Fig14a

Par Christian-Marc Bosséno


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La plupart de ces pièces frappent par leur caractère éminemment théâtral : les graveurs vénitiens intègrent le renversement politique dû à la Révolution à une autre tradition, celle de la Commedia dell'arte (96). La lutte farouche mais complice qui oppose le marchand Pantalon, porte-étendard de la Sérénissime, et l'homme du peuple Arlequin, fidèle à la vieille dialectique du conflit maître-serviteur, s'enrichit en se parant des couleurs du nouveau régime. Arlequin, portant fièrement le « Trattato dei diritti dell'Uomo», célèbre en dialecte, face aux patriciens en larmes, le nouvel ordre politique, présenté comme un retournement dramatique (« Senti, caro Pantalon, pianzè, sbraghè quanto volé, no ghe più caso, la sce finia, per el passa avè ridesto adesso a mi, adesso toccà a mi rider de vu») (fig. 7) (97), préside à la braderie d'«Ordini e strasordini da vendere a basso prezzo» (98) ou chasse d'un coup de pied bien senti son rival Pantalon (99) d'une grand-place bergamasque où l'on dresse l'arbre de la Liberté (100). Ces images abordent la «démocratisation» vénitienne sur le ton de la comédie sociale, en reprenant les formes de l'iconographie goldonienne (101). De même que certaines images des fêtes de la Municipalité provisoire vénitienne, plantation de l'arbre de la Liberté ou régate du 14 juillet 1797, ne sont que la reprise fatiguée de «vedute» préexistantes (102), les caricatures vénitiennes recyclent un patrimoine local. Cette vague cesse net après Campoformio, occasion d'une nouvelle déception pour Pantalon, contraint de régler l'addition après la cession de Venise à l'Autriche (« Chi pagerà ?») (103).
Caricature et allégories mettent en scène le renversement des valeurs et des symboles, et reprennent très largement le thème de la «table rase» cher à la culture révolutionnaire, et qui offre son sujet à la plus grande partie de notre corpus pro-révolutionnaire. À Venise toujours, estampes et textes satiriques mettent en scène toutes les étapes de la déchéance et de l'agonie du Lion de Saint-Marc, «brutta bestia» présentée par les pamphlets comme un monstre politique dont l'enlèvement effectif, dans tous les territoires ayant appartenu à la Sérénissime, est ordonné par décret, et que les graveurs figurent qui rongeant un os à la manière d'un vieux chien pelé dans un coin de la salle où Bonaparte et ses hommes célèbrent leur victoire (104), qui terrassé par le coq gaulois (105), qui encore emporté comme une pièce de gibier par deux patriotes (106). Les emblèmes des anciens pouvoirs subissent des traitements variés dans la gamme du détournement scatologique, thème «populaire» qui peut être intégré à des estampes de facture très soignée : diplômes de noblesse utilisés à des fins intimes par des «putti» irrespectueux (107), «corno ducale» servant de pot de chambre à un militaire français soucieux de donner son très personnel «Tributo all'aristocrazia» (108) ou, plus innocemment, servant de balle de jacquet à un groupe de « putti » joueurs, qu'une autre image montre tirant à l'arc, avec pour cible l'Évangile de Saint-Marc (109). À Bologne, une estampe figure la mort politique du conseil de la Quarantina sous forme allégorique : un groupe de patriotes, aux yeux d'un noble en larmes, effacent le 4 d'une inscription murale portant le nombre 40. Mathématique élémentaire : « Chi dal =40= leva il =4= rimane =0= » (fig. 10) (110). Plus proche du registre des autodafés patriotiques qui sont fréquemment le clou des fêtes révolutionnaires de la péninsule, Nicola Mellini grave le bûcher des titres aristocratiques, allumé par un «genio democratico», au grand effarement de «l'ignoranza e l'impostura, che si danno l'ultimo addio» (111). Passé 1797 cependant, cette veine semble se tarir, et les allégories satiriques disparaissent, remplacées par de graves mises en scène du retour à l'âge d'or antique, ébauche d'un art officiel appelé à atteindre ses sommets, en Cisalpine, avec un Andréa Appiani. À Venise, Zatta et Zancon, ordinairement spécialistes en matière de caricature, gravent d'après le napolitain Olivieri une allégorie dédiée à la Grande Nation française et légendée en français (fig. 6) (112). L'iconographie de la République romaine le montre, le temps du rire est terminé : alors que la satire se cantonne désormais à l'imprimé ou aux traditionnelles pasquinades, l'imagerie pro-française se concentre sur la représentation des fastes républicains et l'allégorie, suivant les canons néo-classiques et les traditions locales du marché de l'image.

