible : pour la version belge, la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles ; les Archives générales du Royaume, Bruxelles ; la Bibliothèque d’Anvers. Pour la version française : Bibliothèque d’Anvers (1905-1906), Bibliothèque Nationale de France (version incomplète), la Libre Pensée de Paris (version incomplète) et M. Dixmier, collectionneur (version belge et française complète).

[9] Agulhon Maurice, La République, 1880-1932, Hachette Pluriel, 1995, p. 24.

[10] Bellanger Claude dir., Histoire Générale de la Presse Française, T3, de 1871 à 1940, PUF, 1972,p. 385.

[11] Voir l’article de Magne Jacqueline « Forain et l’Affaire Dreyfus » in Nouvelles de l’Estampe N°8, 1973. Elle considère que l’Affaire Dreyfus, est « surtout, une affaire de presse et particulièrement de presse satirique…. C’est elle qui lança la polémique, prit parti presque unanimement dans un sens ou dans un autre, alertant l’opinion, l’entraînant derrière elle. Là, la place de la caricature et des journaux satiriques apparaît essentielle. Dans cette provocation des esprits, l’image résumant et simplifiant les points de vue frappe mieux que tout autre chose ». 

[12] Baecque Antoine, La Caricature Révolutionnaire, Presses du CNRS.

[13] Debray Régis, Vie et mort de l’image, folio essais, 2001, p.121.

[14] Debray Régis, ibid., p.130.

[15] Ramsay MacMullen, Christianisme et paganisme du 4e au 8e siècle, Histoire, Les Belles Lettres, p. 35. En réaction aux attaques de l’Eglise, les païens se défendaient notamment par des pièces comiques de théâtre qui visaient parfois le saint ou l’évêque de la ville. On parodiait aussi la communion et les martyrs (p. 43).

[16] Grand-Carteret John, Contre Rome, op. cit., p. 18.

[17] La majeure partie des représentations du Moyen Age à la Révolution Française que nous qualifions « d’œuvres d’art » est inscrite dans un cadre chrétien de production des images et lui sert de support.

[18] Cité par Isabelle Saint Martin dans Coulot Claude et Heyer René dir, De la Bible à l’image, Pastorale et iconographie, Presses Universitaires de Strasbourg, 2000, p. 93.

[19] Comme l’indiquent les Petits Frères des Ecoles chrétiennes dans leur Manuel du catéchiste, Tours, Mame, 1907, p. 131.

[20] Debray Régis, Vie et mort de l’image, op. cit., p. 132.

[21] La Lanterne, 17 jannvier 1905, « Billet de faveur d’étrennes… ».

[22] Des Pilliers Pierre, Du Cléricalisme et des moyens de le terrasser, 1884, p.40 à 48.

[23] Minois Georges, Histoire de l’athéisme, Fayard, 1998, p. 447.

[24] Rémond René, L’anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Nouvelle édition, revue et augmentée, Fayard, 1999,  p. 207.

[25] Debray Régis, Vie et mort de l’image, op. cit., p. 18.

[26] Minois Georges, Histoire du rire et de la dérision, Fayard, 2000, p. 457.

 

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