C'est sous ce titre qu'en 1879 le quotidien catholique intransigeant français L'Univers évoque la "presse à caricature" républicaine. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la caricature a toujours trouvé des adversaires farouches. C'est le cas des catholiques à une époque où les charges anticléricales, libérées du carcan de la censure du Second Empire, et bien qu'encore sous le joug de lois de contrainte (la loi sur la Liberté de la presse date de juillet 1881), se font de plus en plus radicales. L'Univers vise treize journaux spécifiquement : le Grelot , la Lune Rousse, le Gavroche , le Carillon, le Pétard, l’Éclair, le Titi, le Don Quichotte , le Sans-Culotte, le Père-Duchène, la Petite Lune, l’Étrille et la Lanterne de Bocquillon.
Article édifiant !
L'Univers, 4 janvier 1879
"La presse immonde
Quelques personnes, en lisant l'article que nous avons publié sous ce titre [quelques jours auparavant], ont pu penser que nous attachions trop d'importance à cette catégorie de la presse républicaine, et qu'il serait injuste de vouloir généraliser de monstrueuses exceptions. Les lecteurs qui pourraient penser ainsi se tromperaient, et en se trompant ne verraient plus qu'un coin de la situation épouvantable qui nous est faite. Ce n'est pas sans des raisons très graves que nous nous sommes déterminés à remuer du doigt cette fange et à signaler ce caractère, ou plutôt cette nouvelle phase de notre état morbide. Et d'abord la presse à caricatures n'est point une exception dans la presse républicaine. Loin de là, elle y tient une place considérable tant par le nombre de ses organes que par son genre de propagande. Elle compte huit grandes feuilles, qui sont : le Grelot , la Lune Rousse, le Gavroche , le Carillon, le Pétard, l’Éclair, le Titi, le Don Quichotte , et cinq petites feuilles qui sont: le Sans-Culotte, le Père-Duchène, la Petite Lune, l’Étrille et la Lanterne de Bocquillon. En tout treize journaux, c'est-à-dire tout un bataillon qui, chaque jour, répand dans la masse populaire des obscénités plus infectes mille fois que celles que nous avons osé citer. Peut être les laisserait-on dormir dans leu boue et s'y nourrir de leur propre substance, s'ils n'avaient piqué la curiosité malsaine du public par un moyen d'autant plus efficace qu'il est moins moral. Ce moyen consiste à placer sur le seuil de leurs portes des caricatures qui, par des contorsions impures, arrêtent et provoquent les passants. Voyez-vous ces cinq, six, dix rassemblements échelonnés- dans une même-rue ? Ils ont pour cause une caricature dans l'exercice de ses fonctions. Et ce que celle-ci commence, la prose révolutionnaire, cachée dans l'arrière-boutique, l'achève. Il ne s'agit donc point ici d'une excroissance isolée ou d'une fuite d'égout, mais bien d'une institution et d'un genre de propagande destiné à étouffer dans la boue ce qui peut rester de vivant et de sain dans la conscience populaire. Outre ces raisons d'appeler sur cette catégorie importante de la presse républicaine l'attention des personnes, qui suivent l'idée révolutionnaire dans sa marche vers le néant, nous en avions une troisième, qui nous paraissait décisive. Voilà plus de soixante ans que la révolution, issue de cette fille-mère qu'on nomme faussement la philosophie du dix-huitième siècle, sape l'ordre divin et l'ordre naturel, qui est lié à l'ordre divin comme le fruit à l'arbre, par ses sophismes, ses calomnies, ses inventions dites scientifiques, ses négations poursuivant la vérité dans la raison, la beauté dans les sentiments, la bonté dans la conscience, l'honnêteté et la pureté dans les mœurs, enlevant un à un tous les ressorts de l'âme humaine, lui arrachant les ailes, lui interceptant les cieux, et lui persuadant que la jouissance est l'unique bien et que le bien réside dans la matière. De là, avec le temps, une triple corruption : corruption de la raison, corruption du cœur et enfin corruption des sens. Et ces trois corruptions, en se co-pénétrant et en se combinant les unes avec les autres, ont engendré le matérialisme abject, lui a fait dire à un révolutionnaire allemand : « je ne crois qu'à ce que je mange. » Et, comme le propre de la corruption est de se corrompre de plus en plus elle- même, il est arrivé que celle-ci a corrompu jusqu'au goût, jusqu'à- la vue, jusqu'à l'odorat, lui-même, chez ceux qu'elle a atteints, en sorte qu'il ne reste absolument plus rien de sain en eux. Un tel état moral, état qui tend à se généraliser, devait avoir, un jour ou l'autre, une littérature qui en fût la parfaite expression. Or cette littérature est née : c'est la presse à caricatures. C'est à ce titre, c'est comme dernière et complète expression de la Révolution que nous voulions la faire connaître à nos lecteurs; mais cette littérature, confluent de toutes les négations, de toutes les révoltes, de tous les sophismes, de toutes les cupidités, de toutes les passions et perversions de la Révolution, est tellement nature et exhale une telle puanteur que nous renonçons à en détacher quelques morceaux et à les ajouter aux échantillons que nous avons eu le courage de donner. - ■ B. C."