Fig15a

L'«anticomanie», «usurpation illimitée, presque insolente, des traditions et des noms de l'antiquité» selon Klaus Herding (113), est en effet un des caractères principaux de l'imaginaire du «triennio», et, plus encore qu'en France, domine la production iconographique, comme du reste l'ensemble de la culture politique, sur les lieux même de la gloire antique passée. Le corpus des décors temporaires et images de fêtes, tout particulièrement, témoigne de cette tendance qui est, plus qu'une simple mode (la coiffure «à la Brutus»), un désir d'enracinement des Républiques-sœurs dans leur histoire glorieuse, dont paraissent de multiples traités et abrégés. Toujours, la pointe des graveurs sait conférer au carton-pâte éphémère des autels de la Patrie la consistance et la solidité de la pierre de taille. Il en va ainsi de l'iconographie des fêtes, déjà citées, organisées à Mantoue en l'honneur de Virgile (114), des vues du monument funéraire pyramidal érigé au beau milieu de la place Saint-Pierre pour l'hommage au général Duphot (115), ou des deux estampes très soignées qu'Humbert de Superville et Piroli consacrent à la «Fête de la Régénération» romaine, célébrant le 15 février 1799 l'anniversaire de la proclamation de la République romaine et la reprise de la ville sur les troupes napolitaines, pour laquelle une monumentale colonne «dedicata ai veri figli di Bruto difensori della Libertà» (116) et un monument funéraire ont été dressés sur le Forum (117). Face à l'échec des Républiques-sœurs et au pillage en règle mené par les Français, le modèle antique, d'une certaine manière, apparaît comme un refuge, même si l'on découvre vite que l'antiquité est une référence à double tranchant : à l'image de la vertu retrouvée se substitue vite chez un Vittorio Barzoni celle des «Romani nella Grecia», assimilant les spoliations françaises à celle des Romains conquérant la Grèce.

1799 : LA COALITION DU RIRE

En règle générale, le flux de la production iconographique des Républiques-sœurs se tarit assez vite, passé l'enthousiasme relatif des premiers mois. La campagne de 1799 et la reconquête fulgurante de la péninsule par les armées coalisées et les insurgés italiens suscitent à leur tour un déferlement d'images, le plus important de la période (dans le cas de la caricature, Christophe Dhoyen estime qu'il représente plus des deux tiers de la production totale des années 1796-99) (118).

