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Parution récente : Humoresques, n°29, Histoire, humour et caricatures, sous la direction d'Annie Duprat.


Histoire, humour et caricatures :
Réaliser un numéro d’Humoresques entièrement consacré à un sujet aussi vaste relève de la gageure. La question préalable en effet, était de s’interroger dans une perspective chronologiquement assez large sur la nature de l’humour, les modalités de son expression et de sa diffusion. Second point, le plus délicat sans doute à traiter : comment observer les liens entre l’Histoire et l’Humour ? À quel moment un événement historique peut-il être perçu comme étant un fait d’humour ? Lorsqu’il surgit ? Lorsqu’il est raconté ? Dans des correspondances privées ou des écrits institutionnels ? Ou lorsqu’il est figuré ? On trouvera dans ce volume des récits extrêmement diversifiés. Quand, au début du XVIè siècle, l’entourage de François Ier est traversé par les jeux de rôles des uns (l’une en particulier, madame d’Étampes) et les intérêts des autres (le cardinal-ambassadeur Jean du Bellay), les correspondances et les mémoires privés nous rapportent des anecdotes savoureuses sur les stratégies de comportement de tous ceux qui aspirent à la faveur royale [Cédric Michon]. Pendant que la Révolution transforme profondément la France et cherche à inventer un monde nouveau, les rieurs se pressent au théâtre pour y assister aux parodies des morceaux d’éloquence patriotique du moment qu’écrit Nicolas Dorfeuille, auteur malheureusement tombé dans l’oubli du Miracle de la Sainte Omelette et de la Lettre d’un chien aristocrate à son maître aristocrate aussi, et fugitif [Philippe Bourdin]. Il est plus difficile de traquer l’humour dans les archives de justice : humour parfois involontaire, mais ironie, dérision et chansons moqueuses très caustiques volontairement adressées à l’ennemi du moment dans une société villageoise d’Ancien Régime [Frédérique Pitou]. La révolution de l’humour et de la caricature se produit dès le début du XIXè siècle, sous la pression conjointe de l’irruption en France d’une caricature anglaise caustique et combative (que l’on pense aux représentations de la Terreur exécutées par Gillray, par exemple, dans un style sanguinolent et « gore » avant la lettre…) et des événements politiques plutôt drolatiques qui voient se succéder à grande vitesse les régimes politiques les plus contradictoires. Des Histoires de France d’un genre nouveau voient le jour, de L’Histoire de France tintamarresque de Léon Touchatout étudiée par Guillaume Doizy à L’Histoire de France pour les mômes de Jules Dépaquit, relue par Solange Vernois, c’est l’esprit montmartrois et la verve satirique des étudiants de « l’Armée du chahut », comme se nomme elle-même la jeunesse bohème des boulevards (Laurent Bihl) qui remplissent l’air des cris joyeux de ceux qui ne savent pas l’avenir du monde. Tel n’est pas le cas de Chas-Laborde, un dessinateur confronté aux drames du XXè siècle (Emmanuel Pollaud-Dulian). Aujourd’hui, la caricature est un moyen d’expression dont le vocabulaire graphique s’est affirmé, ainsi que le montre l’article de Christian Moncelet en prenant l’exemple de la tête coupée brandie au sommet d’une pique.
Course rapide à travers cinq siècles, ce numéro d’Humoresques est loin d’épuiser la matière. La caricature a trouvé sa place parmi les formes de la communication d’aujourd’hui, parfois au prix d’un affaiblissement de la qualité et de l’innovation graphiques ; le dessin de presse que l’on découvre chaque jour dans un grand nombre de journaux quotidiens est rarement percutant et doit être accompagné d’un texte sans lequel il ne pourrait être compris. Peut-être « l’âge d’or de la caricature », l’époque des Daumier et Gill, est-il clos ? L’humour à présent s’exprime davantage par des détournements de mots ou d’images (voir les vidéos parodiques qui sont diffusées sur Internet) que par la création d’œuvres originales.


Annie Duprat, Université de Cergy-Pontoise 95011
CNRS – Laboratoire Communication et Politique
UPR 3255


Au sommaire :

Annie Duprat, « Histoire, humour et caricatures ».
Cédric Michon, « Entre gaffes, sens de la répartie et ironie. Langue des courtisans et jeux de pouvoir à la Renaissance ».
Frédérique Pitou, « De l'innocence du rire à l'insolence de la dérision, le témoignage des archives ».
Philippe Bourdin, « Saynètes patriotiques entre ombres et Lumières. Philippe-Antoine Dorfeuille et les héritages des Boulevards ».
Laurent Bihl, « L'armée du chahut. Le cortège artistique comme métaphore de l’outrance graphique ».
Guillaume Doizy, « L’Histoire de France tintamarresque entre satire du passé et dénonciation politique du présent  ».
Solange Vernois, « L’Histoire de France pour les mômes de Jules Dépaquit ou l’esprit de Montmartre ».
Emmanuel Pollaud-Dulian, « Chas Laborde, ou l’humour contre l’Histoire ».
Christian Moncelet, « Les Français ont les têtes aux piques. Naissance et évolution d’un stéréotype iconique ».

Voir le site de Corhum qui publie cette revue.

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