Fig16

Si quelques séries «événementielles», notamment celle gravée par Giovanni Battista Cecchi et représentant la reprise de Cortone et Arezzo (119) ou les deux estampes florentines consacrées à l'autodafé, devant les Offices, des emblèmes républicains (4 juillet 1799) et à la solennelle réinstallation des armes granducales (5 juillet) par le «popolo fiorentino giubilante» (120), représentation privilégiée de la guerre des images et symboles, voient le jour (souvent sur le mode, à nouveau, de l'Entrée triomphale), la production de l'année 1799 est en effet majoritairement tournée vers l'allégorie et la satire.
De facture souvent très soignée, ces images ont intégré de nouveaux codes. La couleur, d'une part, se généralise. Encore rares en 1776-97, les textes explicatifs intégrés à l'image elle-même deviennent fréquents, ponctuant les divers éléments graphiques de remarques satiriques. Les plus ambitieuses de ces compositions accordent une large place à l'écrit, sous la forme de longues légendes souvent versifiées, pratique traditionnelle des ateliers de la Vénétie. Les reprises à l'identique de séries étrangères sont plus rares : on mentionnera seulement la Régénération de la Hollande, série de 20 gravures mettant en scène de manière grotesque les différents «comités» de la République batave, et proposées comme «miroir à tous les peuples régénérés». Publiée en 1796, à Londres, par le graveur Humphreys et d'après les dessins de David Hess, garde suisse installé en Hollande pendant dix ans et contraint de gagner l'Angleterre après la création de la république Batave (121), la série, initialement connue sous le titre Hollandia regenerata, est traduite et publiée par le vénitien Zatta (122). Quelques gravures sont explicitement des copies de modèles français ou anglais antérieurs : c'est le cas en particulier d'une évocation de la « Statue de la Démocratie composée d'immondices congelées» fondant au soleil de la contre-Révolution, qui reprend fidèlement, en en modifiant l'argument et la lettre, une gravure française de 1791-92, Le dégel de la Nation (123), ou encore de l'adaptation d'une gravure londonienne reprenant sur le mode alimentaire le thème du contraste France-Angleterre (124), estampes publiées toutes deux à Milan en 1799. De manière plus originale, un graveur a l'idée fort économique de reprendre à l'identique une série consacrée aux costumes civils et militaires français, en accompagnant cependant chaque vignette d'un commentaire satirique ou désobligeant (125), faisant des somptueux uniformes dont la République exportait quelques années plus tôt l'image une «specie d'antigaglia trovata fra le rovine d'Er-colano» (fig. 17).

Fig17

Une nouvelle fois, dans le temps très court du «triennio», les valeurs en place, de manière incomparablement plus précaire il est vrai, sont renversées, et la production anti-française de 1799 est souvent l'exact symétrique de l'imagerie républicaine de 1796-97. C'est au tour du «jacobin» et du militaire ou commissaire français de passer sous les fourches caudines de la caricature. Venu d'Allemagne, un thème triomphe : celui du Français conquérant tentant en vain d'engloutir un globe terrestre, promis à de nombreuses réapparitions pendant la période napoléonienne (fig. 15) (126). En 1797 le Purgante di Mestre, sous les effets de la médecine démocratique, évacuait ses pièces d'or : c'est désormais le commissaire français qui est soumis au clystère vengeur (127) ou doit vomir argenterie, candélabres et couronnes pris à l'Italie («Troppo mangiai, ed or per non crepare / Bisogna tutto quanto vomitare») (fig. 16) (128), allusion aux activités de la Commission des arts et des sciences : la métaphore alimentaire de la gloutonnerie du conquérant s'impose. Portraits-charges (comme celui d'un Sans culots (sic), misérable et famélique) (129), animalisation de l'ennemi politique (La democratica en chatte élégante ou le «Cittadin lombardo giacobin» en chien fumant) (130), scènes théâtrales (les jacobins et Bonaparte en «Ciarlatani» proposant en vain aux badauds un « basalmo simpattico che attrae l'oro e l'argento» ou, plus crûment, «l'elesir (...) che fa godere il bordello de la cara Libertà ») (131) et cortèges grotesques mettent en scène la déconfiture des jacobins et le retour à l'ordre. Les symboles de l'ancien régime, piétinés ou brûlés en 1796-97, reviennent au devant de la scène, tandis que les emblèmes républicains sont soumis aux pires traitements : coqs gaulois déchiquetés par les serres de l'aigle autrichien (132), arbre de la Liberté réduit à l'état de plante malingre (133), débité pour alimenter le feu où va brûler une Liberté aux mains liées (fig. 19) (134), ou devenu mât fragile de l'esquif qui conduit une poignée de jacobins vers l'enfer (135). La guerre des emblèmes a été remportée, et l'image qui domine, sujet par ailleurs d'une allégorie baptisée Il quadro dell'opinione politica alla fine del XVIII secolo (136), est celle d'un juste retour de balancier. La production satirique imprimée, en écho, brode sur le thème du retour à la normale, conquis de haute main sur la «pazza filosofia» française (137).
Le monde de l'allégorie contre-révolutionnaire est un monde qui a retrouvé le sacré, et le triomphe des coalisés est fréquemment placé sous les auspices de la Religion, une image de la Vierge ou d'un saint protecteur apparaissant dans le registre supérieur de la gravure, même dans le cas de vues relatant un événement (138). Foudres et Lumière divine, grâce à la médiation des coalisés (leurs armes reflètent les rayons venus du ciel), abattent ou font se dissoudre les statues des Républiques-sœurs anéanties (139). L'iconographie napolitaine du Sanfedisme diverge de manière très notable de la production du reste de l'Italie : on grave sur bois des scènes simples, de facture assez naïve, où le religieux occupe un rôle de premier plan. Ces images de la marche des insurgés, au-dessus desquels plane un grand saint Antoine (nouveau protecteur temporaire de Naples, saint Janvier ayant été disqualifié pour son soutien trop marqué à la République) (140) ne quittent pas le registre de la gravure sacrée, peu utilisé ailleurs. Des xylographies très simples, datant semble-t-il du siècle précédent, figurent L'effigie del giacobinismo caduto sous la forme d'une bête à six pattes abattue par des archers (141) ou la Caduta de' giacobini negli abissi dell'inferno (142) à la manière d'une chute aux enfers médiévale. Ces deux images, qui n'ont recours à aucun des emblèmes de la République abattue, semblent anachroniques, renvoyant la Révolution à l'oubli et agitant d'autres terreurs, plus anciennes.

Fig18

Le thème de la marche aux enfers, absent de la production de 1796-97, connaît également de multiples variations. Diablotins et militaires conduisent la cohorte des républicains vaincus dans la gueule d'un monstre d'où s'élèvent les flammes de la damnation (fig. 20) (143), portent en grande cérémonie le cadavre de la République défunte vers l'enfer (144) ou vers le «Tempio dedicato al vizio ed all'errore» (145). La leçon, ici encore, est claire : «Da casa del diavolo il Patriottismo è uscito / A casa del diavolo torna d'ond'è partito» (146). En parallèle au genre pamphlétaire des «Testaments» des Républiques-sœurs, les graveurs figurent le tombeau de la Cisalpine (147), ou une vision terrifiante d'un arbre de la Liberté devenu gibet et surmontant l'urne funéraire du jacobinisme (148). Éloignée du ton des comédies sociales philo-révolutionnaires de 1796, qui étaient majoritairement placées, comme toute la production pro-française, sous le thème de la «Révolution vierge», l'imagerie de 1799 est plus volontiers tentée par le macabre, reflet symbolique des violences du «triennio» et de la reconquête. Les personnages de la Commedia dell'arte ne sont plus guère conviés, sinon pour danser autour de l'arbre de la Liberté, contraints et forcés par un groupe de militaires français qui les tient en joue, en une estampe dont le seul titre, en français dans le texte, synthétise la philosophie de la diffusion en Italie de la culture politique française : « Il faut danser» (149).
Deux personnages honnis dominent cette production : la Liberté, représentée sous les traits d'une femme lascive, «maestra e protettrice de' libertini, e viziosi» (150), soumise aux plus rudes traitements, funambule en déséquilibre (151) ou femme alitée attendant la fin (152). Fille du diable («Ecco la democrazia nascente / Col cornuto padre suo présente ») (153), la Liberté est sœur de la mort («Sono la tua sorella, che all'inferno va») (154). Bonaparte, lui aussi, est mis en cage, marche vers l'enfer ou se voit contraint de faire amende honorable (« Io sono un miserabile») et de manger le coq gaulois redevenu simple volaille (155). Jacobins, francs-maçons et juifs (désignés sous la mention «ex-judeo») sont également des cibles de prédilection. Du côté des triomphateurs, les têtes couronnées de la coalition ou des soldats représentant les diverses armées en présence se partagent la vedette, quelques Turcs offrant une note d'exotisme inattendue.

Fig19

Ces estampes semblent avoir connu une grande diffusion, supérieure en tout cas à celle de la production pro-française. Organisées le plus souvent en séries, elles ont pour la plupart fait l'objet de rééditions et de copies. La série dite de Roveredo, peut-être produite à Bassano (156), est de toutes la plus achevée, sur le plan graphique comme dans sa thématique. Cette collection de douze planches, dont certaines ont également connu une version allemande malheureusement non datée (157), origine ou écho de la série italienne, figurent en grand format les étapes du retour à l'ordre, du bûcher de la démocratie (158), à la destruction par les soldats autrichiens du cabinet de l'alchimie républicaine (159) ou au procès du Directoire (160), imaginant même le retour de la France à la monarchie et la résurrection de Louis XVI (161). Des textes, d'inspiration savante, accompagnent ces scènes. Des retirages sont mentionnés à Milan et Macerata, et certaines de ces estampes donnent lieu à Venise à des versions simplifiées, de facture plus grossière et ne reprenant que le thème central de leur programme iconographique souvent chargé.
Par sa richesse et sa cohérence, la série «de Roveredo» est le meilleur exemple de cette iconographie de la reconquête, détournant à son profit les grands thèmes de l'imagerie républicaine et figurant le retour à l'ordre politique ancien, dans un style qui, contrairement à la production française ou anglaise, ne recourt guère au filon de la déformation corporelle. Maniant avec talent l'anathème et la dérision, les graveurs anonymes de 1799 mettent un terme à une décennie de guerre des estampes, en inversant les emblèmes et symboles que les Républiques-sœurs et les Français avaient cru pouvoir imposer à la péninsule : un triomphe à son tour éphémère, que balaiera quelques mois plus tard la seconde Campagne d'Italie. La production anti-française de la période consulaire et impériale abandonnera ces tendances, pour concentrer ses efforts sur la seule personne de Napoléon.

Fig20


                                                                            *

L'imagerie politique italienne des années 1789-1799 puise largement ses modèles en France ou ailleurs, mais semble, de même que la production satirique écrite, moins strictement imitative que d'autres domaines, par exemple le théâtre ou la fête civique. Pour les tenants de la contre-Révolution, la condamnation du «mal francese» est sans appel, et le bilan du triennio vite dressé. Sus donc au «Régénérateur» vaincu, dont compositions satiriques et estampes dressent le peu flatteur portrait. Concernant l'inspiration des imagiers, au cours de cette «guerre des estampes», deux axes, liés au cours des événements, sont en concurrence, l'un français, l'autre allemand. L'Angleterre, troisième pôle du triangle européen Paris-Augsbourg-Londres qui domine le marché de l'image semble quelque peu en retrait. La richesse du corpus italien invite à la publication d'un inventaire raisonné, qui permettrait de mener plus avant une étude comparative des flux européens de l'image. Louées ou maudites, la cocarde tricolore ou la figure féminine de la Liberté, en quelques années, se sont imposées comme références obligées d'une imagerie politique en plein essor, auprès de populations qui souvent, de la Liberté, n'auront connu que le nom (162) et ces représentations, appelées cependant à une riche postérité dans l'imaginaire collectif et la culture politique de l'Italie risorgimentale. Imagerie républicaine et contre-révolutionnaire, usant souvent des mêmes codes et registres au service de causes opposées, se répondent en se combattant, empruntant leurs thèmes tant à la production traditionnelle des ateliers locaux qu'aux modèles venus d'ailleurs. L'étude approfondie des images italiennes de la décennie révolutionnaire, souhaitable, serait une étape décisive dans la compréhension de l'accueil, par une Italie multiple et morcelée, de la culture politique française, des résistances et des contre-modèles que celle-ci suscite, dans la lignée de la triple demande que Paul Hazard, au début de ce siècle, plaçait en ouverture à son ouvrage fondateur : « Ce que la Révolution française trouve en Italie ; ce qu'elle y apporte; ce qu'elle y laisse» (163).

Christian-Marc Bosséno

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NOTES

96 Ce thème est particulièrement développé par Gilles Bertrand, De Paris à Venise : l'écho de la Révolution dans les caricatures vénitiennes, dans Atti del conve-gno « 1789 e dopo», [= Lectures, 25, fasc. 2], Bari, 1989.
97 Gravure anonyme, Il disordine e la confusione de' Pantaloni in Venezia (M.C.V.); Immagini..., p. 122-123.
98 Gravure anonyme, E onorato Arlecchino... (R.B.M.); Immagini..., p. 134-135.
99 Gravure anonyme, Chi non risica non rosica... (R.B.M.); Immagini..., p. 138-139.
100 E Onorato Arlecchino..., gravure citée.
101 Gilles Bertrand, De Paris à Venise..., op. cit.
102 Voir notre Iconographie des fêtes révolutionnaires italiennes, op. cit., p. 160.
103 Le thème de l'écot payé par Arlequin à Campoformio connaît plusieurs versions : gravure anonyme, «Mentre sortono dall'Albergo, il General Bonaparte e il Principe Carlo, l'oste domanda : chi pagerà ? Bonaparte rispondé non tocca a me. Il Principe Carlo soggiunge io non ho danaro. Il Pantalone, che sta dietro la carozza dice all'Oste : amigo pago io.. » (R.B.M.) ; Immagini..., p. 200. Gravure anonyme, All'Encroyable (R.B.M.) ; Immagini..., p. 201. Une gravure parisienne reprend le thème : "Qui paiera Vécot? Tais-toi! c'est la République de Venise" (B.N.P.); Immagini. .., p. 202.
104 Gravure anonyme, Il cattivo padrone diventa servitore (R.B.M.); Immagini. .., p. 136.
105 Gravure anonyme, [Le Lion de Venise terrassé par le coq gaulois] (R.B.M.) ; Immagini..., p. 183.
106 Il disordine e la confusione de' Pantaloni in Venezia, gravure citée.
107 Gravure anonyme, Libéria (R.B.M.); Immagini..., p. 128.
108 Gravure anonyme, «Mentre un fugge deriso, altri riceve (...)» (R.B.M.); Immagini..., p. 131.
109 Gravure de G. Zancon, [L'évangile de Saint-Marc,] (R.B.M.); Immagini..., p. 130.
110 Gravure anonyme, L'imbianchino di Bologna (R.B.M.); Immagini..., p. 139.
111 Gravure de Nicola Mellini, Rogo dei titoli aristocratici (R.B.M.); Immagini..., p. 147.
112 Gravure de G. Zatta et P. Zancon d'après Joachim Marius Olivieri, La Nation française, couronnée par la Victoire et foulant à ses pieds les deux monstres de la Superstition et du Despotisme, écoute avec respect les sages avertissements de la Liberté et de l'Égalité (R.B.M.) ; Immagini..., p. 239.
113 Klaus Herding, Utopie concrète à l'échelle mondiale : l'art de la Révolution, introduction générale au catalogue La Révolution française et l'Europe, op. cit., t. 1 p. XXVII.
114 Fête de Virgile à Mantoue..., gravure citée.
115 Gravure de Paolo Bargili, Sarcophage élevé au général Français Duphaut (sic) à l'occasion de la fête funèbre célébrée en sa mémoire par l'armée française d'Italie dans la place du Vatican... (M.N.R.); Immagini..., p. 222.
116 Gravure de Paolo Bargili, Prospetto délia colonna eretta nel Foro Romano e dedicata ai veri figli di Bruto defensori délia Libertà (M.N.R.); Immagini..., p. 233.
117 Gravure de Piroli d'après Humbet de Super ville, Testa patriottica del 27 pio-voso anno VIL .. et Sarcofago eretto in memoria de' patriotti morti in difesa délia Repubblica... (M.N.R.); Immagini..., p. 233 et 234-235.
118 Christophe Dhoyen, Caricatures et allégories satiriques en Italie, op. cit., p. 59.
119 Gravures de Giovanni Battista Cecchi, Insurrezione degli aretini contro i francesi et Combattimento sulla piazza del Duomo di Arezzo (R.B.M.); Immagini..., p. 325.
120 Gravure de Carlo Lasinio, La sera del 4 luglio 1799 in cui ilpopolo fiorentino brucià H embletni repubblicani (R.B.M.I.) et gravure anonyme, La mattina del 5 luglio in cui il popolo fiorentino giubilante inalbero le armi granducali, (A.M.C.R.) ; Immagini..., p. 325 et 326-327.
121 Voir catalogue de l'exposition Vryheid of de Dood..., op. cit., p. 74.
122 Recueil anonyme, La Rigenerazione dell'Ollanda, specchio a tutti i popoli rigenerati, Venise, 1799 (M.C.V.).
123 Gravure anonyme, Statua délia democrazia composta d'immondezze..., Milan, 1799 (R.B.M.); Immagini..., p. 342-343. L'estampe italienne et son modèle français sont confrontées par Claude Langlois, La caricature contre-révolutionnaire, op. cit. p. 170.
124 Gravure anonyme, Fregi di Liberté e di Eguaglianza..., Milan, 1799 (R.B.M.), Cf. catalogue L'Italia nella Rivoluzione, op. cit., p. 358. Le graveur a repris en l'adaptant à la situation italienne, une estampe de Cruikshansk, French Happiness. English Misery (B.N.P.).
125 Recueil anonyme [Stemma e costumi délia nazione rubelle,] (R.B.M.).
126 Sur le thème du Français (souvent assimilé à Bonaparte) mangeur de globe terrestre, plusieurs exemples dans le catalogue de l'exposition Freiheit, Gleichheit, Bruderlichkeit, op. cit., p. 446-447; gravures anonymes, «L'impressa fù chimerica, tu molto sei burlato, convien evacuare quel che sin hai mangiato» (R.B.M.) et "Gli sforzi tuoi usurpator radoppia, Ma pensa alfin, chi troppo mangia scoppia" (A.M.C.R.) ; Immagini..., p. 281.
127 Gravure anonyme, Ripienezza dei Commissari francesi (A.M.C.R.); Immagini. .., p. 282.
128 Gravure anonyme, Indigestione dei commissari francesi (A.M.C.R.) ; Immagini. .., p. 283.
129 Gravure anonyme, Sans culots (sic), ossia un soldato dei corpo francese senza calzoni (A.M.C.R.); Immagini..., p. 278.
130 Gravures anonymes, La democratica (A.M.C.R.), Fumando facio cittadini (M.C.V.) et Son il cittadin Lombardo giacobin... (A.M.C.R.); Immagini..., p. 280.
131 Gravures anonymes, [Les charlatans,] (M.C.V.) et même sujet (A.M.C.R.); Immagini..., p. 291.
132 Gravure anonyme, Distruzione de' galli in Italia, per la perdita di Mantova... (A.M.C.R.); Immagini..., p. 341.
133 Ripienezza dei commissari francesi, gravure citée.
134 Gravure anonyme, [Le laboratoire de l'alchimie républicaine,] Roveredo, 1799 (A.M.C.R.); Immagini..., p. 298-299.
135 Gravure anonyme, [Le naufrage de la démocratie,] Roveredo, 1799 (A.M.C.R.); Immagini..., p. 289.
136 Gravure anonyme, // quadro dell'opinione politica alla fine del XVIII secolo (R.B.M.); Immagini..., p. 347.
137 Cette production satirique, qui appelle à une étude approfondie, partage ses principaux thèmes avec la production des imagiers (damnation, marche aux enfers, retour à la normale, etc.), dont elle est parfois le commentaire direct : certaines pièces versifiées apparaissent en légende aux estampes.
138 Gravure de Giuseppe Barbi, Auspice ac duce deipara, Arretinae primum et germanicae copiae florentiam gallorum victrices ingrediuntur (R.B.M.); Immagini. .., p. 324; gravure de Giovanni Battista Cecchi, Combattimento sulla piazza del Duomo di Arezzo, gravure citée.
139 Le thème, présent aussi en France [Le dégel de la nation, cit.], connaît un grand succès : gravure anonyme, [Fonte des Républiques-soeurs,] Roveredo, 1799 (A.M.C.R.), représente la République française et six républiques-sœurs (dont une inattendue «Repubblica Asiatica») fondant sous les rayons de la lumière divine, renvoyée par les blasons des coalisés. Immagini..., p. 338-339.
140 La liquéfaction miraculeuse du sang du protecteur de Naples, en effet, a par deux fois sanctifié la République, exemple unique d'utilisation du registre sacré par la propagande philo-française.
141 Gravure anonyme, L'effigie del giacobinismo caduto (B.N.N.); Immagini..., p. 332.
142 Gravure anonyme, La caduta de' giacobini negli abissi dell'infemo (B.N.N.) ; Immagini..., p. 332.
143 Gravure anonyme, [Les Jacobins aux enfers] (M.C.V.) ; Immagini..., p. 306-307. Gravure anonyme, Il patriottismo in viaggio per casa del Diavolo (R.B.M.); Immagini..., p. 303.
144 Gravure anonyme, [Le cortège funèbre de la République,] (M.C.V.) ; Immagini. .., p. 300-301. Assez fréquent, le thème du cortège funèbre avait été utilisé par les imagiers français au moment de la prise de Mantoue.
145 Gravure anonyme, [Dernier voyage de la Démocratie] (A.M.C.R.); Immagini. .., p. 294-295.
146 Il patriottismo in viaggio per casa del diavolo, gravure citée.
147 Gravure anonyme, Qui giace la Repubblica Cisalpina... (M.C.V.); Immagini..., p. 308-309.
148 Gravure anonyme, La menzogna oppressa ossia il trionfo dell'Austria (M.C.V.); Immagini..., p. 311.
149 Gravure anonyme, Il faut danser (R.B.M.); Immagini..., p. 174-175.
150 [Les charlatans,] gravure citée (version du M.C.V.).
151 Gravure anonyme, [La démocratie sur la corde,] (A.M.C.R.); Immagini..., p. 292-293.
152 Gravure anonyme, [L'agonie de la République,] (M.C.V.); Immagini..., p. 314-315.
153 Gravure anonyme, Ecco la Democrazia nascente col cornuto padre suo présente (M.C.V.); Immagini..., p. 318.
154 Gravure anonyme, [La République et la mort,] (M.C.V.) ; Immagini..., p. 319.
155 Gravure anonyme, « Mangia il tuo gallo...» (M.C.V.); Immagini..., p. 111.
156 C'est l'hypothèse que fait Achille Bertarelli, mais les catalogues de la maison Remondini ne la confirment pas. Il faudrait alors supposer, ce qui est peu probable, une édition hors-catalogue ou chez un autre éditeur de Bassano. La localisation précise de ces images reste, comme souvent, un point non résolu.
157 [Le dernier voyage de la Démocratie,] gravure citée. Version allemande dans le catalogue Freiheit, Gleichheit, Brudeerlichkeit, op. cit. p. 441. Dans l'état actuel de nos recherches, il n'est pas possible de déterminer si l'ensemble de la série a été inspirée par une série allemande (ou vice-versa).
158 Gravure anonyme, [La Démocratie au bûcher,] (A.M.C.R.) ; Immagini..., p. 289.
159 Gravure anonyme, [Le laboratoire de l'alchimie républicaine,] (A.M.C.R.); Immagini..., p. 298-299.
160 Gravure anonyme, [Le procès du Directoire] (A.M.C.R.); Immagini..., p. 316-317.
161 Gravure anonyme, [Rétablissement de la monarchie en France,] (A.M.C.R.); Immagini..., p. 344.
162 «Les peuples ont conçu de l'aversion pour la liberté, dont ils n'ont connu que le nom », Aperçu sur les causes qui ont dégradé l'esprit public en Italie et sur les moyens de le relever, Paris, s.d. [1799], p. 11.
163 Paul Hazard, La Révolution française et les lettres italiennes, op. cit., p. I (c'est le titre de son introduction).

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